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COVID19: Employeurs, employés, le point sur vos droits et devoirs

Olivier Schmouker|Publié le 20 mars 2020

COVID19: Employeurs, employés, le point sur vos droits et devoirs

Les mises à pied se multiplient au Québec... (Photo: Anastasiia Chepinska/Unsplash)

BLOGUE. Au Québec, près de 1 PME sur 2 (44%) a d’ores et déjà réduit les heures de travail de ses employés ou procédé à des mises à pied temporaires, selon les données de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). Et ce, en raison du brutal ralentissement que connaît l’économie québécoise depuis la pandémie du nouveau coronavirus.

Résultat? Employeurs comme employés s’interrogent sur leurs droits et devoirs, en cette période de fortes turbulences. Pour y voir plus clair, voici, pour vous, un Q&R avec Andrea Wynter, directrice, ressources humaines, du cabinet-conseil en ressources humaines ADP Canada.

Les Affaires. Parlons santé et sécurité. Les employés peuvent-ils cesser de travailler s’ils se trouvent en danger?

Andrea Wynter. En vertu de la législation provinciale (article 51 de la loi sur la santé et la sécurité du travail), l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et pour assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur sur le lieu de travail. Etce, tout particulièrement dans le contexte actuel de propagation d’un virus tel que la COVID-19.

Les employés ont, pour leur part, le devoir d’informer leur employeur de toute situation qui présente un risque pour leur santé, leur sécurité personnelle, de celle de leurs collègues ou de toutes autres personnes ayant accès au lieu de travail. Ils ont donc le droit, selon la législation en vigueur, de refuser d’effectuer une tâche qui les exposerait, ou exposerait une autre personne, à un danger pour leur santé, leur sécurité ou leur bien-être physique. Pour pouvoir en bénéficier, l’employé doit alors présenter un motif valable de croire que sa santé est menacée. Ce qui s’applique tant dans les législations fédérales que provinciales.

L.A. Le travail à domicile est-il, dans ces conditions, vivement recommandé?

A.W. Travailler de la maison est non seulement la meilleure option pour limiter les contacts, mais aussi ce qui est recommandé par tous les niveaux de gouvernement. Pour ce faire, l’employeur doit s’assurer que les employés disposent des outils appropriés pour maintenir leur productivité. Ce n’est pas tout. Il doit également veiller à avoir des attentes raisonnables quant aux horaires de travail, aux délais de réponse et au rendement. S’assurer que les employés aient accès à des réseaux Internet privés et qu’ils sont au fait des protocoles de sécurité. Et adopter des outils et des technologies de collaboration permettant d’établir une bonne communication entre les employés et un bon flux de travail des équipes.

L.A. Tout cela nécessite, de toute évidence, de donner la priorité à la continuité des activités…

A.W. De fait, il est fondamental de disposer d’un plan de continuité des activités qui soit souple, adaptable aux circonstances, prêt à évoluer très rapidement. L’identification des postes et des fonctions essentielles est une étape clé pour maintenir la continuité des activités tout au long de la crise de la COVID-19. Ce qui peut amener les employeurs à envisager de dispenser une formation à des employés supplémentaires afin que les activités essentielles de l’entreprise puissent se poursuivre en cas de multiplication des absences.

En plus de favoriser des mesures de distanciation sociale et d’offrir la possibilité de travailler à domicile, les employeurs devraient tenir des réunions virtuelles. Quant aux voyages non essentiels reliés au travail, ils doivent être reprogrammés ou annulés.

L.A. Comment se doit d’agir un employeur qui entend procéder à des mises à pied, temporaires ou pas?

A.W. S’ils ne peuvent malheureusement pas maintenir leurs salariés en poste, ils peuvent tout de même les informer des options disponibles, comme l’assurance maladie de court terme de l’employeur, l’assurance emploi ou l’assurance maladie, selon le cas. De plus, le gouvernement du Québec est en train de mettre en place un programme d’aide temporaire pour les personnes en isolement à cause de la COVID-19 et qui ne sont pas éligibles aux programmes de l’assurance-emploi. Ceux-ci recevront jusqu’à 573$ par semaine, pour un maximum de 28 jours, dans le cadre du PATT (Programme d’aide temporaire aux travailleurs). Depuis le jeudi 19 mars, les demandes peuvent être remplies à quebec.ca.

