Des incohérences dans le calcul des pensions alimentaires peuvent coûter une fortune à certains parents. (Photo: 123RF)
À VOS AFFAIRES. J’ai été confronté à une situation dans laquelle ma collègue Marie était impliquée, et ça a soulevé chez moi une certaine indignation.
Il s’agit d’une situation où l’on doit calculer les répercussions financières d’un divorce. À ce chapitre, il existe, dans le Code civil du Québec (C.c.Q), deux grands volets que sont les règles relatives au partage du patrimoine familial et celles relatives au régime matrimonial légal, la société d’acquêts.
Le principe de base est simple:la valeur d’un bien qui appartenait à un époux avant de se marier n’est pas partageable en cas de divorce, tant pour les biens du patrimoine familial que les autres. Pour la société d’acquêts, de tels biens s’appellent des «propres». À ce principe de base, il faut ajouter des précisions, particulièrement en matière de revenus générés par ces biens et en matière de croissance de la valeur de ceux-ci. Or, d’après mon expérience, les règles sur le partage du patrimoine familial semblent relativement bien appliquées de nos jours, comparativement à ce qu’il en aurait déjà été. En effet, il semble que la plupart des juristes, aujourd’hui, estiment que l’augmentation de la valeur d’un bien composant le patrimoine familial ne soit pas partageable en vertu de l’article 418 du C.c.Q.même si cette augmentation de valeur a été générée par des revenus qui ont été réinvestis, comme dans le cas d’un régime de retraite, une des composantes du patrimoine familial.
De son côté, l’article 415 assimile un REER à un régime de retraite. Donc, une personne détenant un REER d’une valeur de X avant de se marier n’a pas à en considérer sa valeur, quelle qu’elle en soit, en vertu des règles sur le patrimoine familial (si aucune cotisation n’a été faite dans ce REER pendant le mariage). C’est logique.
Sujet à interprétation
Là où c’est moins logique, c’est quand le C.c.Q., à l’article 449, indique notamment que les revenus provenant de biens, qu’ils soient des propres ou non, font partie des acquêts partageables.
Or, le Code ne fait pas de distinction entre les biens faisant partie du patrimoine familial et les autres, qui sont des acquêts. Ce manque de nuance fait que si l’on interprète la loi de façon littérale, tous les revenus (intérêts et dividendes) provenant d’un régime de retraite devraient être partagés.
Or, j’espère qu’il en est ainsi, mais je n’ai jamais entendu parler d’un tel partage en ce qui a trait à un «vrai»régime de retraite, c’està-dire notamment un régime complémentaire de retraite en vertu de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.
La valeur du régime est calculée isolément et aucune plus-value, qu’elle provienne de gain en capital réalisé ou non, de dividendes ou d’intérêts, n’est partageable.
Cependant, il existe actuellement un certain courant de pensée selon lequel les revenus d’un REER acquis avant le mariage devraient être partagés. Certains experts en médiation familiale interprètent la Loi de cette façon. Soit on devrait partager les revenus des régimes de retraite à cotisations déterminées (CD) si on partage les revenus d’un REER — car ils sont identiques en vertu du Code —, soit on ne partage pas les revenus d’un REER. Si on partage les revenus d’un régime à CD, il faudrait aussi partager les droits d’un régime de retraite à prestations déterminées (PD)… mais ces droits, tout comme les droits au Régime de rentes du Québec, ne générant aucun «revenu», ne sont pas partageables.
Quelle était l’intention du législateur en 1989, 19 ans après l’instauration de la société d’acquêts ? Faire une distinction entre les régimes de retraite CD et PD ? Je ne pense pas. Faire une distinction entre un régime CD (ou un REER «immobilisé», comme un CRI) et un REER ordinaire ? Je ne pense pas.
À mon humble avis, il serait facile de corriger le Code, sinon d’interpréter la loi de façon contextuelle, mais en attendant, certaines personnes sont victimes d’une grande injustice à cause du non-respect de l’esprit de la loi.