Des machines dotées d’émotions pour mieux servir les clients ?
Événements Les Affaires|Publié le 12 mars 2019Alors que les avancées en intelligence artificielle se multiplient, la capacité des machines de comprendre les émotions, de les détecter et d’en tenir compte demeure très limitée. Les entreprises pourraient pourtant tirer profit de machines dotées d’intelligence émotionnelle, en particulier pour ce qui concerne les ventes, le marketing et le service à la clientèle. C’est justement le domaine de recherche d’Hervé Mensah, directeur général de Quotient social et chargé de cours au Département de sciences de la décision de HEC Montréal. Il est l’un des invités de la conférence Intelligence artificielle, présentée par les Événements Les Affaires le 7 mai prochain, à Montréal.
L’intelligence artificielle (IA) peut-elle vraiment être associée aux émotions ?
Hervé Mensah : Il y a deux concepts autour de l’IA. Il y a d’abord l’intelligence opérationnelle qui consiste à automatiser des actions en fonction de données acquises du passé. C’est ce qui se passe, par exemple, lorsqu’on interagit avec un robot conversationnel. Les réponses de ce dernier sont basées sur la reconnaissance de texte et sur les expériences antérieures. Et puis il y a l’intelligence émotionnelle où la machine peut reconnaître les émotions et utiliser cette information pour guider ses décisions. À partir du moment où on apprend à un algorithme à faire cela, il pourrait théoriquement développer des émotions. Ce serait l’IA qu’on voit dans les films.
Les machines pourraient avoir des émotions ? C’est difficile à croire.
H.M. : Par définition, les machines n’ont pas d’émotions. La prémisse toutefois, c’est que si les machines comprennent les émotions, elles pourraient se les appliquer à elles-mêmes. On peut déjà concevoir des algorithmes de haut niveau. Si on réussit à y intégrer les émotions, ce ne seraient plus vraiment des machines, mais une réplique de la conscience humaine. On est cependant encore loin d’y parvenir, car la recherche se concentre surtout sur l’intelligence opérationnelle. Quant à l’intelligence émotionnelle, plusieurs chercheurs travaillent sur des algorithmes de reconnaissance des expressions faciales.
Et vous, sur quoi travaillez-vous ?
H.M. : Je m’intéresse aux émotions associées aux textes écrits. Par exemple, les émotions suscitées par la lecture de différents textes. Ou encore les émotions derrière les courriels, les messages de clavardage ou les commentaires dans les médias sociaux.
Avez-vous des exemples d’applications ?
H.M. : Il y a une corrélation entre l’humeur d’une personne et l’acte d’acheter. Il y a donc des avantages pour les entreprises à mieux comprendre comment se sentent leurs clients. Il pourrait aussi y avoir des bénéfices pour la qualité du service à la clientèle. Par exemple, si l’intelligence artificielle détecte de l’impatience dans le courriel d’un interlocuteur, elle pourrait adapter sa réponse, tout comme le ferait un humain. Tenir compte des émotions pourrait aussi permettre aux entreprises d’améliorer le taux de réponse de leurs communications.
Quels sont les défis que vous rencontrez ?
H.M. : Les humains vivent souvent un mélange d’émotions. L’intensité d’une même émotion peut aussi varier grandement. Cela complique donc l’apprentissage des machines. Et comment faire comprendre à l’intelligence artificielle qu’un commentaire est sarcastique ?
Quotient social, que vous avez cofondé, a pour mission d’aider les organismes sans but lucratif à exploiter leurs données. En profitez-vous pour faire avancer vos recherches sur les émotions ?
H.M. : Dans la plupart des projets, l’analyse des données est destinée à automatiser des actions. Mais oui, avec certains organismes, on peut tester des algorithmes sur les émotions. C’est le cas notamment avec Academos, un organisme de cybermentorat pour les jeunes. On cherche à voir par exemple comment les données sur les échanges entre mentors et mentorés pourraient permettre de réaliser de meilleurs matchs dans l’avenir ou de fournir des conseils pour améliorer la communication.