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LES GRANDS DE LA COMPTABILITÉ. Comme toutes les entreprises, les cabinets comptables québécois ont vu leur année chamboulée par l’arrivée de la COVID-19. Voici comment les plus grands d’entre eux ont vécu cette période atypique.
Deloitte garde le cap
À Deloitte Canada, l’attention s’est portée sur la préservation des contacts avec les clients et le bien-être des employés et associés. « Les relations humaines, c’est le plus important dans notre domaine », explique Geneviève Provost, associée directrice pour le Québec et la région de la Capitale-Nationale.
Les travailleurs vivaient des situations compliquées en raison du confinement, notamment les parents. « Nous avons fait preuve de flexibilité », souligne-t-elle. Les employés ont pu réduire leurs heures de travail sans encourir une baisse de salaire équivalente. D’autres ont carrément pu se mettre temporairement en congé complet, tout en continuant de recevoir une partie de leur rémunération.
En octobre, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a annoncé l’utilisation de la solution Health Connect de Deloitte, afin d’augmenter le nombre de dépistages de la COVID-19. Cet outil d’autoévaluation vise à réduire le temps nécessaire au dépistage, tout en réduisant le fardeau de cette tâche sur les professionnels de la santé.
Malgré la pandémie, Deloitte poursuit son projet de s’établir à l’Espace Montmorency, à Laval, en 2023. Le cabinet a aussi conservé l’ensemble de ses employés et a continué ses embauches. « Nous gardons une vision à long terme, avance Geneviève Provost. Traverser cette crise nous donnera une énergie renouvelée pour innover et travailler à la relance. »
RCGT en mode gestion de crise
Dès le début de la pandémie, Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) a regardé ce qu’elle devait faire pour protéger sa firme, ses employés et ses clients. « Nous avons plus de 100 bureaux et nous ne voulions pas devenir un vecteur de contagion », explique le président et chef de la direction Emilio Imbriglio. L’entreprise a immédiatement cessé les événements en personne qui réunissaient des employés de différentes régions. Elle a aussi interdit aux travailleurs de se rendre dans d’autres bureaux que le leur.
RCGT a par ailleurs mis sur pied deux comités de crise. Le comité de gestion composé d’Emilio Imbriglio, du chef des opérations et de trois vice-présidents régionaux a pour mission de prendre des décisions rapides. Une cellule opérationnelle regroupe les expertises internes et externes et permet d’échanger sur la manière dont la COVID-19 affecte la firme. « La pandémie fait ressortir l’importance du leadership et de la maîtrise des communications et des nouvelles technologies », croit le président.
La recherche de subvention et la cybersécurité, devenue cruciale avec l’accélération du virage numérique, ont beaucoup occupé RCGT pendant l’année. « L’acquisition de l’entreprise de cybersécurité VARS, en janvier 2020, nous a vraiment bien servi », note Emilio Imbriglio.
La famille RCGT s’est agrandie en 2020 avec l’arrivée du cabinet Mercier Vallières Lapointe, dans la région de Chaudière-Appalaches.
PwC optimiste pour la relance
À PwC Canada, certains secteurs ont été moins sollicités, mais d’autres ont connu une année chargée. En mars, le marché des fusions et acquisitions est tombé au point mort, mais l’activité y a repris dès le mois de mai. Quant au domaine des restructurations, il a été peu occupé en raison des aides aux entreprises.
« Par contre, nous avons beaucoup aidé nos clients à comprendre les mesures gouvernementales et à obtenir les subventions », précise Nochane Rousseau, associé directeur pour le Grand Montréal.
La valeur du marché canadien des premiers appels publics à l’épargne (PAPE), un secteur important pour PwC, a atteint presque 5 milliards de dollars en 2020, malgré l’incertitude économique. C’est la meilleure année depuis 2014. Corporation Nuvei, un fournisseur de technologies de paiement fondé à Montréal, qui est un client de PwC, a d’ailleurs réalisé le plus grand PAPE d’une compagnie technologique à la Bourse de Toronto en levant plus de 700 millions de dollars américains.
