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Critères ESG: du «Grand Reset» au «Grand Désenchantement»

Le courrier des lecteurs|Publié le 20 janvier 2022

Critères ESG: du «Grand Reset» au «Grand Désenchantement»

Dans un contexte canadien, les critères ESG sont souvent utilisés afin de réclamer un désinvestissement dans le pétrole de la part des investisseurs institutionnels. (Photo: 123RF)

COURRIER DES LECTEURS. Un texte de Fatou Diaby, conseillère principale au président de l’Institut économique de Montréal (IEDM)

En juillet 2020, le fondateur du Forum économique mondial, le professeur Klaus Schwab, lançait un véritable pavé dans la mare comme coauteur, avec son ancien collègue Thierry Malleret, du livre COVID-19: The Great Reset. Cet ouvrage ayant parfois recours à de bons sentiments plutôt qu’à des données fiables a depuis été instrumentalisé tant par une gauche étatiste soucieuse de justifier une intervention démesurée de l’État que par une droite populiste désirant faire la promotion de certaines théories du complot ésotériques.

La réalité s’avère plus nuancée: si le concept de «capitalisme des parties prenantes» mis de l’avant par le professeur Schwab ne le campe certes pas parmi ceux qui désirent nationaliser les moyens de production privés, il n’en demeure pas moins qu’il témoigne d’une incompréhension des rouages les plus élémentaires de l’économie de marché. Après tout, avant de songer à plaire à une kyrielle d’intervenants ayant un lien ténu avec un projet économique donné, les entreprises seront d’abord et avant tout soucieuses de s’assurer de la rentabilité de leur investissement. 

Les objectifs du professeur Schwab sont louables: favoriser une décarbonation de l’économie, promouvoir une société plus inclusive et bâtir un monde plus résilient. Comme le fait valoir l’entrepreneur canadien Mac Van Wielingen dans le cadre d’un ouvrage publié par la School of Public Policy de l’Université de Calgary, ce sont là des objectifs tout à fait nobles et désirables, mais les critères ESG (environnement, société et gouvernance) ne doivent pas en venir à occulter des réalités économiques incontournables. 

Dans un contexte canadien, les critères ESG sont souvent utilisés afin de réclamer un désinvestissement dans le pétrole de la part des investisseurs institutionnels. Dans ce cas précis, on pourra dire que les tenants du «capitalisme des parties prenantes» souhaitent faire la promotion d’une économie plus sobre en émissions de carbone. Or, il nous semble évident qu’une telle approche est régressive lorsque l’on tient compte de la balance des inconvénients.

En effet, le secteur pétrolier canadien fait déjà les frais depuis plusieurs années d’un effondrement du cours du pétrole ainsi que d’une production accrue de la part des États-Unis, qui représente d’ailleurs l’acheteur étranger le plus important pour cette ressource stratégique, laquelle demeure enclavée en Amérique du Nord faute d’infrastructure d’exportation. Considérant que ce secteur économique embauchait près de 12 000 membres des Premières Nations en 2016, on peut affirmer qu’un désinvestissement de la part des gestionnaires de portefeuille se fait notamment au détriment du développement de ces communautés. Bref, il ne s’agit certainement pas d’une décision susceptible de rendre la société canadienne plus inclusive. 

Nous observons également au Québec des dérapages au profit du nébuleux critère de l’acceptabilité sociale. Nous utilisons ces termes car la définition du concept ne cesse d’évoluer. En effet, il suffit de remonter à 1997 afin de constater qu’il était alors utilisé pour décrire la réalité des pays en voie de développement, où les institutions n’inspirent pas confiance et où la primauté du droit demeure illusoire. Le fait qu’une définition puisse changer n’est pas en soi révolutionnaire, mais est susceptible de corrompre l’essence même de la primauté du droit lorsqu’elle est insérée de façon arbitraire dans les processus décisionnels. 

Prenons l’exemple d’une mine des monts Otish de Ressources Strateco: après s’être soumise au processus en vigueur et avoir obtenu toutes les approbations nécessaires, l’entreprise s’est vu refuser son projet par le gouvernement du Québec sous prétexte d’un manque d’acceptabilité sociale pour le projet et sa filière. Est-ce le genre de cafouillage ESG susceptible de renforcer la crédibilité de nos processus réglementaires, d’alimenter la confiance des investisseurs ou encore de servir les intérêts des travailleurs du Québec? Poser la question, c’est y répondre. 

Plus récemment, le rejet du projet de GNL Québec nous fournit également un exemple éloquent des dérapages du «capitalisme des parties prenantes». Dans ce contexte, le gouvernement a fait un trait sur le plus important investissement privé de l’histoire de la province au nom de l’acceptabilité sociale et environnementale. Il était pourtant question non seulement de réduire les émissions mondiales de GES – puisqu’il s’agit bel et bien d’un phénomène mondial –, mais aussi de créer de l’emploi dans une région qui en a besoin. 

