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David Bensadoun: de pompiste à PDG d’Aldo

Catherine Charron|Publié le 04 juillet 2023

David Bensadoun: de pompiste à PDG d’Aldo

C'est dans une station-service de son quartier que le PDG d'Aldo, David Bensadoun, a obtenu son premier emploi. (Photo: courtoisie)

LA PREMIÈRE JOB DU BOSS. Maintenant à la tête des plus grandes entreprises du Québec, ces PDG ont eux aussi apprivoisé le marché de l’emploi en occupant des postes au bas de l’échelle. Dans cette série estivale, découvrez les leçons qu’ils et elles ont tirées de ces premières expériences de travail qui teintent encore aujourd’hui leur leadership.

 

 

Il n’y a pas de mal à aspirer à ce que son équipe offre un service hors pair, ou qu’elle produise des biens de qualité. Or, ce n’est pas dans un climat de terreur qu’un employé sera disposé à dépasser les hautes exigences de son patron.

C’est du moins ce qu’a appris à la dure le PDG d’Aldo, David Bensadoun, à l’âge de 15 ans, alors qu’il travaillait comme aide-mécanicien dans un garage de la Rive-Sud de Montréal. «Je performais mieux quand on était gentil avec moi», se remémore-t-il, près de quarante ans plus tard.

En effet, c’est bien loin du strass et des paillettes que le jeune Montréalais a mis les pieds dans le marché du travail. Il a dégoté son premier emploi un peu par hasard à 14 ans, en rapportant au comptoir d’un Esso un billet de 20 dollars échappé sur le trottoir en face de la station-service.

«Le gérant m’a trouvé tellement honnête qu’il m’a proposé un emploi d’été. Après la dernière journée de classe, j’y suis retourné, mais je n’y suis resté que trois semaines», raconte-t-il.

 

Des gestionnaires aux antipodes

Cette courte expérience n’a pas pour autant été pauvre en leçon pour le fils d’Aldo Bensadoun.

Lors de sa première journée, à la fois pour lui inculquer la valeur du travail bien fait, ses attentes élevées, et probablement asseoir son autorité, déduit l’homme d’affaires, son patron l’a mandaté pour nettoyer les vitres de la trentaine de voitures stationnées dans la cour.

«Lorsqu’il a inspecté mon travail deux heures plus tard, il m’a demandé de tout recommencer, car l’un des véhicules n’atteignait pas ses standards. Ça m’a pris deux heures de plus, mais ensuite j’ai pu commencer à faire le travail d’un pompiste», dit-il.

Sévère, exigeant, ce premier leader n’élevait toutefois pas le ton pour que ses consignes et ses requêtes soient entendues, constate aujourd’hui le dirigeant.

Il a aussi compris qu’en dépassant les attentes des clients, il pourrait significativement augmenter ses revenus. «En 1984, le salaire minimum était de 6$, rappelle David Bensadoun. J’ai découvert que si je faisais un bon travail, en vérifiant l’huile, en ajoutant le lave-glace et en nettoyant les fenêtres, normalement, je pouvais gagner 10$ de l’heure.»

L’été suivant, c’est en tant qu’aide-mécanicien qu’il a recommencé à bosser sous la gouverne cette fois d’un patron aux antipodes de ce qu’il avait déjà connu. «Quand on faisait des erreurs, Frank imposait des amendes qu’on devait acquitter en nombre de bières, selon sa gravité. À 15 ans, souvent, j’ai dû aller acheter des bières au dépanneur du coin», raconte-t-il.

L’époque et le style de gestion étaient bien différents de ce qui est aujourd’hui toléré, reconnait le dirigeant. «Tous les jours, on aurait pu faire une plainte pour harcèlement au travail. Il criait, il lançait des outils, il nous forçait à lui acheter des bières, on ne verrait plus ça.»

Malgré les mœurs qui ont changé, sa réponse, elle, est similaire à ce qu’on observe en 2023 : un tel climat nuisait à sa mobilisation.

 

S’ouvrir à tous les milieux

Ainsi, c’est bien loin du milieu dans lequel il évolue depuis la fin vingtaine que David Bensadoun a fait ses premières armes sur le marché du travail. Et c’est un peu ce qu’il encourage les jeunes à faire, même ceux qui aspirent aux postes hauts-gradés plus tard.

«Les emplois d’été avant l’âge de 19 ans, ce n’est pas ce que tu fais qui importe, mais plutôt de bien le faire. Les jeunes se mettent trop de pression à bâtir un CV qui les prépare à leur future carrière. Au contraire, pour certains métiers, on préfère voir quelqu’un qui s’est bien débrouillé dans un milieu difficile, qu’une personne qui cumule les jobs prestigieuses. »

L’éthique de travail n’est donc pas propre à un secteur particulier, chaque expérience étant une occasion de faire des apprentissages. Il a lui-même compris les rouages du commerce du détail en gravissant les échelons d’un Subway à Whistler, après ses études universitaires.

S’il est parvenu à en faire la deuxième succursale la plus performante au pays, c’est en ajoutant à chaque commande un dessert.

«Si tu veux vendre des biscuits, tu dois en faire cuire toute la journée. C’est impossible de résister à l’odeur de biscuits frais», souligne-t-il.

Surtout, David Bensadoun recommande de trouver dans ces premiers emplois du plaisir. «Une approche positive ça change tout.»