Distinguer l’organisme de sa fondation, tout un défi à relever
Simon Lord|Édition de la mi‑novembre 2019Amélie Saint-Pierre, directrice générale de la Fondation Centre Philou et Diane Chênevert, fondatrice et directrice générale du Centre Philou (Photo: courtoisie)
PHILANTHROPIE. Une fois qu’on a décidé de créer une fondation parallèle à un organisme, le travail commence. Assurer une visibilité distincte pour les deux entités, sans complètement les détacher dans l’esprit du grand public, est une tâche cruciale. Tout comme celle d’éviter que les deux conseils d’administration (CA) ne s’immiscent dans leurs domaines respectifs.
En 2016, le Centre Philou créait la Fondation Centre Philou pour deux raisons. D’un côté, mieux gérer les fonds pour assurer la pérennité de l’organisme montréalais qui offre des services d’aide aux enfants polyhandicapés et leur famille. De l’autre, concrétiser son souhait d’acheter un bâtiment et réaliser une collecte de fonds majeure.
Toutefois, pour éviter que la Fondation n’outrepasse ses responsabilités et n’intervienne dans le travail de l’organisme – une situation fâcheuse qui se produit à l’occasion dans des circonstances semblables -, le Centre Philou a déployé plusieurs tactiques. «Nous avons par exemple une personne du CA du Centre Philou qui siège au CA de la Fondation, mais pas l’inverse. Ce n’est pas la mission de la Fondation de demander à l’organisme « Comment ça se fait que tu dépenses tant sur tes ressources humaines ? » Ce n’est pas son travail», souligne Diane Chênevert, la fondatrice et directrice générale du Centre Philou.
Au moment de la création de la Fondation, par ailleurs, certaines personnes qui étaient sur le CA du Centre ont migré vers le CA de la Fondation ; celles qui s’intéressaient et se spécialisaient davantage dans la collecte de fonds que dans les services aux enfants polyhandicapés.
«Quand on sépare bien les rôles et responsabilités de chaque entité, le passage est plus facile, constate Mme Chênevert. La Fondation, dont la mission est la collecte de fonds, a moins tendance à s’immiscer dans le travail de l’organisme.»
Travailler ensemble
Convaincre les gens de donner n’est pas facile. Le travail est parfois doublement difficile pour une fondation, car même si sa mission est de ramasser des fonds, elle n’est pas impliquée directement dans les opérations et les projets de l’organisme qu’elle dessert. Et c’est souvent ce dont ont envie d’entendre parler les donateurs.
Le Centre Philou a résolu ce problème. «Oui, il faut séparer les responsabilités de l’organisme de celles de la Fondation. Mais en ce qui a trait à la visibilité externe, ça ne doit pas paraître», dit Mme Chênevert. Elle doit donc bien souvent aller rencontrer des donateurs en duo avec la directrice générale de la Fondation Centre Philou, Amélie Saint-Pierre.
«Amélie parle des plans de croissance et des grands donateurs qui ont déjà contribué à la cause, et moi, je parle des opérations, des programmes, de la satisfaction de la clientèle, des employés», raconte la fondatrice. Selon elle, c’est également la responsabilité de l’équipe de la Fondation d’aller sur le terrain, de participer aux activités organisées par l’organisme et de s’intéresser à la vision de celui-ci, de manière à bien connaître la cause. Et d’y adhérer, bien sûr.
Question de communication
Daniel Asselin, président de la firme d’experts-conseils en philanthropie Épisode, conseille de mettre sur pied un comité de communication duquel feront partie à la fois des responsables de l’organisme et également de la fondation, afin d’éviter de confondre le public. Le tout assure que l’organisme et sa fondation restent liés dans la tête des gens. À son avis, «tout est une question communicationnelle».
«Pour éviter un décalage en matière d’image de marque, créez un comité de communication permanent qui se penchera sur l’image de l’organisme par la fondation», précise M. Asselin.
Avoir une équipe entière qui se réunit de façon régulière pour évaluer et discuter du positionnement de l’organisme et de la fondation permet d’éviter bien des irritants. Comme de voir la fondation s’éloigner beaucoup trop de son organisme, ce qui arrive quand certains bénévoles s’approprient des pouvoirs qui ne sont pas les leurs – comme celui de décider d’une nouvelle orientation pour la fondation – et viennent brouiller les cartes.
«Les deux organismes doivent se servir l’un l’autre», rappelle M. Asselin. Il recommande par ailleurs qu’un spécialiste d’une firme de communication ou de publicité, siège de façon permanente au CA de l’organisme. «Il jouera le rôle de chien de garde de l’image, fait-il valoir. Il va s’assurer que l’image de marque de la fondation et celle de l’organisme restent en harmonie. Quand cet aspect est bien fait, des problèmes, il n’y en a jamais.»