Pour réaliser son ambition de devenir la «Silicon Valley de la batterie automobile», Québec ne lésine pas sur les moyens. (Photo: La Presse canadienne)
BILLET. «On doit électrifier tout ce qu’on peut ici au Québec», m’affirmait l’été dernier Pierre Fitzgibbon lors d’un entretien autour de la transition verte. Le ministre de l’Économie, de l’Innovation, et désormais de l’Énergie, a profité de cette tribune, comme de toutes les autres, pour afficher clairement son intention. Au royaume des transports électriques, Québec voudrait (déjà) être roi.
Certes, la compétition mondiale est féroce pour accéder au trône, mais les atouts de la province sont nombreux: une grappe industrielle mobilisée, une électricité propre et abordable ainsi qu’un sous-sol qui regorge de minerais rares et critiques.
Pour réaliser son ambition, notamment celle de devenir la «Silicon Valley de la batterie automobile», Québec ne lésine pas sur les moyens. Notamment, en offrant de généreuses aides aux joueurs de l’industrie, même à ceux qui traînent de la patte, comme c’est le cas de Lion Électrique, qui a déjà reçu 50 millions de dollars de prêts, dont 15 dits «pardonnables».
Avant son entrée en Bourse, ce fleuron visait 20 000 ventes annuelles d’ici 2024, mais en raison de nombreux défis, il n’a finalement livré qu’environ 1000 véhicules deux ans plus tard. Malgré tout, le ministre Fitzgibbon assurait le mois dernier que l’entreprise pourrait recevoir un coup de pouce d’Investissement Québec et de la Caisse. Si rien ne fait dévier Québec de sa trajectoire, c’est que le jeu en vaut la chandelle. Le secteur des transports électriques et intelligents générait localement un chiffre d’affaires de 3,3 milliards de dollars en 2021, selon Propulsion Québec. À l’échelle mondiale, la demande devrait exploser d’ici 2030. Juste pour les voitures électriques, la flotte en circulation devrait presque tripler par rapport à 2025, passant de 45 millions à 130 millions d’unités en cinq ans.
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Qu’on veuille récupérer des parts de cet alléchant marché est tout à fait compréhensible. Munis de tels atouts, on aurait tort de se priver. Cependant, de grâce, ne le faisons pas en prétendant que c’est au nom de la planète! Il est certes urgent de cesser le plus rapidement possible l’exploitation et la consommation des énergies fossiles. L’attaque de la Russie et le contexte géopolitique actuel nous rappellent que se délivrer du pétrole est également une question d’indépendance économique. Cependant, ne nous leurrons pas. Même si le Québec a le potentiel de fabriquer les batteries les plus écologiques du monde, celles-ci ne seront jamais complètement vertes. L’extraction des précieux minerais nécessaires aux batteries et la fabrication même des véhicules électriques ont un coût environnemental élevé.
Il est fondamental de réaliser qu’on choisit ici la politique du «moins pire».
Même lorsque tout aura été électrifié, il y aura encore des millions d’autos solos qui n’auront d’autre utilité que d’aider les individus à se rendre d’un point A à un point B avant de rester stationnées 95% du temps. C’est assez aberrant quand on y pense. De plus, l’électrification des transports exerce une pression importante sur l’approvisionnement, à un moment où on réalise que de l’électricité, malgré ce qu’on aurait pu penser, il commence à en manquer.
L’électrification devrait être une solution de transition. L’objectif final devrait être celui de la réduction. Si l’on veut réellement répondre aux besoins de demain, l’ambition devrait être de repenser en profondeur notre façon de nous déplacer. Ainsi, nous deviendrions un leader de la mobilité durable, la vraie.