Avec ses fameux doigts en V pour «victoire», l'ancien premier ministre Winston Churchill a incarné plus que jamais la résilience des Britanniques durant la Deuxième Guerre mondiale, surtout durant les bombardements allemands sur le Royaume-Uni, le fameux «Blitz», de septembre 1940 à mai 1941. (Source photo : Getty Images)
ANALYSE ÉCONOMIQUE — La deuxième vague de la COVID-19 déferle sur le Québec, et elle s’annonce longue et pénible même si la lumière pointe au bout du tunnel avec l’amélioration des traitements et l’éventuelle commercialisation d’un vaccin quelque part en 2021. D’ici là, les entrepreneurs doivent tenir le coup en s’appuyant sur les programmes gouvernementaux et sur les réseaux d’entrepreneuriat pour y puiser les ressources et le courage nécessaires afin de garder le cap dans cette tempête.
Aussi, les mesures annoncées jeudi par Québec pour aider les restaurateurs et les tenanciers de bar dans les zones rouges qui doivent fermer leur porte jusqu’à la fin du mois d’octobre sont un pas dans la bonne direction. Ces entreprises auront notamment droit au remboursement de la majeure partie de leurs frais fixes jusqu’à un maximum de 15 000$ pour les quatre prochaines semaines. Pour sa part, l’aide d’Ottawa permettra d’aider les travailleurs qui se retrouvent encore au chômage.
Pour autant, soyons lucides sans sombrer dans un négativisme improductif.
Il est probable que le gouvernement Legault doive prolonger le confinement et la fermeture d’entreprises dans les zones rouges cet automne, voire durant une partie de l’hiver. C’est dans la nature des pandémies: une deuxième vague (et parfois même une troisième) succède à la première, et souvent en faisant encore davantage de victimes comme durant la grippe espagnole (1918-1919), qui a fait environ 14 000 morts au Québec (de 50 à 100 millions de personnes dans le monde).
Dans ce contexte, les entrepreneurs ont donc tout intérêt à se mettre dans un état d’esprit de résilience à long terme face à cette tempête —qui va certes s’estomper un jour— mais qui va durer encore un certain temps.
Je ne vous parle pas ici du maintien des mesures sanitaires (port du masque, distanciation sociale, lavage des mains, etc.) ou économiques: nous savons tous ou presque ce qu’il faut faire, tandis que les gouvernements sont présents pour aider financièrement la plupart des entreprises et des travailleurs.
Je fais surtout ici allusion à la santé mentale des entrepreneurs. Ils tiennent à bout de bras leur entreprise depuis le mois de mars, ils rassurent et sécurisent leurs employés, tout en se mettant en mode solution afin de demeurer en affaire, surtout pour ceux qui évoluent dans le commerce de détail, l’événementiel et la culture.
Beaucoup d’épuisement et de fatigue
En entrevue avec Les Affaires, Cadleen Désir, présidente du conseil du Groupement des chefs d’entreprise (GCE), raconte qu’elle sent de «l’épuisement» et de «la fatigue» chez plusieurs entrepreneurs aux quatre coins du Québec, qui sont en «mode survie» depuis 7 mois.
Une problématique qui s’ajoute aussi au fait que, bien avant la pandémie, la santé mentale des entrepreneurs canadiens était un enjeu de société, nous apprenait en juin 2019 une étude de la Banque de développement du Canada (BDC), intitulé «Y arriver seuls. La santé mentale et le bien-être des entrepreneurs au Canada».
Ainsi, 46 % des entrepreneurs canadiens affirmaient que des enjeux de santé mentale nuisaient à leur capacité de travailler, se sentaient fatigués mentalement ou démoralisés au moins une fois par semaine. Trois sur cinq (62 %) se sentaient déprimés au moins une fois par semaine.
Imaginez maintenant.
On ne le répétera jamais assez souvent: il ne faut surtout pas hésiter à consulter ou à discuter avec ses proches quand on sent que ça va mal.
Les grands leaders peuvent aussi être une source de courage lors des crises, à commencer par l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill, notamment avec cette citation tirée d’un discours qu’il a prononcé dans une école le 21 octobre 1941, quelques mois après la fin de la campagne de bombardements allemands (de septembre 1940 à mai 1941), le fameux «Blitz».
