Des stagiaires qui n’en sont pas à leurs premières armes
Jean-François Venne|Édition de la mi‑février 2019Un certain nombre de stagiaires sont âgés de la quarantaine ou la cinquantaine. Ils ont travaillé dans d’autres domaines avant de retourner suivre une formation.
STAGES EN ENTREPRISES. Il est de plus en plus fréquent que les entreprises accueillent des stagiaires qui ont déjà travaillé pendant quelques années. Ces candidats présentent des atouts et des besoins différents des autres.
«Nous accueillons chaque année une trentaine de stagiaires dans chacun de nos trois bureaux, et la moitié d’entre eux sont en deuxième partie de carrière, soit des gens issus de l’immigration ou des Québécois en réorientation de carrière», explique Marion Montagu, responsable du recrutement pour CGI, à Shawinigan et à Drummondville.
Un certain nombre de stagiaires sont âgés de la quarantaine ou la cinquantaine. Ils ont travaillé dans d’autres domaines avant de retourner suivre une formation en informatique. À Saguenay, CGI accueille plusieurs de ces stagiaires plus âgés, lesquels arrivent armés d’une Attestation d’études collégiales. «Ils ont souvent besoin d’un peu plus d’encadrement au début, admet Karine Villeneuve, spécialiste en ressources humaines et en recrutement pour CGI, à Saguenay. Ils détiennent une formation de base, mais pas du même niveau qu’un DEC ou un baccalauréat. Ils peuvent être un peu moins à l’aise avec l’informatique que les jeunes dans la vingtaine.»
Une culture d’intégration
C’est là qu’intervient la culture d’entreprise de CGI, selon les deux porte-parole. Le programme d’intégration de la firme est axé sur le parrainage, le coaching et le travail d’équipe. Les stagiaires, peu importe leur âge, se voient intégrés à une équipe qui comprend des travailleurs seniors.
Par ailleurs, les stagiaires plus âgés possèdent une certaine maturité professionnelle, acquise dans leurs expériences de travail précédentes. Ils sont ponctuels et impliqués. Ils vivent des enjeux différents de ceux des plus jeunes. Certains ont essuyé plusieurs refus en raison de leur âge avant de retrouver un emploi. Ils éprouvent souvent des besoins financiers plus immédiats (enfants à charge, maison). «Ils s’investissent beaucoup dans l’entreprise et développent rapidement un sentiment d’attachement», note Mme Montagu.
Les stagiaires issus de l’immigration présentent un besoin supplémentaire, celui de l’intégration dans le milieu. CGI s’efforce de faciliter cette transition. La première journée de travail d’un immigrant consiste en une séance d’intégration dans l’entreprise, dans laquelle on discute de valeurs et d’interactions entre les gens. Certains employés n’hésitent pas à s’impliquer, par exemple, en allant chercher ces travailleurs lors de leur arrivée à l’aéroport, en les conseillant et en les invitant à des activités ou en les aidant à se trouver un logis. Conséquence, le taux de roulement des employés immigrants n’est pas supérieur à celui des non-immigrants chez CGI.
Pour CGI, ces stagiaires au profil atypique sont une bénédiction. L’entreprise compte 30 postes ouverts à Saguenay, 40 à Shawinigan et une vingtaine à Drummondville. «S’il y avait plus de stagiaires disponibles, des semi-retraités prêts à travailler à temps partiel, par exemple, nous les prendrions !», confirme Mme Villeneuve.
Percer les professions
Les stagiaires atypiques vivent une réalité un peu différente dans les milieux professionnels, comme le droit. «Il existe une certaine résistance dans les cabinets d’avocats à embaucher un stagiaire plus âgé, qui a déjà fait un bout de carrière dans un autre domaine», indique MeDominique Tardif, vice-présidente de la firme de recrutement juridique ZSA.
Certains craignent qu’un stagiaire qui a déjà occupé des postes à responsabilité dans un autre domaine accepte moins bien de recommencer en bas de la pyramide et de se plier aux exigences d’un stage. La même crainte existe au sujet d’avocats qui ont pratiqué, parfois même été associés, dans un autre pays, mais qui doivent refaire une formation et un stage pour pratiquer au Québec.
Dans certains cas, l’âge peut aussi jouer contre un candidat, en particulier à partir de la cinquantaine. Les cabinets utilisent beaucoup les stages pour préparer la relève et trouver de futurs associés afin d’assurer la pérennité du cabinet. Le stagiaire grisonnant ne correspond pas à ce profil.
Cela ne veut pas dire pour autant que tous les candidats en réorientation de carrière sont automatiquement rejetés du revers de la main. «Ça dépend beaucoup du domaine dans lequel ils ont travaillé. Dans certains cas, ils possèdent des connaissances et une formation qui ont une grande valeur pour un cabinet d’avocats», indique Me Tardif.
Elle donne l’exemple de quelqu’un qui aurait travaillé comme banquier d’investissement. Celui-ci représenterait un bon atout pour un département de droit des valeurs mobilières. Idem pour un ancien médecin qui intégrerait un département de droit spécialisé en responsabilité médicale, ou encore un ingénieur qui voudrait faire du droit de la propriété intellectuelle.
Il y a donc de l’espoir pour les candidats plus âgés, à condition de compter sur des atouts qui apportent une valeur ajoutée à leur futur employeur.