Selon Nochane Rousseau, la pandémie accélérera le virage vers une économie plus verte. Les entreprises devront respecter des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) plus stricts pour séduire les grands investisseurs. PwC a d’ailleurs nommé Miriam Pozza au titre de leader mondial des questions relatives aux critères ESG pour le groupe Transactions.
« Les crises majeures génèrent une forte énergie qui se voit dans des reprises vigoureuses, donc nous restons optimistes pour 2021 et 2022 », ajoute l’associé.
KPMG en croissance au Québec
La COVID-19 n’a pas freiné les élans de KPMG. En août, la firme a annoncé l’acquisition du cabinet Allard Matte, situé à Brossard. « Nous disposons maintenant d’une équipe de 60 personnes sur la Rive-Sud de Montréal et de 120 personnes à Québec et nous continuons d’être ouverts à d’autres occasions, affirme Benoit Lacoste Bienvenue, associé directeur pour la province de Québec. Malgré la pandémie, nous ne sommes pas du tout en mode conservateur. »
Pendant la crise, KPMG a sollicité une responsabilisation et un engagement encore plus marqués de ses employés, dont la moyenne d’âge est de 34 ans. « J’ai été enchanté de leur réponse et du niveau d’énergie qu’ils ont déployé pour soutenir nos clients », se réjouit Benoit Lacoste Bienvenue. Loin de subir des mises à pied, l’effectif de la firme a plutôt augmenté légèrement en 2020. Celle-ci a dû faire preuve d’imagination pour continuer ses activités de formation et pour intégrer ses quelque 175 recrues, dont au moins un tiers sortait directement de l’université.
Lorsque les fusions et acquisitions sont tombées à plat en mars et en avril, les équipes qui s’y consacrent habituellement ont été redéployées pour aider les entreprises à tirer parti des nouveaux programmes d’aide gouvernementaux. Le cabinet a aussi offert beaucoup d’appui en gestion de risque, en gestion de risques financiers et en cybersécurité, des domaines dans lesquels KPMG a beaucoup investi ces dernières années, rappelle l’associé directeur.
Ajustements chez Mallette
Après dix années de solide croissance, Mallette a frappé un os en mars lorsque les gouvernements du Québec et du Canada ont accordé un délai de plusieurs mois pour remplir les formulaires d’impôt. Normalement, cette activité occupe beaucoup Mallette en avril. « Notre volume d’affaires a soudainement chuté de moitié », relate le président Mario Bédard.
Heureusement, ces mandats sont revenus en juin et en juillet. D’autres secteurs ont eu beaucoup moins de travail que d’habitude, notamment les fusions et acquisitions, puisque les achats et les ventes d’entreprises ont marqué une pause pendant les deux premiers mois de la pandémie. Le secteur de l’insolvabilité a aussi été tranquille en raison des subventions gouvernementales qui maintenaient les sociétés et les individus à flot.
Mallette a conservé tous ses employés, mais a redéployé certaines équipes vers des mandats de budgétisation, de financement, de moratoire de remboursement de prêt et pour aider les clients à s’y retrouver dans les nouvelles subventions et allègements fiscaux. « Les fusions et acquisitions ont toutefois repris depuis ce temps, souligne Mario Bédard. Quant aux faillites, il risque d’y en avoir plusieurs une fois que l’aide gouvernementale cessera. »
Le cabinet de Québec a annoncé en octobre l’acquisition de Cauchon Turcotte Thériault Latouche, comptables professionnels agréés. Le président de Mallette salue par ailleurs l’initiative d’Olivier Laquinte, président de la firme de conseil en gestion Talsom, qui a lancé le site firmesindependantes.com, destiné aux services professionnels d’ici. « Nous croyons que l’engouement pour l’achat local devrait aussi concerner les services professionnels », avance M. Bédard.