«Pour qu’elles soient potentiellement réalisables, une stratégie de décroissance gagnante et une quête de robustesse du Canada devraient nécessairement passer par un accord unanime de tous les pays afin d’aller dans cette direction.» (Photo: Nicole Geri pour Unsplash)
EXPERT INVITÉ. Dire que la transition énergétique est maintenant au centre de toute conversation serait un euphémisme. Votre humble serviteur ne rate d’ailleurs aucune occasion pour prôner un passage immédiat à l’industrie 5.0, la toute nouvelle ère industrielle qui intègre les technologies, la planète et l’humain, et ce, en parfaite harmonie.
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Force est de constater que le défi de faire bouger l’aiguille de la lutte aux changements climatiques dans la bonne direction reste entier, malgré tous les efforts. La conscientisation avance, mais les gestes ne suivent pas assez vite.
Bref, la partie n’est pas encore gagnée.
Cela dit, une nouvelle ligne de pensée prend actuellement forme, soit celle de la décroissance, et ce, en raison des limites physiques des ressources renouvelables et non renouvelables de la planète.
Selon les partisans de la décroissance, il faut tenir compte de ces limites physiques.
À leurs yeux, il devient donc urgent de réduire la croissance économique, et, par conséquent, la consommation de ressources naturelles, sans parler des dommages environnementaux qui l’accompagnent.
Or, la croissance économique est au cœur de tous les projets nationaux et corporatifs à l’échelle planétaire. Il s’agit d’une mesure de succès reconnue qui alimente tout un système concurrentiel.
C’est ce qu’on enseigne dans les écoles de gestion depuis longtemps, même si on parle maintenant de développement durable.
Comme si ce nouveau paradigme de la décroissance ne secouait pas suffisamment l’ordre établi, le biologiste Olivier Hamant en rajoute. Il affirme qu’on a davantage besoin de robustesse que de développement.
L’idée même de performance est contestée…
Ainsi, notre monde serait trop optimisé, ce qui devient contreproductif.
Pour lui, quand on optimise, on fragilise en même temps. En somme, l’efficacité et l’efficience seraient les nouveaux maux de société, rien de moins!
Voilà donc une deuxième croyance forte, la quête de performance, qui est maintenant aussi contestée.
Au fil des ans, j’ai réalisé une centaine d’accompagnements pour des exercices de planification stratégique d’organisations diverses. Cela incluait aussi des entreprises qui étaient davantage intéressées par la préservation du patrimoine que par la croissance.
En revanche, je ne me rappelle pas un seul accompagnement qui n’avait pas la performance, la productivité et l’efficacité opérationnelle comme mantra.
C’est dire à quel point on part de loin.
Quelle entreprise, à moins d’avoir un monopole incontesté et inébranlable, peut ralentir ou cesser de croître en présence de concurrents qui, eux, ne pensent qu’à augmenter leurs parts de marché?
La nature ayant horreur du vide, ce recul sera rapidement absorbé par un rival.
On pourrait transposer cette situation à l’échelle de pays comme l’Inde ou la Chine. Les deux géants asiatiques sont en effet dans une démarche affirmée et soutenue de croissance économique afin de créer une classe moyenne.
Comment pourrait-on nier à ces pays le droit d’élever leur niveau de vie, alors que les pays développés l’ont fait avant eux?
Dans la même logique, comment le Canada pourrait-il ralentir sa croissance et réduire sa performance dans son coin si tous les autres pays de la planète cherchent à combler ce vide et profiter de la situation?
Cette perte de compétitivité du Canada à l’échelle mondiale éloignerait les investisseurs, sans parler du déclin inévitable qui s’en suivrait.
Pis encore, une économie québécoise et ses entreprises appuyant sur les freins de la croissance économique fragiliseraient les finances de l’État, ce qui mettrait à risque nos programmes sociaux.
Aussi, pour qu’elles soient potentiellement réalisables, une stratégie de décroissance gagnante et une quête de robustesse du Canada devraient nécessairement passer par un accord unanime de tous les pays afin d’aller dans cette direction.
Bref, la décroissance ne peut être qu’un projet planétaire, et non celui d’un pays ou d’une entreprise isolée.
Revenons à mon propos du début.
Les conditions gagnantes d’un virage vert
Qui a dit qu’on ne pourrait pas réussir le pari du développement durable?
Ce sont les membres d’équipe et les clients qui forcent la main des entreprises à accélérer leur transition énergétique et à valoriser l’humain à travers les changements technologiques.
Les collaborateurs de la génération Z font leur entrée sur le marché du travail avec de solides valeurs durables. Pour leur part, les Y – ou les millénariaux – prennent le leadership des organisations, et imposeront un virage vert plus rapide.
Quant à eux, les donneurs d’ordre et les clients cherchent à verdir leurs chaînes d’approvisionnement, en plus d’imposer leurs conditions à leurs fournisseurs.
Subissant des pressions de la population, les gouvernements fixent donc aussi des cibles de plus en plus ambitieuses et légifèrent en conséquence.
Cela signifie que les conditions gagnantes sont de plus en plus présentes pour un virage climatique réussi, même s’il y a encore du chemin à parcourir et des décideurs à convaincre.
La décroissance et la robustesse sont des concepts louables qui provoquent des réflexions en profondeur.
Toutefois, là où le bât blesse, c’est la manière d’y arriver.
Comme quoi vouloir bien faire n’est pas toujours sans conséquence.
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