Pierre Corriveau, président de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ). (Photo: courtoisie)
ARCHITECTURE. De l’orientation du bâtiment au choix des matériaux en passant par l’efficacité énergétique, l’architecture durable touche à tous les volets d’un projet. C’est pourquoi l’application de ce concept, désormais incontournable, demande une réflexion approfondie. Coup d’œil sur cette tendance de fond.
Ce n’est pas d’hier que les architectes tiennent compte de l’aspect environnemental d’un projet dès la table à dessin. Toutefois, le secteur du bâtiment représentant 38 % du total des émissions mondiales de CO2, il importe d’aller plus loin en matière de durabilité.
« Les architectes doivent tenir compte de l’ensemble des éléments, explique le président de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ), Pierre Corriveau. Ça comprend l’analyse des matériaux, des coûts, la pérennité des composants, les besoins en énergie, mais aussi une réflexion sur la démolition. »
Un projet durable gère de façon responsable cinq ressources : le sol, les matériaux, l’énergie, l’air et l’eau. Il inclut notamment des énergies renouvelables, des matériaux écologiques, locaux et bas carbone, la récupération de l’eau et la réduction des déchets. Des normes, comme LEED, peuvent certifier sa qualité.
Selon Anne Carrier, présidente de l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ), l’architecture durable fait aujourd’hui partie du discours. « Plusieurs municipalités y sont sensibilisées. Beaucoup de bureaux d’architectes, comme Coarchitecture, à Québec, ou L’Oeuf, à Montréal, en ont également fait leur mission. »
« On a des architectes au Québec qui sont extrêmement performants en matière de développement durable, qui sont des exemples à suivre, estime Pierre Corriveau. D’autres les regardent avec envie et s’informent d’eux-mêmes. » L’OAQ souhaite aujourd’hui « développer un langage commun » sur la question. C’est pourquoi il lancera cet automne un grand chantier sur les changements climatiques, qui sera l’occasion de prendre le pouls de ses membres.
« Ce qu’on a senti comme besoin, c’est de développer une connaissance commune, de parler du sujet et de nos responsabilités selon un seul axe, précise son président. On n’imposera toutefois pas une manière de faire. On consultera nos membres. »
L’essence de l’architecture
Si les architectes québécois embrassent de plus en plus le concept d’architecture durable, peu s’aventurent encore dans son penchant plus poussé, l’architecture circulaire. « Il y a un réel besoin de sensibilisation », estime Pierre Corriveau.
Concrètement, ce concept se compose de trois aspects principaux : le réemploi du bâtiment existant, le démantèlement de l’édifice pour réutiliser ses composants sur place ou le recyclage des matériaux pour d’autres projets. Dans ce genre de projet, on optimise l’utilisation des ressources à toutes les étapes.
Pour Bruno Demers, directeur général d’Architecture sans frontières Québec, le « bras humanitaire » de l’OAQ, cette circularité est pourtant l’« essence de l’architecture ».
« Avant, on partait des matériaux locaux et bien souvent existants, rappelle-t-il. On construisait, refaisait puis re-refaisait les bâtiments. Il n’y avait pas de matériaux disponibles à l’infini où on voulait sur Terre. Ça a continué comme ça jusqu’au 20e siècle, quand l’économie linéaire du tout au déchet s’est imposée. »
Une responsabilité
Pour les intervenants interrogés, il est clair que l’architecte a un rôle à jouer pour offrir de meilleures perspectives à la planète. « Celui-ci doit démontrer la valeur ajoutée et l’économie à long terme d’une approche durable, avance Anne Carrier. Son rôle est de trouver l’équilibre entre la qualité du milieu, le bien-être des gens et l’efficacité énergétique. »
« L’architecte peut être le chef d’orchestre, mais tous les joueurs — les chercheurs, les ingénieurs, les entrepreneurs et les donneurs d’ouvrage, à commencer par le gouvernement du Québec — doivent être en harmonie », poursuit-elle.
« Le réemploi est nettement plus bénéfique pour la société, et l’architecte a une responsabilité sociale, croit pour sa part Pierre Corriveau. On doit convaincre les membres de l’Ordre de la nécessité d’une architecture pérenne, de meilleure qualité, qui prend plus de temps. Mais l’ensemble de la société doit en être consciente. C’est un travail commun. »