COVID-19: malade, 1 Québécois sur 5 irait quand même au travail!
Olivier Schmouker|Publié le 31 juillet 2020Une attitude irresponsable qui a pourtant une explication simple. (Photo: Engin Akyurt pour Unsplash)
BLOGUE. Imaginez que, cet automne, vous vous mettiez subitement à tousser fortement, à éternuer à en perdre le souffle, à vous sentir fiévreux, pour ne pas dire salement malade. Oui, imaginez que vous présentiez, du jour au lendemain, les symptômes de la COVID-19. Que feriez-vous? Eh bien, sachez que 1 Québécois sur 5 irait quand même au travail!
Oui, vous avez bien lu : 20% des Québécois se rendraient malgré tout au travail, quitte à contaminer des collègues, voire à obliger l’employeur à fermer les locaux pendant un bon bout de temps pour raison sanitaire, voire encore à le contraindre à effectuer, par la force des choses, des mises à pied «temporaires». C’est ce qui ressort d’un récent sondage de l’Association canadienne de la paie (ACP).
Comment expliquer un agissement aussi irresponsable? L’explication est à la fois simple et terrifiante : la peur de perdre son emploi.
C’est bien simple, il y a aujourd’hui 1 Québécois en emploi sur 4 qui a peur de bientôt perdre son poste, d’après le même sondage. Et ce, à cause de la pandémie du nouveau coronavirus: il se peut fort que l’employeur, en difficulté, se doive de réduire la voilure; que l’employeur, en difficulté, se doive de réorienter ses activités; etc.
Cette peur est si grande que 20% des Québécois qui travaillent actuellement prendraient la décision d’aller au travail en dépit de symptômes de la COVID-19 en tentant de dissimuler leur état de santé, qu’ils opteraient pour le présentéisme comme ils l’ont sûrement déjà fait auparavant, le jour où ils ont souffert d’un méchant rhume ou d’une petite grippe. Sauf que là, il ne s’agit pas d’un gros rhume, ni d’une grippette, mais bel et bien d’un virus potentiellement mortel ou handicapant (ex.: on a récemment découvert que des survivants à la COVID-19 présentaient maintenant des séquelles cérébrales dont on ignore si elles disparaîtront un jour, ou pas…)
La question saute aux yeux : mais sur quoi repose cette peur de perdre son emploi? Surtout que si les personnes en question occupent aujourd’hui un emploi, c’est bien le signe que leur employeur les considère comme essentielles pour mener à bien ses activités.
Le sondage de l’ACP apporte une réponse lumineuse à cette interrogation: le stress financier. Un stress plus omniprésent que jamais:
– 37% des Québécois en emploi disent ressentir aujourd’hui davantage de stress financier qu’avant la pandémie;
– 41% des Québécois rapportent que leur entreprise a été «sérieusement impactée» par la «mise sur pause» de l’économie consécutive à la COVID-19.
Un stress qui découle en partie d’une angoisse macroéconomique:
– 38% des Québécois se disent soucieux de la situation de l’emploi dans l’ensemble du Canada;
– 42% des Québécois se disent soucieux pour l’économie du pays.
«Les répercussions de la pandémie sont un obstacle à la reprise économique, ne serait-ce qu’en raison de la propagation du stress financier parmi les Canadiens en emploi, dit Peter Tzanetakis, le président de l’ACP. Nous savons que le stress financier coûte déjà des milliards de dollars aux entreprises canadiennes. Il est donc essentiel d’élaborer des stratégies pour aider les gens à réduire ou à gérer ce stress-là.»
Et d’ajouter: «Les employeurs gagneraient à offrir des formations sur la gestion des finances personnelles et des programmes d’épargne prélevée sur la paie. Car cela aiderait grandement leurs employés à maîtriser leurs inquiétudes à ce sujet.»
Bref, chers employeurs, vous voilà avec une épine supplémentaire fichée dans le pied, celle du stress financier de vos employés. Prenez-en conscience, ayez le cran d’amorcer une discussion sur ce point (ou à tout le moins d’indiquer que vous êtes ouverts à entendre vos employés vous en parler), puis faites preuve de courage managérial en trouvant la meilleure solution possible aux problèmes ainsi évoqués.
Il en va tout bonnement de la pérennité de votre entreprise : imaginez si un ou plusieurs de vos employés prenait vraiment la décision de venir au travail en se sachant malade et contaminait ainsi un, deux ou trois collègues… imaginez s’il fallait vous passer, du jour au lendemain, de cette poignée d’employés-là… imaginez si les autres refusaient, dès lors, de revenir travailler physiquement dans les locaux de votre entreprise… oui, imaginez un peu tout ça, dès la rentrée, cet automne…
En passant, le moraliste français Vauvenargues disait : «La science des projets consiste à prévenir les difficultés de l’exécution».
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