« Ça prend des brevets, sinon ça va être très, très difficile d’aller chercher du financement pour développer le médicament », Anne-Marie Larose, PDG d’Aligo Innovation. (Photo: courtoisie)
PHARMACEUTIQUE ET VALORISATION DE LA RECHERCHE. Entre une découverte prometteuse et les étalages des pharmacies, le chemin est long et parsemé d’embûches. Le processus typique est généralement assez similaire d’un traitement à l’autre… sauf pour ceux liés à la COVID-19. «La case départ, c’est la déclaration d’invention:le chercheur doit divulguer à son institution la découverte qu’il a faite», explique Anne-Marie Larose, PDG d’Aligo Innovation, une société de valorisation de la recherche universitaire.
Cette étape est cruciale, parce qu’elle permettra à la société de valorisation de jeter un coup d’oeil au résultat de recherche, d’en évaluer le potentiel commercial et, surtout, de déposer des demandes de brevets pour protéger la découverte. Car la création de propriété intellectuelle est presque essentielle au bon développement d’un nouveau médicament.
«Ça prend des brevets, sinon ça va être très, très difficile d’aller chercher du financement pour développer le médicament», souligne Anne-Marie Larose. La déclaration d’invention et la demande de brevets doivent être faites au bon moment, soit avant que le chercheur ait divulgué ses résultats — dans un article scientifique, par exemple. C’est que la nouveauté est un des critères de brevetabilité dans plusieurs pays.
L’étape suivante est celle de la maturation technologique, qui vise à obtenir des résultats qui vont convaincre des investisseurs ou des entreprises à transformer les résultats de recherche en un véritable traitement.
L’histoire de Katana Biopharma, issue de recherches menées à l’Université du Québec à Montréal, est assez typique, et illustre le parcours. L’entreprise exploite une plateforme de livraison de médicaments et développe de nouveaux traitements pour le cancer. Dans ce dossier, piloté par Aligo Innovation, la première déclaration d’invention a été déposée au début de 2015. L’entreprise Katana a été créée l’année suivante. Deux autres déclarations ont ensuite été déposées en 2018 et en 2019.
Après avoir décelé le potentiel commercial et déposé les premières demandes de brevets, la société de valorisation a réussi à injecter près de 750 000 $dans le projet. Le Fonds Aligo a investi 170 000 $et 574 000 $provenaient du Programme de soutien aux organismes de recherche et d’innovation financé par Québec. L’entreprise montréalaise Theratechnologies a finalement fait l’acquisition de Katana en février 2019.
Trois grandes étapes Le développement d’un médicament peut également être divisé en trois grandes étapes:la découverte, la phase préclinique et la phase clinique, explique Xavier-Henri Hervé, fondateur et directeur du Centre d’innovation District 3 de l’Université Concordia, un incubateur qui accompagne chaque année une centaine d’initiatives d’entrepreneuriat scientifique.
D’une certaine manière, ces étapes se superposent à celles présentées plus haut, soit de la déclaration d’invention à l’acquisition du dossier par une entreprise pharmaceutique en passant par la maturation technologique.
«Dans les phases de découverte et de préclinique, on est davantage à l’étape de l’entrepreneuriat lab-to-market, visant à faire de la découverte une innovation commercialisable», explique Xavier-Henri Hervé, dont l’organisme aide notamment les projets à réfléchir au positionnement de leur découverte et à l’obtention de financement.
«Ensuite, la phase clinique comporte généralement trois stades», poursuit-il. Ceux-ci visent à fournir des preuves scientifiques de l’efficacité, de l’innocuité pour les humains et de la qualité d’un médicament. Ces étapes se déroulent normalement assez tard dans le processus, soit après qu’une grande entreprise pharmaceutique a fait l’acquisition des licences – l’autorisation qui permet d’utiliser la technologie développée – ou de l’entièreté de la start-up qui détient les brevets –les droits exclusifs pour une invention, un produit ou un processus – liés à la découverte.
Le directeur de District 3 – qui accueille actuellement une dizaine d’initiatives scientifiques qui se penchent sur le développement d’un médicament – rappelle toutefois qu’avant de lancer la phase clinique, réaliser la phase préclinique «peut prendre plusieurs années».
Et un vaccin ?
Le cas du vaccin contre la COVID-19 en est un particulier. La planète attend anxieusement un traitement, alors les autorités de différents pays ont adapté les règles pour accélérer le processus d’essais cliniques.
Le 23 mai dernier, la ministre de la Santé du Canada, Patricia Hajdu, a par exemple approuvé un arrêté d’urgence sur les essais cliniques d’instruments médicaux et de drogues en lien avec la COVID-19. Celui-ci visait à «faciliter la tenue d’essais cliniques des médicaments et des instruments médicaux potentiels pour lutter contre la COVID-19». Il a notamment réduit les exigences administratives liées à l’évaluation de l’utilisation des produits commercialisés existants comme thérapies possibles pour le nouveau coronavirus.
Les règles ont été modifiées davantage au début de la deuxième vague, alors que la ministre Hajdu a signé un autre arrêté d’urgence le 16 septembre. Celui-là contient un processus réglementaire temporaire pour accélérer l’autorisation de médicaments et de vaccins contre la COVID-19. Normalement, le processus d’approbation d’un vaccin débute lorsque l’entreprise qui le développe a récolté toutes les données des essais cliniques de phases 1, 2 et 3. Toutefois, dans le contexte d’urgence actuel, l’arrêté fédéral permet de réduire les délais et d’accepter des demandes d’approbation pour un vaccin dont les essais cliniques sont toujours en cours, tant que le fabricant peut démontrer l’innocuité et l’efficacité de son traitement.