Être en affaires, ce n’est pas seulement faire des sacrifices personnels et travailler d’innombrables heures. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. J’ai récemment lu en ligne des commentaires assez odieux à la suite de l’annonce d’une faillite d’une jeune entreprise. Et je me suis dit: comment voulez-vous que d’autres personnes envisagent de se lancer en affaires si c’est pour subir ce traitement en cas d’échec?
J’ai déjà écrit dans ce blogue, en février, que le traitement réservé à celles et ceux qui réussissent laissait à désirer au Québec.
Eh bien, il semblerait que ce n’est pas mieux lorsqu’on connaît le sort opposé.
Je m’interroge fortement sur l’incitatif à entreprendre dans ces conditions, et, surtout, sur notre approche collective à propos de l’entrepreneuriat.
Désintérêt pour la profession d’entrepreneur
L’indice entrepreneurial du Réseau mentorat a révélé qu’en un an, les intentions de se lancer en affaires ont été divisées par deux.
Par deux!
Cela devrait nous alarmer!
Je rappelle souvent que tous les emplois actuels existent uniquement parce qu’il y a des entrepreneurs. Ce sont eux qui créent de l’emploi. Vous me direz que le public et le parapublic créent des emplois.
Ce sont toutefois les taxes perçues et les impôts payés générés par le privé qui nous permettent de payer pour notre administration publique et nos services publics.
Sans entrepreneurs, il n’y a pas d’emplois, pas de richesse et pas de redistribution.
Or, si les reprises et lancements d’entreprises s’effondrent, c’est toute notre économie qui s’effondre.
Une question de sociale avant tout
Lorsque vous regardez au sud de la frontière, c’est le règne des entrepreneurs, de la prise de risque et de la valorisation de l’échec.
Tu tombes? Pas grave, tu vas te relever!
Tu réussis, bravo, tu l’as mérité!
Je caricature, certes.
En revanche, cela démontre à quel point la société américaine est imprégnée d’une volonté d’entreprendre, d’innover et de créer de la richesse.
Cet esprit de pionnier n’est que partiellement présent au Québec. Et pour cause, que vous réussissiez ou que vous échouiez, vous êtes sévèrement jugés!
Or, chacun a un rôle à jouer.
Nous sommes tous dans le même bateau, car notre richesse collective dépend surtout de celles et ceux qui entreprennent! C’est un devoir qui n’est pas réservé aux seules personnes en affaires ou à l’écosystème entrepreneurial.
Que ce soit d’encourager les jeunes à reprendre ou à créer des entreprises, d’investir dans les jeunes pousses, d’acheter local, de ne pas jalouser le succès ou juger l’échec, pour ne citer que cela, il faut absolument que l’ensemble de la société encourage l’esprit entrepreneurial de toutes les manières possibles.
Des choix difficiles en continu
Être en affaires, ce n’est pas seulement faire des sacrifices personnels et travailler d’innombrables heures.
C’est aussi devoir faire des choix au quotidien qui vont affecter l’entreprise à court, à moyen et à long terme. Par exemple, votre stratégie marketing — vos choix en commercialisation — déterminera en partie vos ventes.
Si elle n’est pas bonne, vous devrez sûrement licencier des gens.
D’autres décisions, notamment certains investissements majeurs, menacent carrément la survie de votre entreprise si cela ne génère pas les bénéfices escomptés.
Mais vous devez les faire, car c’est la réalité de l’entrepreneuriat.
Et, parfois, vous échouez… Et votre entreprise ferme.
Je souhaite que la prise de conscience de cette dure réalité par toutes et par tous, indépendamment de notre rôle dans la société, permette d’évoluer dans un climat plus favorable à l’entrepreneuriat.
Au-delà de la difficulté de se lancer ou de gérer une entreprise, cette culture et cette compréhension de la réalité complexe de la profession d’entrepreneur amèneront un regard différent sur le fait d’échouer.
Cela permettra à tout le monde de voir le processus et pas seulement le résultat, sans parler d’éviter de porter un jugement.
Après tout, parfois, l’échec n’est qu’une étape avant le succès.