Diversité: faut-il craindre de quitter une société accueillante?
Olivier Schmouker|Publié le 10 novembre 2022Les réticences de la part des employés sont plus prononcées auprès des travailleurs qui n’ont jamais côtoyé de transgenres. (Photo: Baran Lotfollahi pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Je suis une personne transgenre. J’ai l’intention de postuler pour un poste important au sein d’une entreprise concurrente, mais je ne sais pas si c’est une bonne chose à faire: là où je suis, je suis bien acceptée ; mais là où j’irais, je n’ai aucune idée de la réaction que pourraient avoir les employés dont j’aurais la responsabilité. Que faire?» – Julia
R. — Chère Julia, la question sous-jacente à votre interrogation, c’est de savoir si les attitudes anti-transgenres sont répandues, ou pas, dans nos milieux de travail. J’aurais eu du mal à vous répondre si je n’étais pas tombé sur une étude récente sur ce point, basée sur de multiples sondages menés auprès d’échantillons représentatifs des travailleurs américains.
Certes, comme je viens de l’indiquer, l’étude concerne les États-Unis. Mais bon, on peut tout de même estimer qu’elle donne une idée générale du comportement des travailleurs nord-américains à l’égard des personnes transgenres. C’est pourquoi je vais malgré tout vous répondre à l’aide des faits saillants de cette étude pilotée par Billur Aksoy, professeure d’économie de l’Institut polytechnique Rensselaer, à Troy aux États-Unis.
- 73% des travailleurs se disent à l’aise d’avoir une gestionnaire transgenre, si cela devait survenir. Inversement, cela signifie que 1 travailleur sur 4 ne verrait pas d’un bon œil l’arrivée d’une dirigeante transgenre.
- 74% des gens se disent opposés à toute forme de discrimination négative à l’emploi des personnes transgenres. Inversement, 1 travailleur sur 4 ne serait pas choqué qu’on dise non à un candidat à l’embauche parce que cette personne est transgenre.
- De manière générale, le soutien des travailleurs aux personnes transgenres est «nettement inférieur» au soutien envers les personnes gaies, lesbiennes et bisexuelles.
Autrement dit, Julia, c’est à vous de voir si vous voulez considérer le verre aux trois quarts plein ou le verre au quart vide. Sachez que les trois quarts des employés de l’entreprise où vous comptez aller auront un a priori positif concernant votre venue. Mais sachez aussi que vous serez confrontée à certaines réticences de la part d’une partie de vos nouveaux collègues. Des réticences plus marquées que si vous étiez gaie, lesbienne ou bisexuelle.
À noter qu’un autre point intéressant ressort de l’étude, à savoir que les réticences sont plus prononcées auprès des travailleurs qui n’ont jamais côtoyé de personnes transgenres. Ceux-ci ont des idées reçues à leur sujet, qui vont en s’estompant à mesure qu’ils travaillent avec des collègues transgenres. Cela signifie qu’il serait bon, Julia, si vous décidez de changer d’entreprise, de veiller à trois points en particulier concernant votre futur employeur potentiel:
- Climat de travail. Dans la nouvelle entreprise, le climat de travail est-il propice à la diversité? Demandez-vous si, de manière générale, les différences sont reconnues et prises en considération. Si le partage d’informations et d’idées est la norme. Ou encore, s’il y a une ouverture d’esprit à des points de vues différents.
- Discussions et activités sur la diversité. Y a-t-il d’ores et déjà des discussions et des activités en lien avec la diversité, dans un esprit positif et collaboratif (par exemple, des dîners thématiques sur une culture spécifique)?
- Leaders compétents. Renseignez-vous si les leaders et autres gestionnaires ont suivi une formation en lien avec la diversité. Ou à tout le moins, s’ils ont des compétences interculturelles.
Répondre à ces trois points vous permettra de savoir où vous mettrez les pieds, et donc d’anticiper si vous allez être accueillie à bras ouverts ou à bras raccourcis. Et par la suite, d’être en mesure, au moment de l’embauche, d’avoir une discussion franche et ouverte avec les recruteurs concernant le degré d’ouverture de l’entreprise en matière de diversité. Cela pourrait d’ailleurs être une belle occasion d’évoquer, au besoin, les bienfaits d’une formation spécifique des employés, ou bien d’un coaching offert aux gestionnaires.
Bref, je vous invite à retenir de tout ça que le soutien que vous trouverez dans votre nouvelle entreprise sera probablement plus élevé que ce que vous anticipez. Ce qui est une bonne chose.