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Jean Sasseville

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Expert(e) invité(e)

Éliminer les rénovictions, c’est facile!

Jean Sasseville|Publié le 01 juin 2022

Éliminer les rénovictions, c’est facile!

Le terme rénoviction est une expression populaire qui fait référence à l’éviction d’un locataire par le propriétaire pour effectuer des rénovations et ensuite louer le logement plus cher. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Les rénovictions sauvages font souvent les manchettes. Et pourtant, il serait tellement facile de mieux protéger les droits des locataires et d’inciter les propriétaires à mieux entretenir leurs logements.

Le terme rénoviction est une expression populaire qui fait référence à l’éviction d’un locataire par le propriétaire pour effectuer des rénovations et ensuite louer le logement plus cher. Utiliser le terme rénoviction est moins approprié pour les évictions prévues au Code civil:

 

  1. Reprise du logement ;
  2. Démolition du logement ;
  3. Agrandissement substantiel du logement ;
  4. Division du logement ;
  5. Changement d’affectation du logement. 

 

La reprise du logement est possible pour un propriétaire qui souhaite y habiter lui-même, loger ses enfants ou ses parents. L’avis d’éviction indique clairement dans quels délais et conditions cela peut se faire. En matière de démolition, il faut d’abord se référer aux règlements de la municipalité et ensuite envoyer un avis au locataire.

La subdivision d’un logement implique l’ajout d’un nouveau logis. Une augmentation de la surface habitable de 25% est considérée comme un agrandissement substantiel. Un exemple de changement d’affectation est la conversion d’un logement en commerce. L’avis d’éviction indique si c’est un agrandissement, une division ou un changement d’affectation, l’indemnité minimum prévue par la loi, les délais et les conditions. S’il y a opposition, le propriétaire doit présenter au tribunal du logement le cadre financier, l’obtention de permis, les plans, les estimations des coûts des travaux, etc.

Le Code civil prévoit aussi le coup lorsque des travaux majeurs sont requis. Ce n’est pas une éviction. Le locataire a un droit absolu de réintégrer son logement une fois les travaux terminés. La majorité des projets de rénovations se négocient dans l’harmonie, puisque l’amélioration du logement profite à tous les intéressés.

Des propriétaires prétendent que, comme ils veulent faire des rénovations majeures, le locataire doit obligatoirement quitter pour de bon leur logement. C’est faux. D’autres vont utiliser une éviction légale, par exemple une reprise pour loger sa mère, mais vont plutôt le relouer à quelqu’un d’autre. C’est illégal. Le locataire floué peut demander un dédommagement au Tribunal administratif du logement (TAL).

Bien que cette situation ne soit pas prévue au Code civil, un propriétaire peut informer un locataire de son désir de rénover son logement. S’il accepte de quitter son logement définitivement, une somme d’argent lui est remise. Actuellement, le locataire s’entend verbalement ou il signe un document rédigé par le propriétaire. Trop de locataires sont mal informés ou prennent des décisions trop hâtives, surtout lorsque les propriétaires se montrent insistants. Certains propriétaires peuvent induire les locataires en erreur. Rappelons que le locataire a un droit absolu de rester dans son logement et il n’est aucunement tenu d’accepter de le quitter.

Voici donc trois mesures qui pourraient aider à réduire les rénovictions.

 

Mesure #1: créer un formulaire pour les rénovictions

Un avis d’éviction avec un formulaire préparé par le TAL permettrait de mieux protéger les locataires. Cet avis devrait inclure une indemnité minimum (par exemple, 3 mois de loyer et un montant pour les frais de déménagements). Cet avis d’éviction devrait aussi indiquer :

 

  1. Le montant de l’indemnité que les deux parties se sont entendu ;
  2. La date de la résiliation du bail ;
  3. Que le locataire a une période de 10 jours pour annuler l’entente ;
  4. Que le locataire a le droit au maintien dans les lieux et donc qu’il n’a aucune obligation d’accepter cette demande d’éviction ;
  5. Que le locataire ne peut contester par la suite, sauf s’il peut prouver que le propriétaire a fait de fausses représentations ou a contourné la loi. 

 

Comme il y a des propriétaires qui informent mal un locataire ou qui font des pressions indues, légiférer pour rendre obligatoire l’utilisation d’un formulaire éviterait ces abus.

 

Mesure #2: amendes élevées

Un dommage punitif vise à dissuader, punir et inciter à agir à l’avenir autrement. Pour une rénoviction faite de mauvaise foi, l’amende imposée au propriétaire devrait être élevée.

 

Mesure #3: encourager les propriétaires à rénover sans éviction

Réglons le problème à la source. Il y a trop de logements avec un loyer peu élevé et en mauvais état. Typiquement, le locataire y habite depuis longtemps puisque les normes actuelles de fixation des loyers font en sorte que les augmentations permises ne suivent pas les prix du marché. Le cadre législatif restreint grandement la capacité de rentabiliser des rénovations, ce qui incite fortement les propriétaires à faire une rénoviction.

Pour les rénovations, la méthode de fixation des loyers est calculée en fonction du taux de rendement annuel sur les certificats de dépôt cinq ans. Au moment de l’adoption du règlement en 1981, le rendement était de 12%, alors qu’il était de 1,4% en 2021. Il faut maintenant plus de 40 ans pour recouvrer la valeur des travaux de rénovation. Cela n’a pas de sens. Il est plus rentable d’attendre que le locataire quitte avant de rénover. Si la période d’amortissement était inférieure à 15 ans, il y aurait un boom de travaux de rénovation, et ce sans que le locataire soit incité à quitter son logement.

 

Je vous invite à consulter mes articles précédents.