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Démarrer une entreprise en temps de pandémie

La Presse Canadienne|Publié le 17 mars 2021

Démarrer une entreprise en temps de pandémie

Selon Statistique Canada, le nombre de nouvelles ouvertures d’entreprises en novembre a dépassé le nombre de fermetures pour un cinquième mois consécutif. (Photo: 123RF)

La perte d’un emploi à cause de la pandémie a permis à Mike Livingstone de réaliser un rêve de longue date. Lorsqu’il a été licencié au printemps dernier, le responsable du secteur des transports a changé de vitesse et est devenu son propre patron en ouvrant une boulangerie.

«Nous avions toujours voulu avoir notre propre entreprise, mais le bon moment ne s’était jamais présenté», a−t−il expliqué dans une entrevue. «Nos enfants étaient jeunes et nous avions juste besoin de stabilité. Mais quand j’ai perdu mon emploi, il était beaucoup plus facile de prendre des risques parce que je n’avais pas autant de choses à perdre.»

Une rare lueur d’espoir émerge, un an après le début de la pandémie de COVID−19, qui a autrement provoqué une dévastation économique généralisée.

Alors que des milliers d’entreprises ont fermé leurs portes et que des millions de travailleurs ont été mis à pied, certains Canadiens ont saisi l’occasion et se sont lancés seuls en affaires.

Selon les plus récentes données de Statistique Canada, le nombre de nouvelles ouvertures d’entreprises en novembre a dépassé le nombre de fermetures d’entreprises pour un cinquième mois consécutif. 

Cet éclatement inattendu de l’esprit d’entrepreneuriat semble faire un pied de nez à une année largement définie par de sombres retombées économiques, une hausse du nombre d’infections et le resserrement des restrictions sanitaires. 

Pour certains, démarrer une entreprise était une question de nécessité, une activité secondaire pour tenter de joindre les deux bouts et se tenir occupés jusqu’à ce que l’économie rebondisse. 

Ces initiatives peuvent inclure des entreprises opportunistes qui ont profité des conséquences de la COVID−19, comme les services de nettoyage, les masques faits maison, le conditionnement physique en ligne et les services de livraison, a expliqué James Bowen, professeur associé à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa.

Alors que certaines de ces entreprises resteront dans le paysage économique, d’autres disparaîtront avec le coronavirus, a−t−il souligné.

«L’année 2020 a accéléré certaines tendances que nous avions constatées au fil du temps, mais elle a également changé un certain nombre de modèles commerciaux», a précisé M. Bowen. «Le coût d’entrée a chuté et on voit davantage de personnes créer des entreprises à côté, mais le taux d’échec pourrait être différent à mesure que l’économie et la société auront évolué et que les perspectives seront meilleures.»

Entre−temps, certaines nouvelles entreprises préparaient leur démarrage avant même que la pandémie n’éclate, tandis que d’autres entrepreneurs – comme M. Livingstone – ont vu leurs intentions se préciser quant à ce qu’ils voulaient vraiment faire de leur vie. 

«Nous avons parlé de ce à quoi ressemblait l’avenir pour nous et avons décidé de faire un changement», a expliqué M. Livingstone, maintenant propriétaire de Cobs Bread Bakery à Georgetown, une communauté au nord−ouest de Toronto, avec son épouse, Annie Hoare.

«C’était une occasion commerciale, mais c’était vraiment une question de passion.»

 

Des démarrages qui profitent de certains avantages

Même s’il peut sembler peu orthodoxe d’ouvrir une nouvelle entreprise alors que tant d’autres ont fait faillite, M. Livingstone n’est pas seul à l’avoir fait.

Le magasin torontois de vente au détail de cannabis Forever Buds a ouvert ses portes en janvier, alors que la ville était en plein confinement.

«Nous aurions pu nous arrêter et attendre que tout cela soit terminé, mais comme nous ne voyions pas la fin, nous avons décidé d’encaisser le coup et d’aller de l’avant», a souligné Vish Joshi, chef de la direction de Forever Buds.

«C’est un peu dommage que nous n’ayons pas pu ouvrir nos portes aux clients pour une grande ouverture. Mais nous avons travaillé fort pour créer un buzz en ligne.»

En Nouvelle−Écosse, Chanoey’s Pasta a ouvert ses portes en juin, alors que les restrictions liées à la COVID−19 étaient en place.

Catherine Paulino, copropriétaire du restaurant de Dartmouth avec son mari et chef Carl Mangali, a expliqué qu’ils avaient déjà loué un espace et contracté des emprunts et qu’ils «ne pouvaient pas revenir en arrière».

Mais le plan d’affaire des entrepreneurs était pratiquement à l’épreuve d’une pandémie, a−t−elle estimé.

«Nous avons touché le jackpot avec notre plan d’affaires parce que nous avions prévu nous concentrer sur les plats à emporter de toute façon», a affirmé Mme Paulino. «Nous payons toutes nos factures à temps et nous prenons même un jour de congé par semaine maintenant.»

Même s’il existe certaines difficultés liées à l’ouverture d’une entreprise pendant une pandémie, il y a aussi des avantages, a−t−elle ajouté.

«Nous avons trouvé certains des tarifs inférieurs à nos attentes et nous avons obtenu des rabais sur notre système (de points de vente).»

En effet, les prix de certaines locations immobilières ont chuté pendant la pandémie, alors que les sous−locations inondaient le marché, alors que le commerce électronique et les commandes en ligne prospéraient.

Malgré tout, la poussée des entreprises en démarrage au cours de la dernière année pourrait être suivie d’une vague de fermetures après la pandémie, a prévenu M. Bowen.

«Le taux d’échec sera probablement plus élevé pour deux raisons», a−t−il déclaré. «Premièrement, il y aura des gens qui lancent des entreprises qui n’ont pas d’expérience.»

«L’autre raison, c’est que lorsque quelqu’un crée une entreprise et réussit à démontrer qu’il existe un marché pour quelque chose de nouveau, que ce soit un marché de niche ou un marché émergent, certains grands acteurs mieux établis en profitent pour (…) prendre le relais.»