Comment, donc, tirer le maximum de notre parc immobilier actuel et en réduire l'empreinte carbone ? (Photo: 123RF)
INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION. Le secteur des bâtiments contribue à 14 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec. Il est donc important d’encourager l’industrie de la construction à poursuivre le tournant durable amorcé il y a déjà quelques années.
Les nouveaux bâtiments à la fine pointe, c’est bien, mais la réalité reste qu’il est impossible de tout détruire pour mieux reconstruire – en tout cas, de le faire en restant vert. Comment, donc, tirer le maximum de notre parc immobilier actuel et en réduire l’empreinte carbone ?
« Tout dépend de notre point de départ », explique Hugo Lafrance, directeur des stratégies durables chez Lemay. Une maison chauffée aux combustibles fossiles – gaz, mazout – pourrait par exemple diminuer son empreinte carbone en passant à l’électricité. Selon Hydro-Québec, l’hydro-électricité (à réservoir) produit seulement 17 grammes de C02 par kWh contre 620 pour le gaz naturel, et 878 pour le mazout. La réalité est cependant qu’au Québec, l’énergie la plus utilisée pour le chauffage est déjà l’électricité. Ce sont 65 % des Québécois qui chauffent ainsi leur demeure, alors que 22 % utilisent le bois, 7 % le gaz naturel, 6 % le mazout et 0,5 % le propane.
Acheter des crédits carbone est une autre option pour diminuer son empreinte. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Lemay dans le cadre de la décarbonation de son nouveau siège social, où travaillent tous les employés depuis deux ans. L’entreprise a mis en oeuvre plusieurs mesures pour réduire l’empreinte carbone du bâtiment, comme celle de reléguer la vieille chaudière au gaz naturel à des fonctions de soutien, tout le reste utilisant une chaudière électrique. Malgré cet effort, il lui fallait trouver une autre manière de réduire son empreinte si elle voulait atteindre son objectif de carboneutralité. « Nos calculs ont montré que le bâtiment, sur une période d’un an, émettait l’équivalent de 95 tonnes de CO2, explique Hugo Lafrance. On a donc acheté 100 tonnes de crédits carbone pour les compenser. »
Le vieux, c’est mieux
Tirer le maximum d’un vieux bâtiment, c’est d’ailleurs la meilleure manière de réduire l’empreinte carbone de notre parc immobilier, insiste Hugo Lafrance. Il faut en effet tenir compte de l’énergie grise, ou le carbone intrinsèque, soit le carbone qui résulte de l’extraction, de la fabrication et du transport des matériaux. « Dans notre cas, avoir choisi un bâtiment existant pour notre siège social nous a permis d’éviter 81 % des émissions qui auraient été générées si on avait construit en neuf, dit-il. On a des images de nouveaux bâtiments performants et flyés, mais le bâtiment le plus vert, c’est le bâtiment existant. »
Dans le cadre d’une réfection, il importe également de porter attention aux matériaux. Privilégier l’usage de matériaux durables et faibles en carbone, comme la pierre et le bois, peut se révéler sage. Ils isolent aussi beaucoup mieux que le verre, par exemple. « C’est important d’avoir une enveloppe de bâtiment qui est performante, dit M. Lafrance. Si vous avez une tour de bureaux avec des façades à 100 % en verre, jamais vous n’aurez de bâtiment performant, et jamais vous ne réussirez à être certifié par la Norme du bâtiment à carbone zéro du Conseil du bâtiment durable du Canada. »
En ce qui a trait aux bâtiments institutionnels et commerciaux, il peut y avoir des gains importants à faire en suivant une démarche de remise au point des systèmes du bâtiment ou, dans le jargon, un recommissioning. Il s’agit là essentiellement pour un expert de faire le tour de tous les systèmes d’un bâtiment – ventilation, chauffage, climatisation, etc. – et de faire des modifications aux séquences de contrôles ainsi que des travaux mineurs pour les optimiser.
C’est que les horaires d’occupation peuvent avoir changé sans que les équipements soient modifiés en conséquence, explique Stéphan Gagnon, coordonnateur du service d’accompagnement technique à Transition énergétique Québec. Parfois, il peut aussi y avoir des « combats climatiques », soit des situations dans lesquelles la climatisation tente de combattre le chauffage, ou encore lorsqu’il y a trop d’air extérieur qui entre dans le système de ventilation.
« On peut ainsi faire des économies d’énergie de 10 % à 15 %, voire parfois jusqu’à 30 %, dit Stéphan Gagnon. Si on parle d’un grand bâtiment dont le coût de la consommation énergétique dépasse le million de dollars, cela signifie des économies qui se calculent en centaines de milliers de dollars. »
De plus, le rendement de l’investissement est souvent de moins d’un an. La récupération de chaleur sur les équipements de refroidissement est une autre avenue à fort potentiel. « On parle ici généralement d’un rendement de l’investissement de moins de cinq ans et d’économies d’environ 20 % », affirme Stéphan Gagnon.
En somme, les solutions existent. Reste à les mettre en oeuvre.