Des DJ et propriétaires de bars veulent le retour de la danse
La Presse Canadienne|Publié le 22 octobre 2021Pour le DJ montréalais Marc-André Patry, il ne sert à rien d’offrir une prestation si les gens ne peuvent pas danser.
«Je n’irais pas à une exposition dans un musée pour regarder une œuvre d’art sur le mur si elle est recouverte à 80%. Je ressens la même chose avec la musique, en particulier la musique que je fais jouer», a-t-il expliqué dans un récent entretien.
Depuis des années, M. Patry organise un événement mensuel appelé «Voyage Funktastique» dans des bars. La pandémie de COVID-19 l’a arrêté, mais cet été, M. Patry a pu déplacer la fête à l’extérieur. Avec le temps qui se refroidit et les règles sanitaires du Québec interdisant toujours de danser dans les bars, M. Patry prévoit de ranger son équipement.
«Si les gens ne peuvent pas danser sur cette musique, alors je préfère ne rien faire», a-t-il dit.
Le Québec et la Colombie-Britannique sont les deux seules provinces qui continuent d’interdire la danse dans les bars et les boîtes de nuit dans le cadre de leur réglementation liée à la COVID-19. Alors que le Québec a assoupli d’autres restrictions sanitaires, les propriétaires de bars, les DJ et les personnes avides de danser disent qu’ils ne comprennent pas pourquoi l’activité demeure interdite.
Plusieurs personnes, y compris les organisateurs d’une manifestation qui doit avoir lieu à Montréal samedi, disent qu’ils soutiennent les efforts que la province a déployés pour lutter contre la pandémie de COVID-19, mais ils croient que la danse peut reprendre en toute sécurité dans des lieux où le passeport vaccinal de la province est requis.
Tommy Piscardeli, le propriétaire de la boîte de nuit montréalaise Stereo, a dit que pour lui, c’est une question d’équité. Son établissement — qui ne sert pas d’alcool et dispose d’un permis lui permettant de rester ouvert après l’heure de fermeture de 3 heures du matin — est fermé depuis le début de la pandémie.
Pour ajouter à sa frustration, il a vu des vidéos de milliers d’admirateurs de Ricky Martin danser lors d’un récent concert au Centre Bell. Selon lui, cela n’a aucun sens que 17 000 personnes puissent se trouver dans un amphithéâtre à «crier, danser, s’époumoner, chanter», alors qu’il ne peut pas avoir 500 personnes dans son club.
«Ils ne crieraient pas, ne s’époumoneraient pas, ne perdraient pas la tête», a-t-il soutenu. «Ils ne feraient que danser.»
M. Piscardeli affirme que sans lieux légaux pour danser, les gens vont maintenant dans des soirées clandestines où les passeports vaccinaux ne sont pas requis et où les autres mesures de sécurité publique ne sont pas appliquées. Autoriser la danse «ramènerait les gens dans les lieux qui ont mis en place tous les protocoles, qui vont vérifier les passeports vaccinaux, vont faire tout ce qu’ils nous demandent de faire», a-t-il assuré.
«L’impact culturel dépasse la vie nocturne»
Mathieu Grondin, cofondateur et directeur général de MTL 24/24, une organisation à but non lucratif qui défend le secteur de la vie nocturne de la ville, a déclaré qu’il considérait la réouverture des pistes de danse comme une initiative de «réduction des méfaits», ajoutant que les lieux qui bafouent les mesures de COVID-19 sont également susceptibles d’enfreindre d’autres règles de santé et de sécurité.
«Montréal est l’une des dernières villes au monde où l’on ne peut toujours pas danser, et nous avons l’un des taux de vaccination les plus élevés au monde pour les adultes. Les pistes de danse ont rouvert partout en Europe, partout en Amérique du Nord», a-t-il noté, ajoutant que 20% des touristes de Montréal viennent pour la vie nocturne de la ville.
L’impact culturel dépasse la vie nocturne, estime pour sa part Laurianne Lalonde, qui fréquentait les clubs de salsa et de samba avant la pandémie.
Mme Lalonde, qui a lancé une pétition en ligne appelant à la réouverture des pistes de danse qui a reçu 5000 signatures virtuelles, a souligné que les lieux qu’elle fréquentait attiraient des personnes de plusieurs générations. «Il ne s’agit pas seulement des boîtes de nuit, il s’agit aussi de ces communautés, de ces personnes qui partagent leur identité ou leur identité culturelle à travers la danse», a-t-elle déclaré.
«Approche progressive»
Le ministère de la Santé adopte une approche progressive pour assouplir les restrictions liées à la COVID-19, guidée par le nombre de cas, a écrit la porte-parole Marie-Louise Harvey dans un courriel. Bien qu’elle ait déclaré que le département était au courant des appels pour que la danse soit autorisée, il est trop tôt pour dire quand cela pourrait se produire.
«Des discussions sont en cours concernant l’ajustement des différentes mesures sanitaires. Des annonces seront faites en temps voulu, en fonction de la situation épidémiologique», a-t-elle écrit.
Le Dr André Veillette, immunologiste à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, affilié à l’Université de Montréal, pense que la danse devrait être l’une des dernières activités à reprendre.
«Habituellement, quand les gens dansent, ils respirent plus vite, ils parlent aux gens autour d’eux, les gens sont très proches. Ils n’observent pas une distance de deux mètres, ils sont parfois à deux centimètres de distance», a-t-il dit dans une récente entrevue, ajoutant que les gens peuvent crier pour se faire entendre, car la musique est forte. Il s’inquiète également de la ventilation dans les bars et les discothèques.
«Il y a la bonne combinaison pour causer beaucoup de problèmes», a-t-il déclaré.
Même avec des passeports vaccinaux, M. Veillette pense qu’autoriser la danse est trop risqué avant que le nombre de cas de COVID-19 au Québec ne diminue considérablement.
«Je pense que nous y arriverons, nous devons juste éviter d’aller trop vite, a-t-il dit. Chaque fois que nous avons essayé d’aller un peu plus vite, nous nous sommes fait du mal.»