« J’en suis certain, nous tirons des épreuves traversées au cours de cette période — et je m’adresse plus particulièrement à l’école — cette leçon: n’abandonnez jamais, jamais, jamais, jamais, jamais; n’abandonnez rien, ni de grand ni de petit, rien d’important ni rien d’insignifiant; n’abandonnez rien sauf quand l’honneur et la raison l’exigent. Ne cédez jamais à la force, ne cédez jamais à la force apparemment irrésistible d’un ennemi.» – Winston Churchill
Aussi grave soit-elle, la crise de la Covid-19 n’est pas la pire crise à laquelle les sociétés ont été confrontées dans l’histoire, à commencer par le continent européen, et ce, de la grippe espagnole à la Deuxième Guerre mondiale en passant par la Dépression des années 1930 (bien pire que la crise économique actuelle, car les programmes sociaux tels que nous les connaissons aujourd’hui n’existaient pas à l’époque).
Les sociétés ont passé au travers ces crises; nous y arriverons également dans le cas de la Covid-19.
Deux accompagnateurs du Groupement des chefs d’entreprise, qui sont en contact régulier avec des entrepreneurs québécois, voient d’ailleurs des choses positives sur le terrain malgré le stress et l’incertitude.
«Je sens que les entrepreneurs sont actifs, et qu’ils sont plus en mode solution», souligne Caroline Fredette. Selon elle, la clé de la résilience est de briser l’isolement des entrepreneurs, car cela les met en contact avec d’autres chefs d’entreprise et leur donne de l’espoir.
Même son de cloche du côté de son collègue Paul Comeau, qui constate aussi des éléments positifs dans plusieurs régions comme le Centre-du-Québec, la Mauricie et la région de la Capitale-Nationale.
«J’estime que de 85% à 90% des PME sont en croissance, dans les services, le secteur manufacturier et la distribution», dit-il, en précisant que plusieurs entrepreneurs en profitent pour réfléchir à l’équipe qu’ils auront besoin pour continuer à naviguer dans la tempête.
(Photo: Katie Moum pour Unsplash)
Continuer d’avancer malgré le brouillard
Pour illustrer son état d’esprit, l’entrepreneur Louis Veilleux, fondateur du Groupe Mundial, en Beauce, qui réunit sept entreprises manufacturières québécoises spécialisées dans la sous-traitance industrielle, raconte quant à lui une anecdote qu’il a vécue en Suisse il y a plusieurs années, et qui l’inspire plus que jamais actuellement.
«Je roulais avec ma femme sur une route quand nous sommes entrées subitement dans un nuage de brouillard. Des voitures se mettaient sur le côté, d’autres véhicules en emboutissaient d’autres. Pour ma part, je me suis dit: pas de panique. J’ai continué à avancer, certes un peu plus lentement, mais j’ai gardé le cap, et nous sommes finalement sortis du nuage sain et sauf.»
Actuellement, les affaires vont plutôt bien pour les entreprises du groupe, qui avaient dû réduire grandement leur production ce printemps —par exemple, au plus fort de la pandémie, Beauce Caoutchouc fonctionnait seulement de 25% à 30% de ses capacités.
Mais ce succès n’est pas le fruit du hasard.
Dès juin, alors que la majorité des entreprises commençaient à reprendre leur souffle après la première vague de la COVID-19, Louis Veilleux planifiait déjà l’automne des sept entreprises du Groupe Mundial.
«On se prépare à la deuxième vague», m’avait confié Louis Veilleux, alors qu’on ne parlait que de la fin de la première vague dans les médias.
L’entrepreneur affirme que le groupe applique le modèle d’affaires des gazelles. «Il faut s’assurer d’être toujours en mouvement», insiste-t-il.
La planification stratégique à court, à moyen et à long terme est très importante, renchérit l’entrepreneur. «On travaille avec une planification quotidienne, mensuelle et sur trois ans», dit-il, en précisant qu’il «trippait» en ce moment en voyant comment ses employés travaillent malgré la deuxième vague.
La productivité progresse.
Les revenus augmentent.
Et le taux d’absentéisme diminue.