À ce jour, Me Freiheit a accumulé 175 000 abonnés et plus de 52 millions de vues sur ses vidéos. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Après six ans au sein de l’un des plus importants cabinets d’avocats du Canada, David Freiheit, avocat, YouTuber et « vlawger, » voulait passer à autre chose.
Le jeune avocat spécialisé dans les litiges commerciaux chez Borden Ladner Gervais (BLG) était sur la voie du partenariat, mais un vendredi après-midi, il a annoncé à son gestionnaire qu’il laissait tout tomber.
Avec son premier enfant à la maison, il trouvait que son style de vie en tant qu’avocat ne lui permettait pas l’équilibre nécessaire pour voir grandir sa fille.
Presque du jour au lendemain, Me Freiheit a commencé à recevoir des appels d’amis et de connaissances qui avaient besoin de conseils juridiques, mais qui n’avaient pas pu s’offrir les tarifs de BLG.
Un mois après avoir accepté son premier client, il était à nouveau débordé de travail.
Il a rapidement cessé de travailler depuis le sous-sol de ses parents pour louer un petit bureau sur la rue Sainte-Catherine.
L’opération avait peu de frais généraux, mis à part le coût de l’espace, d’un ordinateur et de la recherche.
« C’était incroyablement efficace. Avec mon expérience et ma formation, je pouvais ne facturer presque rien à mes clients pour les services d’un avocat», dit Me Freiheit.
Un peu plus d’un an plus tard, son père, également un avocat réputé, le rejoint chez Freiheit Legal Inc.
Son cabinet d’avocats spécialisé dans les litiges comptait désormais cinq avocats ainsi qu’un assistant juridique.
Pendant ses temps libres, Me Freiheit redécouvre également sa passion pour la photographie et la vidéographie.
Armé d’un appareil photo reflex numérique qu’il s’est procuré pour photographier ses enfants et d’une caméra GoPro reçue à Noël, il aime expérimenter.
En 2014, il met en ligne ce qui reste sa vidéo la plus regardée à ce jour : un écureuil volant sa GoPro. La vidéo a été visionnée 5 millions de fois en une semaine seulement, et Me Freiheit a répondu à de nombreuses demandes d’interviews et d’offres pour le droit d’auteur sa vidéo.
« C’est à ce moment-là que j’ai découvert ce que YouTube avait à offrir en termes de vidéographie virale, se souvient-il. J’ai découvert une toute nouvelle industrie qui ne faisait que débuter à l’époque, mais dont j’ignorais l’existence. »
Alors que Me Freiheit consacrait plus de temps et d’énergie à comprendre le monde de la vidéographie, il s’est rendu compte de ce qu’il savait déjà lorsqu’il quittait BLG : la pratique du droit, même dans son propre cabinet, ne le satisfaisait pas.
« Il est arrivé un point où les revenus passifs de mes idées idiotes que je pouvais matérialiser sous forme de vidéo me permettaient de gagner un montant décent, dit-il. J’ai donc mis fin au côté litigieux de ma pratique, et j’ai conservé quelques dossiers et clients que je voulais garder, ce que je fais encore aujourd’hui. Puis j’ai fait le tour de YouTube et j’ai appris le montage vidéo, comment étiqueter une vidéo et faire des références croisées, quelles vignettes appropriées utiliser… toute l’industrie de YouTube en fait. »
Trouver une niche
Au départ, les vidéos de Me Freiheit portaient principalement sur sa famille et ses voyages.
À l’occasion, il complétait sa collection avec des vidéos sur le droit, en commençant par « The Last Trial » une vidéo documentant ce qui était censé être son dernier procès en tant que plaideur.
À sa grande surprise, chaque vidéo sur le droit attirait systématiquement plus de visiteurs que la moyenne de ses vidéos.
Les téléspectateurs en demandaient toujours plus et Me Freiheit a finalement décidé de donner une nouvelle image à sa chaîne pour produire presque exclusivement des analyses juridiques de nouvelles populaires comme la fuite de la déposition d’Alex Jones et l’arrestation de Julian Assange.
C’est de cette demande que les « vlawgs » quotidiens de Me Freiheit — une combinaison des mots « vlog, » qui signifie blogues vidéo, et « law, » qui signifie droit en anglais — sont nés.
À ce jour, Me Freiheit a accumulé 175 000 abonnés et plus de 52 millions de vues sur ses vidéos.
La majorité de ses vlawgs expliquent le contexte juridique lié à des nouvelles américaines ou internationales, car celles-ci ont tendance à être plus populaires sur YouTube.
Ça ne l’empêche toutefois pas d’analyser des sujets canadiens populaires, comme l’affaire SNC-Lavalin ou les propos de Jordan Peterson.
« Je n’ai pas besoin d’être un avocat américain pour expliquer les articles du code des États-Unis, dit-il. Je suis capable de les décomposer et, d’une certaine manière, je suis bien placé pour le faire parce que je n’ai pas l’expertise qui m’empêcherait de les déchiffrer en termes simples. Et il y a un certain aspect du droit qui est universel. Les règles de procédure vont être juridictionnelles, mais la stratégie d’une bonne déposition par rapport à une mauvaise ne va pas changer entre le Texas et le Québec. »
Monétiser ses vidéos
En tant que créateur vérifié sur YouTube, Me Freiheit génère des revenus AdSense grâce à la publicité sur sa chaîne.
Le montant des recettes publicitaires dépend d’une matrice complexe qui comprend la durée des vidéos de Me Freiheit, la durée de diffusion des publicités, l’appareil avec lequel les vidéos sont visionnées et le lien entre les publicités et son contenu.
Grâce à une audience constante, un nombre d’abonnés important et une niche identifiable, la valeur de base de la publicité sur la chaîne de Freiheit a augmenté au cours de son existence.
La plateforme de diffusion de vidéo permet aux créateurs de monétiser leur contenu davantage grâce à un système d’adhésion et à des contributions appelées « Super Chat » qui ressemble à un pourboire.
Me Freiheit complète ses revenus publicitaires avec ces fonctions et avec la vente d’autres styles de vidéo à des sociétés de licence, qui redistribuent son contenu par la suite.
Jusqu’à présent, la pandémie de COVID-19 a eu peu d’impact négatif sur les activités de Me Freiheit.
Les sociétés d’octroi de licences vidéo, en particulier, s’adressent à lui pour obtenir plus de contenu afin de maintenir l’intérêt des internautes pendant qu’ils sont en quarantaine et YouTube a connu une forte augmentation du trafic depuis le début de la plupart des protocoles de confinement.
Cependant, sa femme et ses trois enfants étant isolés dans leur maison à Montréal, Me Freiheit a dû adapter sa routine de créateur à domicile et s’est mis à filmer ses vlawgs dans l’environnement plus calme de sa voiture.
La qualité visuelle demeure: grâce au judicieux conseil de sa conjointe, c’est dans un véhicule avec toit ouvrant qu’il tournera ses vlawgs.
Karl Moore et Marie Labrosse. Karl est professeur associé à la Faculté de gestion Desautels et Marie est étudiante en maîtrise de littérature anglaise, tous deux à l’Université McGill.