Un haut taux d'inoccupation peut être coûteux pour une RPA. (Photo: 123RF)
RÉSIDENCE POUR AÎNÉS. Un peu partout au Québec, des RPA déploient des initiatives inspirantes pour traverser ces temps difficiles.
Lorsqu’on lui demande le taux d’inoccupation au Manoir Cinq Saisons, Steve Trottier ne se fait pas prier pour le dévoiler. «Il est de 0%, répond le directeur général de cette RPA de 200 unités de Dolbeau-Mistassini. Et c’est probablement notre plus grande fierté; cela signifie que nous faisons du bon boulot.»
La Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) a cessé de publier son Enquête sur les résidences pour personnes âgées il y a deux ans. Ce recensement qui couvrait tous les centres de chacune des provinces dévoilait chaque année cette donnée sensible, ce qui donnait le pouls sur la santé financière de cette industrie.
«Un logement vide représente des pertes de plusieurs milliers de dollars par année, rappelle Steve Trottier. On ne peut se permettre ce luxe.» Pour arriver à dégager un profit, une gestion serrée des opérations s’impose. «Nous préférons optimiser plutôt que d’augmenter le loyer de nos locataires de manière abusive.»
Selon la SCHL, le taux d’inoccupation moyen au Québec était de 12,8% en 2021. À Dolbeau-Mistassini, il se chiffrait à 10,1%. Selon plusieurs intervenants consultés par Les Affaires, ce pourcentage serait d’environ 7 à 8% à l’heure actuelle à l’échelle de la province, toutes régions confondues.
Des solutions
Parmi les stratégies déployées par l’état-major du Manoir Cinq Saisons pour mieux faire face à l’adversité figure le recrutement de main-d’œuvre à l’étranger. Trois préposées aux bénéficiaires originaires du Cameroun sont ainsi venues renforcer les rangs de l’équipe il y a une année et demie.
Plus récemment, trois travailleurs d’Haïti et du Cameroun ont été engagés en cuisine — plonge, service aux tables, etc. Et si tout va bien, trois autres préposées aux bénéficiaires de la Tunisie se joindront au personnel d’ici peu, toutes pour des contrats de travail d’une durée de deux à trois ans.
«Le processus d’embauche s’étale sur huit à dix mois et, parce qu’on fait affaire avec une firme spécialisée en immigration, coûte environ 12 000$ par candidat», explique Steve Trottier. La satisfaction est au rendez-vous. «Ce sont des gens sérieux, appréciés par les résidents et avec qui c’est un charme de travailler.»
Ailleurs au Québec, d’autres RPA rivalisent d’ingéniosité elles aussi. Plusieurs résidences du Groupe Libertia permettent par exemple à de jeunes étudiants de bénéficier gratuitement d’un logement, de trois repas par jour et d’un accès à Internet en échange de dix heures de bénévolat par semaine.
Dans la même veine que ce projet de cohabitation intergénérationnelle, le complexe PAX Habitat de Joliette regroupe sous un même toit 102 logements accessibles et abordables pour personnes aînées ainsi qu’un centre de la petite enfance de 70 places. Le but: maintenir les résidents à domicile le plus longtemps possible.
Gérontechnologies
La technologie va aussi permettre aux aînés de demeurer plus longtemps dans leur maison — ou en RPA. De plus en plus de RPA regardent avec intérêt se développer le marché des technologies innovantes et abordables pour accompagner le vieillissement, ou agetechs.
«Beaucoup de nos membres se tournent vers ces solutions pour dispenser de meilleurs soins et faciliter la vie de leurs employés», constate Marc Fortin, président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA). Cela tombe bien: il y a une grande concentration d’entreprises spécialisées en agetech au Québec.
Parmi elles, il y a par exemple XPill Pro, de la compagnie de Québec DOmedic, un logiciel qui sécurise le circuit du médicament en connectant la résidence avec les pharmaciens des usagers. Autre exemple: MedOClock, une application montréalaise qui permet aux proches aidants de faciliter le suivi, la communication et l’organisation d’une personne en perte d’autonomie.
Il y a aussi Azimut Medical, une entreprise montréalaise spécialisée dans le développement de vêtements intelligents gonflables de protection pour prévenir les fractures de hanches chez les aînés. On estime que 25% d’entre eux décèdent dans l’année qui suit une telle fracture.
La technologie, un cuissard noir discret qui se porte sous les vêtements, s’active dès lors que son utilisateur perd pied et tombe. Grâce à l’apprentissage profond, une branche de l’intelligence artificielle, elle est capable de faire la part des choses 99 fois sur 100 et d’ainsi atténuer l’impact avec le sol de manière significative.
L’enjeu est majeur. La technologie développée par Azimut Medical pourrait représenter une police d’assurance pour les RPA, surtout celles de catégorie 1 ou 2, où les soins et services sont peu nombreux. On imagine déjà la publicité: enfilez la paix d’esprit!