(Photo: 123RF)
La BOUSSOLE BOURSIÈRE est une rubrique qui traite d’un événement marquant et de son effet sur le marché boursier en s’appuyant sur l’analyse d’experts. Cette analyse pourra être autant fondamentale que technique.
(Illustration: Camille Charbonneau)
Ceux qui douteraient encore de l’effet fortement négatif de l’inflation sur l’environnement économique et, par ricochet, sur le comportement des consommateurs qui trouvent refuge en masse auprès des détaillants à escompte n’ont qu’à jeter un rapide coup d’oeil au graphique boursier du titre de Dollarama (DOL, 93,86 $) pour s’en convaincre.
Depuis le creux touché lors de l’arrivée de la pandémie de COVID-19, en 2020, le cours de l’action du détaillant profite d’une solide tendance à la hausse qui lui a permis de presque tripler de valeur, explique Monica Rizk, analyste technique senior pour les publications Phases & Cycles. Plus récemment, le cours de l’action est passé de 75 $ à plus de 95 $ en six mois à peine.
En juin, le titre traversait un niveau de résistance à 83 $-84 $(ligne rose ombragée), niveau qui avait freiné sa hausse depuis un an. De nouveaux sommets devenaient alors probables, selon l’analyste. Ce ne fut donc pas étonnant que la divulgation de solides résultats pour le deuxième trimestre de son année financière 2024 ait fait bondir le titre jusqu’à 95 $.
Destination de choix
Ainsi, la forte poussée inflationniste des 12 derniers mois, qui a eu un effet pervers sur bien des secteurs de l’économie, n’a pas freiné les succès du détaillant, bien au contraire. Tamy Chen, analyste à BMO Marchés des capitaux, s’attend à ce que les circonstances favorables qui ont permis une bonne croissance des ventes de magasins comparables (ouverts depuis plus d’un an) du détaillant se poursuivent durant le trimestre en cours, avant toutefois de ralentir quelque peu au trimestre suivant. Ce ralentissement de la croissance sera toutefois surtout dû au fait que les ventes se compareront alors à des chiffres déjà très élevés atteints un an plus tôt.
Tamy Chen croit que la direction de Dollarama pourrait réviser à la hausse ses prévisions de croissance des ventes pour l’ensemble de son année financière en cours (2024), qui se situent dans une fourchette de 10 %-11 %. L’analyste établit sa propre prévision à 12,3 %. L’évaluation boursière de Dollarama semble encore attrayante, s’il faut en croire l’analyste. Le titre se négocie actuellement à un multiple d’environ 15,5 fois les bénéfices avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) prévus pour l’année financière 2025, soit au bas de sa fourchette historique de 14 à 18 fois. En conséquence, Tamy Chen hausse son cours cible de 95 $à 105 $, ce qui porterait alors le multiple à 17 fois les bénéfices.
À plus long terme
Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Claret, Gestion de placement, reconnaît également que le contexte économique pousse de plus en plus de clients à fréquenter les magasins de Dollarama. Dès qu’un nouveau magasin ouvre, il devient profitable à peine quelques mois plus tard. «Faire ses emplettes chez Dollarama est d’autant plus facile étant donné que l’on offre moins de marques différentes pour les mêmes produits, ce qui permet en plus de maintenir les prix plus bas», ajoute-t-il. Mais la croissance actuelle des ventes sera-t-elle soutenable lorsque l’économie regagnera du tonus? se demande Vincent Fournier. «La réalité d’aujourd’hui quant à sa croissance pourrait bien être une exception», souligne-t-il. L’entreprise compte plus de 1400 magasins Canada, ce qui lui assure déjà une grande part du marché, laissant moins de place au maintien d’un rythme d’expansion aussi rapide, note-t-il.
Que faire du titre?
Le récent bond amène le cours de l’action bien au-dessus de ses moyennes mobiles de 50 jours (ligne noire) et de 200 jours (ligne grise), ce qui crée un état de surachat qui est souvent le prélude à une correction, explique Monica Rizk. Doit-on alors se méfier d’un recul éventuel du titre ? L’examen du graphique suggère l’existence de bons niveaux de soutien entre 88 $ et 89 $ d’abord, puis entre 83 $ et 84$par la suite. Ce n’est que si le cours de l’action enfonçait ces deux niveaux de soutien que l’on pourrait mettre en doute la poursuite de la tendance haussière, estime l’analyste technique.
Par ailleurs, l’évaluation actuelle est suffisamment élevée pour rendre l’achat de nouvelles positions dans ce titre un peu plus risqué, estime pour sa part Vincent Fournier. À son avis, le titre peut faire partie du coeur d’un portefeuille et ainsi être détenu à long terme. Il estime aussi que les investisseurs qui le détiennent pourraient être tentés de vendre une partie de leur participation lorsqu’ils voudront générer des liquidités qu’ils pourront diriger vers d’autres occasions plus attrayantes.
«On doit se rappeler que Dollarama est un détaillant de produits à bas prix et que la demande pour le titre pourrait diminuer lorsque la situation économique se normalisera», dit-il. Selon lui, le cas de Dollarama rappelle qu’en Bourse, une des difficultés consiste à trouver l’équilibre entre acheter et détenir un bon titre, et le vendre en tout ou en partie lorsqu’il devient trop cher.