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Discussion croisée sur l’interdisciplinarité

Emilie Laperrière|Édition de la mi‑octobre 2023

Discussion croisée sur l’interdisciplinarité

Caroline Blais, ingénieure chez SDK (Photo: courtoisie)

ARCHITECTURE. S’ils jouent un rôle central dans la conception de projets interdisciplinaires, les architectes ne font pas cavalier seul. Les Affaires donne la parole à deux professionnels tout autant essentiels: Caroline Blais, ingénieure chez SDK, et Brian Fahey, urbaniste et président de Fahey et Associés.

 

Les Affaires : Sur quels genres de projets travaillez-vous en interdisciplinarité ?

Caroline Blais : Je dirais sur pas mal n’importe quel projet privé ou gouvernemental, que ce soit un bâtiment en bois, en béton ou en acier, une école ou un hôpital. Ça peut aller d’un immeuble d’un étage à un autre de 40 étages. Ça fait 18 ans que je travaille de cette façon. Je ne peux plus penser faire un projet sans démarche interdisciplinaire.

Brian Fahey : Comme urbaniste, on offre une valeur ajoutée pour le plan directeur, ce qu’on appelle le « master planning ». Ce sont souvent des terrains sur lesquels on va ériger quatre, cinq, voire dix tours à usages mixtes. Ça peut par exemple être une tour au centre-ville, comme le 1 Square Phillips, ou des projets de plus grande envergure, comme le quartier Solar, à Brossard, ou le réaménagement de centres commerciaux.

 

L.A. : Quels sont les avantages de cette démarche pour vous ?

B.F. : La pire chose, c’est de développer un projet pour se rendre compte à la fin qu’il nous manque une ou deux études. Notre rôle, c’est d’être au courant de l’ensemble des prérequis pour passer au travers du processus d’approbation, de s’assurer que les études sont réalisées au bon moment. On peut vérifier que les hypothèses mises de l’avant sont les bonnes. En engageant toutes les parties prenantes dans le projet, on évite que les hypothèses soient contestées. Ainsi, on gagne du temps et on n’en perd pas. On peut aussi planifier les investissements et les travaux sur une longue période.

C.B. : Ça apporte assurément du positif pour le client. Tous les professionnels doivent se consulter pour comprendre les besoins de l’un et de l’autre. C’est essentiel pour avoir une conception intégrée qui va faire en sorte à la fois que la mécanique va bien s’insérer dans le bâtiment et que l’architecte aura le design souhaité. J’avoue que si on ne lui parlait pas, on aurait tendance à faire de grosses boîtes carrées un peu laides ! De notre côté, on donne la possibilité à l’architecte de réaliser sa vision.

 

Brian Fahey, urbaniste et président de Fahey et Associés (Photo: courtoisie)

L.A. : Quel est votre rôle dans un projet interdisciplinaire ?

B.F. : On travaille en amont des architectes pour regarder l’ensemble des contraintes réglementaires et voir lesquelles pourraient faire l’objet d’une modification et lesquelles sont incontournables. On détermine les études requises, que ce soit des études biologiques, de circulation ou d’ingénierie. On joue le rôle de directeur du projet en développant une vision du développement. On négocie aussi avec les différentes autorités pour démontrer le bien-fondé de notre vision. Ensuite, les architectes embarquent et on travaille avec eux. On est là jusqu’à l’approbation des permis.

C.B. : On fait beaucoup de gestion de projet. L’architecte va chercher les besoins du client, puis on s’assoit avec lui et les autres ingénieurs pour avoir la même vision et faire en sorte que les contributions de chacun sont comprises et qu’on puisse aider les autres à implémenter leur système.

 

L.A. : Avez-vous retenu des leçons de vos projets collaboratifs ?

B.F. : Des fois, à vouloir aller trop vite, on perd du temps à la fin. Personne n’achète des terrains à coup de centaines de millions de dollars pour perdre son temps. C’est important que le client réalise tout ce qui est offert devant lui et qu’il prenne le temps de bien faire les choses. Les études ne sont pas non plus les mêmes d’un projet à l’autre. Il faut décoder dès le départ quels sont les défis. L’expérience nous amène à conclure que de faire de belles images sans prendre en compte les coûts de construction peut être coûteux. Un bâtiment iconique coûte très cher et a une incidence sur son abordabilité.

 

L.A. : La démarche interdisciplinaire vous a-t-elle amenés à développer d’autres compétences ?

C.B. : Oui. On apprend à connaître les besoins des autres professionnels. Si la mécanique a besoin de conduits de ventilation d’une certaine grosseur et qu’on voit que l’espace entre les étages est limité en matière d’architecture, on peut proposer des solutions, comme passer au travers de poutrelles d’acier. Avec l’expérience, on est capable d’anticiper les problèmes. Quand on travaille avec un professionnel d’une autre discipline qui a moins d’expérience, on peut l’aiguiller vers des solutions plus tangibles pour tous.