(Photo: 123RF)
ANALYSE. Difficile de ne pas être découragé en regardant les maigres taux d’intérêt de 0,6 % que versent les obligations de 10 ans du gouvernement fédéral. Avec ces taux anémiques, l’investisseur ne peut pas espérer aller bien loin avec la portion obligataire de son portefeuille.
Trouver une solution de rechange, s’il y en a, n’est pas si simple, comme on peut le constater dans le texte de notre collaboratrice Sophie Stival sur l’avenir du portefeuille équilibré (p. 41-43). Même s’il s’agit d’une solution imparfaite, certains investisseurs ont décidé de se tourner vers les actions qui versent un dividende élevé ou en croissance. L’idée n’est pas nouvelle, mais l’intérêt connaît un certain sursaut cet automne, selon ce qu’on voit passer de gauche à droite.
C’est dans ce contexte que nous avons eu envie de revisiter les perspectives de BCE (BCE, 55,00 $), dont l’action affiche un rendement du dividende supérieur à 6 %. L’action de la maison-mère de Bell offre un curieux paradoxe pour l’investisseur. D’un côté, il s’agit d’un placement défensif avec un dividende relativement solide. De l’autre, la pandémie a eu des répercussions sur la société de télécommunication qui doit composer avec son lot de défis.
La thèse de Robert Bek, de Marchés mondiaux CIBC, reflète bien cette ambiguïté, en passant de la réticence à la confiance d’une phrase à l’autre. «Notre recommandation « neutre » s’explique par les évaluations, commente-t-il. Il faudra une meilleure visibilité pour obtenir plus de gains. BCE reste un bon pari défensif en cette période incertaine et un bon placement de base pour les investisseurs à la recherche de revenus de dividende.»
On constate que l’attrait défensif de BCE ne l’isole pas des conséquences économiques dommageables de la pandémie. Les revenus publicitaires de sa division Média, qui inclut notamment CTV, Noovo, RDS et Crave, sont sous pression. Plusieurs clients dans le secteur de la petite et moyenne entreprise vivent aussi des moments difficiles et la société en subit également les contrecoups.
La baisse du nombre de nouveaux arrivants pendant la pandémie est un autre vent de face pour les sociétés de télécom, car il réduit le nombre de nouveaux ménages créés et, par ricochet, de clients potentiels. Au Canada, il y a eu 34 000 nouveaux résidents permanents au deuxième trimestre plutôt que 94 000 à la même période en 2019, selon Services économique RBC. En Ontario et au Québec, l’immigration a chuté de 71 % durant cette période.
Certains problèmes ne sont pas uniquement liés à la pandémie. Vince Valentini, de Valeurs mobilières TD, constate que les télécoms canadiennes sont plus fonceuses avec leur offre promotionnelle. La concurrence de Shaw Mobile en Alberta et en Colombie-Britannique est d’ailleurs pointée du doigt. Cet environnement concurrentiel fait en sorte que les consommateurs vont revoir leurs attentes quant aux prix qu’ils sont prêts à payer et seront moins enclins à renouveler leur contrat à un prix plus élevé. Une bonne nouvelle pour le consommateur, une moins bonne pour l’actionnaire.
L’analyste donne l’exemple du forfait «illimité» de Rogers, où les clients pouvaient profiter de la vitesse maximale pour les 10 premiers gigaoctets (Go) de données consommées pour un montant de 75 $. «Cela a déjà causé une baisse des revenus par abonné, souligne Vince Valentini. À maintenant 50 $ pour plus de 10 Go, on intensifie le bouleversement.»
Une entreprise solide
Des vents de face ne mettent pas nécessairement le navire en péril. Même s’il émet une recommandation «performance de secteur», Drew McReynolds, de RBC Marchés des capitaux, juge que BCE est un «titre de qualité» et une «valeur refuge».
L’analyste croit que BCE a les outils nécessaires pour protéger son dividende. Il croit même que la société sera en mesure de l’augmenter en 2021. Il note que la société a de la marge de manoeuvre avec ses dépenses opérationnelles et ses investissements pour pallier une baisse de revenus. Son régime de retraite n’a pas de déficit et la société disposait de 5,4 G $ en liquidité au deuxième trimestre.
Matthew Dolgin, de Morningstar, croit d’ailleurs que la taille de BCE lui procure un avantage sur ses rivales. Cela lui permet de répartir ses coûts sur une plus grande base d’abonnés et de réaliser des ventes croisées. Cet avantage est mitigé par son ancien réseau filaire en cuivre, qui coûte plus cher à entretenir. Le déploiement de la fibre optique devrait cependant lui permettre de réduire ses coûts.
BCE doit publier ses résultats le 5 novembre. La situation s’est probablement améliorée au troisième trimestre, mais l’intensité promotionnelle et les pressions sur les revenus publicitaires demeurent. Les résultats pourraient évidemment entraîner une légère hausse ou baisse du titre, mais la majorité des analystes semblent accorder plus d’importance à ce qui arrivera en 2021.
Rien ne garantit que l’horizon s’éclaircira vraiment en 2021, comme plusieurs d’entre eux l’espèrent. Pour l’actionnaire, obtenir un rendement de 6 % provenant d’un dividende jugé solide, et bien, c’est toujours ça de pris.