EXPERT INVITÉ. De plus en plus, l’intimidation et ses effets destructeurs font l’objet de discussions. Aux États-Unis, l’intimidation est omniprésente sous différentes formes.
Intimidation scolaire
Un jour, j’ai demandé à mon fils Jérémie, alors âgé de 12 ans, s’il avait été victime d’intimidation (bullying) à son école. Il m’a répondu non, mais j’ai senti une certaine hésitation. Après quelques questions supplémentaires, il m’a avoué qu’un de ses camarades lui crachait dessus à sa sortie de l’autobus scolaire… depuis six mois!
Mais, comme beaucoup de victimes d’intimidation, il a pris la défense de son agresseur: «Oui, mais papa, il a des problèmes dans sa tête.» Oui, sans aucun doute! Outré, j’ai rencontré le directeur de l’école dès le lendemain matin.
Celui-ci a pris les choses en main et a réglé la situation.
Intimidation vidéographique
Aussi ridicule que cela puisse paraître, la mode actuelle consiste à filmer une agression physique d’un ou de plusieurs élèves envers un autre, puis à télécharger la vidéo sur des sites de partage.
À la recherche d’une gloire éphémère, ces futurs adultes répandent les conséquences de leur folie passagère et propagent les méfaits de leur intimidation.
Encore plus ridicule est l’inaction des sites de partage vidéo, qui ne font presque rien pour supprimer rapidement ces vidéos.
Sans parler de certains journaux en ligne qui publient ces vidéos et les laissent accessibles pendant des semaines, au nom de la liberté de presse.
Intimidation fiscale
Aux États-Unis, la majorité des enquêtes fiscales sont menées par des employés de l’Internal Revenue Service (IRS). Cependant, certaines enquêtes plus complexes sont menées par des équipes spécialisées, incluant des agents du Federal Bureau of Investigation (FBI).
Ainsi, si vous avez une société américaine et que l’IRS vous informe qu’une enquête fiscale va bientôt démarrer à son sujet, ne soyez pas surpris de voir un agent du FBI s’installer dans vos bureaux, avec sa calculatrice… et son arme de service!
Intimidation politique
Ce qui est fascinant aux États-Unis, c’est la dichotomie entre le discours des politiciens qui condamnent l’intimidation scolaire et leur propre comportement lors des campagnes électorales.
Leurs publicités télévisées sont éloquentes.
La publicité négative visant un candidat, payée par son adversaire ou par des groupes aux intérêts opposés, est monnaie courante. Images sombres, typographie rouge sang, musique dramatique: tout est mis en œuvre pour tenter de vous convaincre que l’autre est un déchet humain.
Lors de ses rallyes, Donald Trump est souvent accusé de recourir à l’intimidation envers ses opposants et parfois même envers ses partisans.
Avec un style agressif et des discours incendiaires, il n’hésite pas à se moquer publiquement de ses adversaires, à les dénigrer et à utiliser des surnoms péjoratifs pour les discréditer.
Cette rhétorique belliqueuse, qui galvanise ses supporteurs les plus fervents, crée une atmosphère de division et contribue à normaliser des comportements intimidants dans l’arène politique.
Pour sa part, Kamala Harris adopte une approche différente, cherchant à établir un dialogue et à valoriser l’empathie dans ses discours. Elle insiste sur l’importance de la dignité et du respect, même lorsqu’elle critique ses adversaires politiques.
Sa communication se veut inclusive, en mettant l’accent sur la solidarité et la justice sociale, ce qui contraste fortement avec le ton souvent conflictuel de Donald Trump. Harris privilégie un message de rassemblement, tentant de réduire les divisions et de promouvoir un climat de compréhension mutuelle.
Intimidation sexuelle
L’intimidation sexuelle est un problème qui a pris une place importante dans le débat public, particulièrement après l’émergence du mouvement #MeToo en 2017.
Ce mouvement a mis en lumière des milliers de témoignages de victimes d’abus et d’intimidation sexuels, révélant l’ampleur du problème dans de nombreux secteurs, y compris le monde du divertissement.
Récemment, les accusations portées contre Sean John Combs (alias Puff Daddy, Diddy, P. Diddy, et Puffy) ont une fois de plus souligné à quel point l’intimidation sexuelle est utilisée comme un moyen de contrôle et de pouvoir.
