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Des projets qui devront démontrer leur acceptabilité

François Normand|Édition de la mi‑mai 2021

Des projets qui devront démontrer leur acceptabilité

«Je n’ai pas du tout de crainte pour le tourisme. Une fois que la mine sera construite, les villégiateurs ne la verront même pas.[...] Les avantages de ce projet sont supérieurs aux inconvénients, mais il faut demeurer vigilants», dit Réjean Gouin, maire de Saint-Michel-des-Saints (Photo: courtoisie)

INDUSTRIE MINIÈRE. Aussi responsables soient-elles, les mines de nouvelle génération ne sont pas à l’abri de contestations citoyennes et de défis environnementaux. Par exemple, le projet de Nouveau Monde Graphite (NMG) est loin de faire l’unanimité dans la région de Saint-Michel-Des-Saints.

L’Association pour la protection du lac Taureau (APLT) est contre la construction de la mine en raison des effets négatifs potentiels sur le tourisme et l’environnement. «C’est un non à ce projet, et ce n’est pas négociable!»lance sans hésiter le secrétaire de l’Association, Daniel Tokatéloff. Le Conseil des Atikamekw de Manawan (CDAM) affirmait pour sa part à Radio-Canada en février que le projet est loin de faire l’unanimité au sein de la communauté.

En revanche, le maire de Saint-Michel-des-Saints, Réjean Gouin, appuie le projet minier. «Je n’ai pas du tout de crainte pour le tourisme. Une fois que la mine sera construite, les villégiateurs ne la verront même pas», affirme le maire, en précisant que la grande majorité des citoyens de la ville sont aussi en faveur du projet.

L’élu admet toutefois avoir certaines craintes en ce qui a trait à l’incidence potentielle de l’activité minière sur l’environnement. «Oui, ça nous fait peur», confie-t-il, en s’empressant toutefois de préciser qu’il fait confiance au gouvernement, aux autorités locales et à NMG pour prendre les mesures nécessaires afin de limiter au maximum les risques. «Les avantages de ce projet sont supérieurs aux inconvénients, mais il faut demeurer vigilants», insiste Réjean Gouin.

L’APLT reproche essentiellement trois choses au projet de Nouveau Monde Graphite, nous a expliqué de long en large Daniel Tokatéloff, un ingénieur à la retraite. D’une part, l’Association affirme que le gisement de graphite «est très pauvre», car il affiche une teneur de 4 %. Aussi, si le Québec veut développer des mines de graphite, il devrait le faire avec des gisements plus riches, à commencer par ceux autour du lac Guéret (Côte-Nord).

D’autre part, l’APLTL affirme que le marché potentiel de NMG (le graphite naturel) est en déclin dans le monde, et que les futures batteries pourraient contenir du graphite synthétique ou du silicium.

Enfin, l’Association affirme que la méthode de codisposition de l’entreprise pour gérer les déchets miniers est loin d’avoir fait ses preuves (même si elle est utilisée dans d’autres contextes miniers).

 

La réponse de Nouveau Monde Graphite à ses critiques

Dans le cas de la teneur en graphite de 4 %, NMG affirme que la «qualité de la minéralisation de son gisement»ne tient pas seulement aux teneurs en carbone graphitique.

Il faut aussi tenir compte de la pureté, de l’homogénéité, de la quantité de la ressource et de la granulométrie des paillettes de graphite extraites, souligne la PME. Pour ce qui est du marché du graphite naturel, NMG fait remarquer que des pays européens, les États-Unis, le Canada et la Chine ont décrété que le graphite est un minerai stratégique dans la transition énergétique.

De plus, la PME souligne que plusieurs organisations — telles que la Banque Mondiale, BloombergNEF ou Benchmark Mineral Intelligence — prévoient une «demande exponentielle»pour le graphite dans les prochaines années. Quant à son système de codisposition, NMG affirme que son projet «tire parti des meilleures pratiques de par le monde».

De plus, l’entreprise souligne qu’à la demande de la collectivité, elle a choisi d’éviter les solutions de gestion des résidus par bassins submergés, et ce, en raison du fait que des digues «peuvent représenter des risques à long terme pour l’eau, l’environnement et la communauté». Dans son rapport publié en juin 2020, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) avait recommandé huit études additionnelles afin de favoriser l’acceptabilité sociale du projet de Nouveau Monde Graphite, notamment au chapitre de l’environnement. Son PDG, Éric Desaulniers, affirme que NMG a réalisé «la grande majorité»des changements exigés par le BAPE quand le gouvernement a autorisé le projet, en février. C’est la raison pour laquelle il estime qu’une grande proportion de la population appuie et continuera d’appuyer le projet.

 

Des défis environnementaux pour Mason Graphite

Même si la future mine de Mason Graphite sera située en zone inhabitée, la société fera face également à des défis environnementaux si son projet de valoriser et de commercialiser ses résidus issus de la première transformation du graphite voit le jour, souligne Thomas Pabst, de Polytechnique Montréal.

«Il faut faire attention aux dangers futurs [dans le cycle de vie des produits], souligne ce professeur en génie minier. Si on mélange par exemple des résidus miniers valorisés avec du béton, il ne faudrait pas que ce béton vienne ensuite polluer un jour l’environnement quand on détruira l’infrastructure.»