Ce que cela tend à démontrer, c’est qu’en faisant des critères ESG des conditions sine qua non, nous en venons souvent à nous priver de projets qui, ultimement, contribuent à l’atteinte de leurs objectifs louables. C’est bien là le grand paradoxe de cette idée décousue, et son talon d’Achille le plus important. Nul ne se surprendrait alors si, comme le prédit Mac Van Wielingen, le «Grand Reset» devait céder le pas au «Grand Désenchantement».

 

En juillet 2020, le fondateur du Forum économique mondial, le professeur Klaus Schwab, lançait un véritable pavé dans la mare comme coauteur, avec son ancien collègue Thierry Malleret, du livre COVID-19: The Great Reset. Cet ouvrage ayant parfois recours à de bons sentiments plutôt qu’à des données fiables a depuis été instrumentalisé tant par une gauche étatiste soucieuse de justifier une intervention démesurée de l’État que par une droite populiste désirant faire la promotion de certaines théories du complot ésotériques.
La réalité s’avère plus nuancée : si le concept de « capitalisme des parties prenantes » mis de l’avant par le professeur Schwab ne le campe certes pas parmi ceux qui désirent nationaliser les moyens de production privés, il n’en demeure pas moins qu’il témoigne d’une incompréhension des rouages les plus élémentaires de l’économie de marché. Après tout, avant de songer à plaire à une kyrielle d’intervenants ayant un lien ténu avec un projet économique donné, les entreprises seront d’abord et avant tout soucieuses de s’assurer de la rentabilité de leur investissement. 
Les objectifs du professeur Schwab sont louables : favoriser une décarbonation de l’économie, promouvoir une société plus inclusive et bâtir un monde plus résilient. Comme le fait valoir l’entrepreneur canadien Mac Van Wielingen dans le cadre d’un ouvrage publié par la School of Public Policy de l’Université de Calgary, ce sont là des objectifs tout à fait nobles et désirables, mais les critères ESG (environnement, société et gouvernance) ne doivent pas en venir à occulter des réalités économiques incontournables. 
Dans un contexte canadien, les critères ESG sont souvent utilisés afin de réclamer un désinvestissement dans le pétrole de la part des investisseurs institutionnels. Dans ce cas précis, on pourra dire que les tenants du « capitalisme des parties prenantes » souhaitent faire la promotion d’une économie plus sobre en émissions de carbone. Or, il nous semble évident qu’une telle approche est régressive lorsque l’on tient compte de la balance des inconvénients.
En effet, le secteur pétrolier canadien fait déjà les frais depuis plusieurs années d’un effondrement du cours du pétrole ainsi que d’une production accrue de la part des États-Unis, qui représente d’ailleurs l’acheteur étranger le plus important pour cette ressource stratégique, laquelle demeure enclavée en Amérique du Nord faute d’infrastructure d’exportation. Considérant que ce secteur économique embauchait près de 12 000 membres des Premières Nations en 2016, on peut affirmer qu’un désinvestissement de la part des gestionnaires de portefeuille se fait notamment au détriment du développement de ces communautés. Bref, il ne s’agit certainement pas d’une décision susceptible de rendre la société canadienne plus inclusive. 
Nous observons également au Québec des dérapages au profit du nébuleux critère de l’acceptabilité sociale. Nous utilisons ces termes car la définition du concept ne cesse d’évoluer. En effet, il suffit de remonter à 1997 afin de constater qu’il était alors utilisé pour décrire la réalité des pays en voie de développement, où les institutions n’inspirent pas confiance et où la primauté du droit demeure illusoire. Le fait qu’une définition puisse changer n’est pas en soi révolutionnaire, mais est susceptible de corrompre l’essence même de la primauté du droit lorsqu’elle est insérée de façon arbitraire dans les processus décisionnels. 
Prenons l’exemple d’une mine des monts Otish de Ressources Strateco : après s’être soumise au processus en vigueur et avoir obtenu toutes les approbations nécessaires, l’entreprise s’est vu refuser son projet par le gouvernement du Québec sous prétexte d’un manque d’acceptabilité sociale pour le projet et sa filière. Est-ce le genre de cafouillage ESG susceptible de renforcer la crédibilité de nos processus réglementaires, d’alimenter la confiance des investisseurs ou encore de servir les intérêts des travailleurs du Québec? Poser la question, c’est y répondre. 
Plus récemment, le rejet du projet de GNL Québec nous fournit également un exemple éloquent des dérapages du « capitalisme des parties prenantes ». Dans ce contexte, le gouvernement a fait un trait sur le plus important investissement privé de l’histoire de la province au nom de l’acceptabilité sociale et environnementale. Il était pourtant question non seulement de réduire les émissions mondiales de GES – puisqu’il s’agit bel et bien d’un phénomène mondial –, mais aussi de créer de l’emploi dans une région qui en a besoin. 
Ce que cela tend à démontrer, c’est qu’en faisant des critères ESG des conditions sine qua non, nous en venons souvent à nous priver de projets qui, ultimement, contribuent à l’atteinte de leurs objectifs louables. C’est bien là le grand paradoxe de cette idée décousue, et son talon d’Achille le plus important. Nul ne se surprendrait alors si, comme le prédit Mac Van Wielingen, le « Grand Reset » devait céder le pas au « Grand Désenchantement ».