L.A. Y a-t-il d’autres mesures de conformité dont les employeurs doivent tenir compte?

A.W. Tous les employeurs doivent tenir compte des lois et règlements en vigueur avant de mettre en œuvre des changements aux conditions d’emploi. Les employés auront probablement des questions sur l’assiduité, les jours de maladie, les annulations de vacances, le travail à distance, la rémunération et la couverture d’assurance – les équipes des ressources humaines doivent donc faire le point sur les politiques du lieu de travail et se préparer à répondre à ces questions-là. Elles devront également se tenir à jour des dernières mesures, comme les nouvelles prestations maladie de l’assurance-emploi, ainsi que des informations détaillées de leur organisme d’indemnisation concernant l’invalidité de courte et longue durée. L’important est de veiller à traiter tous les employés de manière équitable et de façon non discriminante. Et rappelons que les employeurs sont tenus de garantir le droit à la vie privée de leurs employés en toutes circonstances.

Par exemple, si un employé déclare aux ressources humaines qu’il a contracté la COVID-19, l’employeur ne peut pas divulguer son nom aux équipes de l’entreprise sans son accord. L’employeur peut révéler qu’un membre du personnel non identifié a contracté le virus et prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les employés qui ont été en contact avec l’employé concerné en soient informés et puissent se placer en quarantaine.

À cet égard, il est important de souligner que les politiques de bien-être appropriées restent en vigueur. Si un employé est malade, l’employeur doit l’encourager à rester chez lui. Les employés qui ont des symptômes, ou qui ont été en contact avec une personne touchée par la COVID-19, doivent se soumettre à la période de quarantaine obligatoire prévue par les organismes de santé publique (actuellement, deux semaines selon l’Agence de la santé publique du Canada).

L.A. Et comment fait-on lorsqu’un employé ne peut pas faire du télétravail parce que son emploi ne s’y prête pas?

A.W. Il est vrai que certains emplois répondent aux besoins essentiels à la population (ex.: les travailleurs de la santé, les employés d’épicerie, etc.), et qu«»’ils doivent demeurer en poste. En ce cas, l’employeur doit assurer à chaque employé un lieu de travail sécuritaire.

La clé est alors de bien informer les salariés. On le sait, la désinformation sur la maladie va continuer à se répandre, notamment sur les médias sociaux. Voilà pourquoi il est crucial de transmettre aux employés les informations fournies par les organismes de santé publique, tels que l’Organisation mondiale de la santé, Santé Canada et le gouvernement du Québec.

En ce sens, les employeurs sont également tenus de :

· Mettre en place un plan de communication avec une personne attitrée (ou une équipe transversale) pour se tenir à jour des derniers événements;

· Maintenir un processus de communication régulier;

· Répondre aux inquiétudes des salariés en temps voulu;

Si les politiques ou les renseignements des organismes de santé publique évoluent, les employeurs doivent informer le personnel de ces changements au fur et à mesure qu’ils se produisent. En période de crise, la meilleure pratique reste donc de surcommuniquer.

Les employeurs peuvent également mettre en place un canal de communication pour que les employés puissent soumettre des questions relatives aux mesures de prévention et de préparation. La rapidité de réponse de l’employeur sera déterminante: une réponse rapide et mesurée à chaque préoccupation des employés est une occasion d’établir la confiance.

L.A. Mme Wynter, si vous aviez un seul conseil à donner aux employeurs…

A.W. Bien comprendre et respecter les lois qui s’appliquent à votre entreprise est la meilleure façon de faire face à l’incertitude des mois à venir. En restant souples et flexibles, en évaluant et en mettant à jour les politiques, les pratiques, la conformité et les risques commerciaux et en mettant en place des plans d’action détaillés, les employeurs parviendront à protéger leur activité et à garantir la sécurité de leur personnel.

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