Ces accusations et les conséquences qui en découlent montrent que même les personnalités publiques les plus influentes ne sont pas à l’abri des conséquences de leurs actes lorsque des victimes courageuses choisissent de s’exprimer.
De plus, des accusations similaires ont été portées par plusieurs femmes contre Donald Trump, mettant en lumière un schéma d’intimidation et de comportements inappropriés. Ces affaires révèlent l’importance de dénoncer et de ne pas tolérer de tels actes, peu importe le statut ou la puissance de l’agresseur.
Intimidation judiciaire
La société Nissan Motors, qui fabrique des automobiles, a eu le malheur de ne pas réserver le nom de domaine nissan.com. C’est plutôt une petite société, Nissan Computer, qui l’a fait en premier.
Malheur à cette dernière, qui fut ensuite la victime d’une vendetta à grande échelle de Nissan Motors.
Autrement dit, David contre Goliath.
Pendant des années, Nissan Motors a poursuivi Nissan Computer en justice pour obtenir le nom de domaine tant convoité. Cela a coûté une fortune à Nissan Computer pour défendre ses droits, mais elle a finalement gagné.
De son côté, Nissan Motors a dû se rabattre sur un nom de domaine moins attrayant: nissanusa.com.
Depuis 1936, le magazine Consumer Reports est une référence de qualité aux États-Unis en matière de protection des consommateurs.
En 1988, ce magazine a publié un reportage peu flatteur sur le véhicule Suzuki Samouraï.
Vexé, le fabricant intenta une action en justice en 1996 (soit huit ans plus tard…) et réclama plus de 60 millions de dollars en dommages.
Se défendre a coûté une fortune à Consumer Reports, organisme sans but lucratif, qui a dû faire appel à la générosité de ses abonnés et lecteurs pour couvrir ses frais judiciaires.
En 2004, Suzuki a retiré son action en justice et le dossier a été tout simplement fermé.
Notons que Consumer Reports, bien que poursuivi de temps à autre par des fabricants mécontents, n’a jamais été condamné par une cour de justice et n’a jamais réglé un dossier hors cour impliquant le versement d’une quelconque somme d’argent de sa part.
Ces exemples de poursuites judiciaires illustrent l’utilisation de l’intimidation par les grandes entreprises pour faire plier les plus petits acteurs.
Pour sa part, Donald Trump a intenté des milliers de procès tout au long de sa carrière, utilisant fréquemment le système judiciaire pour intimider ses opposants et obtenir ce qu’il voulait par la force de la procédure.
Ces actions répétées montrent une tendance à exploiter les failles du système judiciaire pour exercer une pression et renforcer son pouvoir.
Intimidation matinale
Dès mon arrivée aux États-Unis en 1999, presque tous les matins, j’allais cueillir le News Journal au magasin du coin, situé dans un petit centre commercial extérieur, entouré d’un vaste stationnement.
Je garais toujours mon véhicule au même endroit, à côté d’un emplacement réservé aux personnes handicapées. L’endroit en question n’est pas un espace de stationnement à proprement parler, mais il ne gêne en rien la circulation.
D’autant plus que je n’y restais qu’environ 15 secondes.
Un jour, fidèle à ma routine matinale, je sors de ma voiture et me dirige vers le magasin. Je vois un homme se diriger lui aussi vers ce même magasin. Puis, soudainement, il m’apostrophe: «Avez-vous le droit de vous garer à cet endroit? Je ne vois rien qui vous y autorise.»
Peu habitué à entendre de tels propos aussi tôt le matin et surtout dérangé dans ma bulle post-nocturne, je ne dis rien à ce pseudopolicier et entre dans le magasin.
Cet individu me suit et sort littéralement de ses gonds devant la caissière et deux clients médusés: «Pour qui tu te prends? Tu es un trou du c…! As-tu compris? Un trou du c…!»
La caissière, qui me connaît bien, et les autres témoins sont tout simplement estomaqués par la violence de l’intervention.
Pas moi.
Ayant plaidé plus de 300 procès au Canada, j’ai une certaine habitude de ce genre d’individu. D’autant plus qu’il sent l’alcool à plein nez à huit heures le matin… Je le regarde calmement dans les yeux (injectés de sang), puis je paie le journal, remercie la caissière et quitte sans un mot.
Trois leçons à retenir
1. Ne jamais accepter l’intimidation, peu importe sa forme.
2. Dénoncer l’intimidation envers soi et envers les autres.
3. Comprendre que l’intimidation est la force des faibles…