Diversité de genre et performance ne devraient faire qu’un
Siham Lebiad|Édition de la mi‑octobre 2020«Le genre ne peut pas être divisé en simples binaires», reconnaît la firme de comptabilité et de conseil PricewaterhouseCoopers.
SPÉCIAL PME. Un rapport de Goldman Sachs a récemment fait état de la surperformance des fonds gérés par des femmes pendant la crise actuelle. L’an dernier, un autre rapport de S&P Global Market Intelligence concluait que les entreprises dirigées par des femmes sont plus profitables que celles dirigées par des hommes. Les apports de la présence des femmes dans les entreprises ne sont donc plus à prouver.
Pourtant, dans les petites et moyennes entreprises (PME), ce message ne semble pas résonner très fort. Une récente étude menée par l’Université Ryerson montre qu’à Montréal, seulement 24,9% des entreprises sont dirigées par des femmes. Dans le classement Les Affaires des 300 PME les plus importantes en 2019, cette proportion n’est que de 8% à l’échelle de la province.
Ivy Lynn Bourgeault, titulaire de la Chaire de recherche universitaire sur le genre, la diversité et les professions, s’étonne de ces résultats. «Plus vous avez de diversité, plus vous obtenez des performances organisationnelles et innovantes, déclare-t-elle. Il est surprenant de constater à quel point cela est ignoré par les PME.» La chercheuse note que «lorsque vous commencez à poser des questions aux entrepreneurs, ils font valoir qu’ils doivent avoir la meilleure personne, mais la meilleure personne est celle qui va apporter des idées différentes; ce n’est peut-être pas celle que vous avez identifiée à travers des expériences passées».
Selon l’Institut de recherche et d’informations socioéconomique (IRIS), les femmes représentent 47,4% de la population en emploi du Québec. Un taux qui a connu une nette progression dans les dernières décennies, passant de 37,4% en 1976 à 57,4% en 2017, ce soit une hausse relative de 53%.
«De manière générale, les écarts entre les hommes et les femmes sont plus grands dans le secteur privé que dans le secteur public, dans les milieux non syndiqués que dans les milieux syndiqués, et dans les petites entreprises que dans les moyennes et grandes entreprises», notait l’IRIS dans un rapport de recherche publié en février 2019.
Personnes transgenres et non binaires: encore du chemin à faire
Si la parité homme-femme a évolué dans bien des entreprises, le portrait n’est pas le même pour l’ensemble de la diversité de genres. Selon l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, près d’un quart des personnes transgenres en milieu de travail n’osent pas afficher ou dévoiler leur identité de genre auprès de leurs collègues.
Et pour cause. Un sondage du projet de recherche pancanadien Trans Pulse, en 2015, a révélé qu’en Ontario, 18% des personnes transgenres s’étaient déjà vu refuser un emploi et que 13% d’entre elles déclaraient avoir perdu leur emploi en raison de leur transition. Trans Pulse mène actuellement un sondage semblable au Québec.
Notons que la Charte des droits et libertés de la personne accorde certaines protections aux personnes transgenres dans les milieux de travail de la province. Elle stipule entre autres que «nul ne peut exercer de discrimination [fondée sur le sexe, l’identité ou l’expression de genre] dans l’embauche, l’apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d’une personne».
La firme de comptabilité et de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC) fait valoir que la question est aujourd’hui de redéfinir la façon dont est perçu le genre d’un employé, afin de se détacher des idées préconçues sur les rôles de chacun. «Il est essentiel que nous reconnaissions que les femmes ne constituent pas un groupe homogène et ont des besoins différents selon les nombreux aspects croisés de leur identité, note PwC dans son rapport Femmes et innovation, publié en 2019. Le genre ne peut pas être divisé en simples binaires.»
L’entreprise précise d’ailleurs que dans sa publication, «le terme femme inclut toute personne qui s’identifie en tant que tel dans cette catégorie changeante». PwC affirme ainsi «cherch[er] à soutenir toutes les personnes identifiées en tant que femmes qui cherchent à travailler ou à progresser dans l’écosystème de la technologie et de l’innovation afin que nous puissions faire des progrès vers l’équité».
La COVID-19 remet en cause certains acquis
La crise découlant de la pandémie risque de rebattre les cartes en matière de parité dans le milieu des PME, du moins chez les dirigeants. L’organisme d’accompagnement Femmessor a effectué un sondage auprès des entrepreneures afin de déterminer les répercussions du coronavirus sur les entreprises féminines. Les résultats témoignent d’une grande résilience des femmes à la tête de PME: 78% des répondantes se disent confiantes ou très confiantes quant à leur avenir.
Cependant, les difficultés occasionnées par cette crise pourraient mettre un frein à leur avancement, croit Sévrine Labelle, PDG de Femmessor. «La situation actuelle est très préoccupante; nous voyons se détériorer une partie du tissu économique féminin si durement acquis dans les dernières années, a-t-elle déclaré dans un communiqué. Les entreprises à propriété féminine ont affiché en moyenne des pertes financières de 84000$ de la mi-mars à la mi-avril. Après avoir épuisé le recours aux aides gouvernementales, leurs besoins en financement se chiffrent en moyenne à 54000$.»