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Pierre-Olivier Pineau

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Pierre-Olivier Pineau

Expert(e) invité(e)

Éolien: les pour et les contre de la stratégie d’Hydro-Québec

Pierre-Olivier Pineau|Mis à jour le 18 juin 2024

Éolien: les pour et les contre de la stratégie d’Hydro-Québec

Pourquoi changer de formule? Différentes raisons peuvent être mises de l’avant: le coût de ce modèle de développement, l’urgence de pouvoir agir et l’assurance d’obtenir une acceptabilité sociale. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. À quelques jours du dévoilement de la tant attendue loi «Fitzgibbon» sur le secteur de l’énergie, Hydro-Québec a annoncé sa nouvelle stratégie de développement éolien. Toute une surprise qui aura beaucoup de répercussions, et ce, pour le meilleur et pour le pire.

Personne n’attendait cette ambitieuse réforme. Depuis le premier appel d’offres en 2003, le développement éolien semblait assez bien encadré.

La mécanique était claire: le gouvernement émettait un décret pour lancer un appel d’offres ainsi qu’un règlement pour préciser des critères particuliers. Hydro-Québec avait les coudées franches pour recueillir des propositions de projets et choisir les meilleurs.

Pourquoi changer de formule?

Différentes raisons peuvent être mises de l’avant: le coût de ce modèle de développement, l’urgence de pouvoir agir et l’assurance d’obtenir une acceptabilité sociale.

En revanche, plusieurs risques sont à considérer avec la nouvelle approche.

Passons en revue ces raisons et ces préoccupations.

 

Motivations du changement

Le développement de l’éolien par des producteurs privés implique forcément un profit pour ces entreprises.

Certains ont donc déploré la perte de contrôle d’Hydro-Québec sur ce secteur et ont souhaité sa nationalisation, notamment à cause des coûts induits par les contrats qui lient Hydro-Québec aux producteurs privés.

La nouvelle stratégie d’HQ, qui annonce très clairement une participation de la société d’État dans l’actionnariat des nouveaux projets éoliens, est une manière de «nationaliser» une partie des développements à venir.

L’ampleur des investissements à réaliser d’ici 2035 – autour de 10 000 mégawatts selon Hydro-Québec – est aussi invoquée.

En effet, avec un tel ajout de capacité (correspondant à un peu moins du quart de la capacité installée au Québec, de 46 380 MW), il est important d’avoir un maître d’œuvre qui coordonne le tout.

C’est un argument central invoqué par Hydro-Québec, qui indique que c’est ce «changement d’échelle qui conduit à un nouveau rôle». Cette coordination et les économies d’échelles liées à l’ampleur des projets permettraient de gagner temps et argent.

Enfin, comme Hydro-Québec appartient à tous les Québécois, elle jouit d’une grande confiance au sein de la population et des acteurs régionaux – notamment auprès des régions qui vont accueillir les parcs éoliens.

Ce lien de confiance pourrait permettre une plus grande acceptabilité sociale des projets. Ce faisant, certains débats pourraient être évités, ce qui accélérerait le déploiement des nouvelles capacités.

 

Risques d’une plus grande implication d’HQ

Le principal risque de la stratégie d’Hydro-Québec est celui de faire d’une organisation déjà énorme un monopole encore plus puissant.

Hydro-Québec est déjà la 4e plus grande entreprise au Québec en fonction du personnel, avec plus de 20 000 employés.

Elle est responsable de l’essentiel de la production d’hydroélectricité, du transport et de la distribution d’électricité au Québec.

Avec des ventes de plus 175 térawattheure (TWh) au Québec seulement, elle est de loin la plus grande compagnie d’électricité en Amérique du Nord – la seconde est la Florida Power & Light Company, avec des ventes de moins de 130 TWh.

Oui, c’est une société d’État qui agit en principe pour le bien du Québec.

Oui, Hydro-Québec est en partie règlementée par la Régie de l’énergie.

Mais les risques d’avoir des monopoles sont connus: manques d’incitatifs à l’efficacité et à l’innovation, étouffement des petits acteurs qui gravitent autour, détournement/politisation de la mission liée aux faibles contre-pouvoirs.

Ce n’est pas pour rien qu’un mouvement important a transformé plusieurs monopoles publics en secteurs avec une concurrence réglementée. Ce n’est pas la voie qu’a choisie le Québec.

Mais doit-il forcément encore renforcer son monopole public?

 

Des solutions alternatives à portée de main

Alors que les Québécois sont parmi les plus grands consommateurs d’électricité au monde, il est sans doute temps qu’une certaine discipline de prix modère leur consommation.

Comme c’est le cas pour la majorité des autres secteurs de l’économie, les consommateurs d’électricité pourraient commencer par payer le coût d’une production développée par des acteurs indépendants.

Cela permettrait de mieux optimiser la consommation, alors que nous ne sommes plus dans une phase de développement économique où il est nécessaire d’accroître la consommation d’énergie.

La coordination voulue par Hydro-Québec se réalise déjà à travers les zones identifiées sur sa carte du potentiel d’intégration au réseau.

Nul besoin d’être un actionnaire des projets pour guider leur déploiement – c’est justement ce que font les appels d’offres et les conditions qui s’y rattachent.

Enfin, l’acceptabilité sociale des projets doit découler de leur pertinence pour le Québec, pas de la confiance que l’on a envers leurs promoteurs.

 

Il faut une gestion intégrée des ressources

Ce dont le Québec a besoin, c’est d’un plan de gestion intégré des ressources énergétiques pour nous guider vers la carboneutralité.

Si on s’entend sur ce plan, on a de bonnes chances de s’entendre sur les projets nécessaires.

Que ce soit ensuite Paul ou Jacqueline qui développe les projets, nous ne devrions pas avoir d’a priori.

Ce sont les meilleurs qui devraient pouvoir les réaliser, et personne ne devrait être exclu en raison de son statut.

Le Québec a tous les droits de choisir la manière de développer son secteur électrique. Il est cependant important de comprendre les différents arguments en présence, et d’avoir des espaces pour en discuter.

Prendre tout le monde par surprise avec des annonces de changement de stratégie n’est sans doute pas la manière la plus durable d’alimenter la confiance.

Sans cette confiance, aucune stratégie ne nous mènera aux objectifs souhaités.