Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

De nouvelles mesures pour combattre la rareté de la main-d’oeuvre

Anne-Marie Provost|Édition de la mi‑mars 2021

De nouvelles mesures pour combattre la rareté de la main-d’oeuvre

La Commission de la construction du Québec a adopté huit propositions pour contrer les effets de la rareté de la main-d’oeuvre sur les chantiers de construction. (Photo: courtoisie)

INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION. La Commission de la construction du Québec (CCQ) a adopté huit propositions pour contrer les effets de la rareté de la main-d’oeuvre sur les chantiers de construction. Au moment où les nouvelles mesures suscitent des réactions mitigées de la part de l’industrie, des constructeurs réclament une entrée en vigueur rapide.

«Mon souci, dans tout ça, c’est qu’on procède rapidement. La saison de la construction, c’est maintenant», lance François Bernier, vice-président principal aux affaires publiques de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). Ce dernier souligne qu’il y a une grande pression du côté de la demande pour la construction de logements, couplé à un effet de rareté de la main-d’oeuvre.

«On compte sur ces mesures-là pour soulager l’industrie, dit-il, et pour permettre l’intégration de nouveaux travailleurs.»

Les modifications réglementaires proposées par la CCQ ont été publiées en décembre et la période de consultation est maintenant terminée. Lors d’un échange avec Les Affaires à la mi-février, le cabinet du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale n’était pas en mesure de dire quand ces modifications seront en vigueur. Ni de quelle façon les commentaires des différents acteurs de l’industrie seront pris en compte.

L’Association de la construction du Québec (ACQ) accueille favorablement les changements proposés, notamment la reconnaissance de l’expérience des travailleurs en provenance d’autres industries liées au domaine de la construction. «Cela peut être des gens qui travaillent dans le secteur aéronautique ou qui montent des décors dans le milieu du cinéma», illustre son porte-parole, Guillaume Houle.

La CCQ veut permettre la délivrance d’un certificat de compétence apprenti à ceux qui compteront un nombre d’heures de travail dans des tâches liées au métier demandé, et qui équivalent à 35 % de la durée de l’apprentissage. «Cela va nous permettre de délivrer plus de certificats à des gens qui ont au moins une connaissance de base du métier», soutient Guillaume Houle.

 

Quelle place donner aux apprentis ?

De son côté, l’APCHQ apprécie particulièrement la polyvalence qui pourrait être donnée aux apprentis en leur permettant de faire des tâches résiduaires.

«Ce sont des tâches connexes. Par exemple, un charpentier-menuisier peut balayer autour de son travail, mais l’apprenti n’a pas le droit; il faut appeler un manoeuvre. Ça n’a pas de bon sens dans un chantier résidentiel», lance François Bernier. Ce changement pourrait éviter de multiplier le nombre de travailleurs, une mesure utile sur les chantiers de petite et de moyenne tailles.

Cela fait toutefois grincer des dents du côté syndical, qui estime que l’employeur en profitera pour embaucher plus de travailleurs à moindre coût. «Souvent, on fait faire les moins bonnes tâches à l’apprenti en première année, car il ne coûte pas cher. Mais s’il passe son temps à balayer et à nettoyer des roulottes, qu’aura-t-il appris de son métier?» fait valoir Éric Boisjoly, directeur général de la FTQ-Construction.

 

Crainte de déqualification

Le syndicat estime que les mesures proposées par la CCQ entraîneront une déqualification de l’industrie. Il s’en prend à la proposition qui permettrait à un compagnon de superviser deux apprentis plutôt qu’un. «Tous les compagnons n’ont pas cette capacité, soutient Éric Boisjoly. Il y aura des répercussions sur la qualification et sur la santé et la sécurité au travail. Le compagnon ne peut pas avoir les yeux sur deux apprentis.»

Il cite des chiffres de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail indiquant que les travailleurs de la construction représentent 5 % de la main-d’oeuvre totale au Québec, mais comptabilisent 25 % des décès liés à des accidents de travail.

Les bassins de main-d’oeuvre, qui permettent à des travailleurs sans diplôme d’obtenir un certificat d’apprenti, sont un point majeur de la discussion. Près de 60 % des travailleurs de la construction arrivent sur le marché de cette façon, précise l’ACQ.

«Il y a un problème de pénurie, donc on ouvre davantage les bassins de main-d’oeuvre. On se retrouve dans une situation où plus de gens sans formation professionnelle entrent dans le secteur, plutôt que l’inverse», affirme Guillaume Houle.

Conséquence des bassins, la FTQ-Construction note une baisse dans les inscriptions dans les centres de formation professionnelle offrant les programmes d’études menant aux métiers de la construction.

L’ACQ estime que la proposition de la CCQ de permettre aux étudiants de travailler sur les chantiers tout en poursuivant leur formation pourrait attirer les jeunes sur les bancs d’école et assurer la qualité de la formation. «En permettant l’alternance travail-étude, ça va permettre aussi de valoriser la formation et de dire aux jeunes qu’ils pourront étudier et travailler en même temps», fait valoir Guillaume Houle.

La FTQ-Construction souligne toutefois qu’il y a un gros problème de rétention de main-d’oeuvre. Une hausse des travailleurs qui quittent l’industrie est constatée: le syndicat note que 24 % des hommes diplômés ont quitté l’industrie après cinq ans en 2018. «On travaille sur des mesures pour faire entrer de la main-d’oeuvre, fait remarquer Éric Boisjoly, mais pas pour la retenir.»