Le président de la Société de développement économique de Uashat mak Mani-utenam, Kenny Regis, signe une entente de distribution avec Zhifang Bao, président de l’entreprise chinoise Wuxi Boton Belt en mai dernier. (Photo: SDEUM)
EXPERT INVITÉ. Quand je regarde l’année qui vient de se terminer, je constate une évolution importante dans les rapports entre l’entreprise privée et les peuples autochtones. À l’instar des enjeux environnementaux, les considérations autochtones prennent de plus en plus de place dans les décisions prises par les entreprises. C’est particulièrement notable dans les secteurs minier et de l‘énergie. Je l’ai constaté à titre de directeur général de la Société de développement économique de Uashat mak Mani-utenam (SDEUM), laquelle a connu une année très fructueuse en 2023.
Une des évolutions qui mérite une attention spéciale est l’adoption par certaines entreprises d’une nouvelle norme «+A», ajoutée aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
En février dernier, j’ai eu l’opportunité de participer à une conférence du Conseil canadien pour l’entreprise autochtone (CCEA), à Toronto. Le thème des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans le contexte autochtone a été abordé. Les poids lourds de l’industrie en Ontario, tels que Bruce Power et Hydro One, ont pris la parole, évoquant l’impératif d’intégrer les autochtones dans la norme ESG. Ils ont souligné l’importance d’impliquer les Premières Nations dans les projets de développement sur leurs territoires traditionnels, allant jusqu’à adopter le concept novateur d’ESG+A proposé par des leaders autochtones, dont le «A» symbolise l’Autochtone, afin de distinguer clairement cette dimension cruciale.
Plus près de chez moi, trois partenaires miniers de la communauté innue Uashat mak Mani-utenam, à savoir ArcelorMittal (Arcelor), Minerai de Fer Québec (MFQ) et Rio TintoIOC, se distinguent par leurs mises en pratique de la norme ESG+A. Cela les mène même au-delà de leurs obligations convenues dans les fameuses ententes sur les répercussions et les avantages (ERA) conclues avec la communauté.
Ententes avec les Innus
L’été passé, Arcelor a procédé à l’inauguration de sa nouvelle usine de traitement des eaux, fruit d’un investissement majeur, une installation à laquelle on a donné un nom innu: Nipi. Au-delà de ce symbole, les Innus sont au cœur du projet. Les Innus participent dans les opérations de traitement des eaux avec leur partenaire Nordikeau. Bientôt, davantage d‘Innus seront directement impliqués dans le traitement des eaux à titre d’opérateurs. C’est devenu possible grâce aux formations offertes par le centre Mitshapeu, en partenariat avec Arcelor et Nordikeau. De plus, Côte-Nord Sanitation, entreprise appartenant maintenant à la communauté, distribue les produits de traitement des eaux à Arcelor.
MFQ constitue un autre bel exemple avec son appui financier à plusieurs entreprises privées de la communauté, alors que cette aide financière n’est pas une obligation identifiée dans son ERA. Récemment, la SDEUM a bénéficié d’un coup de pouce financier de MFQ pour l’acquisition de Côte-Nord Sanitation. Cette entreprise, bien implantée dans la région, distribue déjà des produits sanitaires et de traitement des eaux à la grande industrie. MFQ a aussi annoncé une importante subvention sur 10 ans au grand festival de musique innu Nikamu. Encore une fois, cet appui est en sus de ses obligations envers la communauté.
Accompagné du président de la SDEUM, Kenny Régis, je suis allé en Chine, en mai dernier, pour signer un accord de distribution avec Wuxi Boton Belt, une entreprise chinoise qui fabrique des courroies de convoyeurs. Cette entente a été rendue possible grâce à Rio TintoIOC qui, après avoir signé une entente de distribution globale avec Wuxi Boton, nous a mis en contact avec son nouveau partenaire chinois.
Nous y sommes retournés en octobre avec les vice-présidents approvisionnement de MFQ ainsi que d’Arcelor. Cette visite en Chine visait à préparer l’intégration des courroies de Wuxi Boton dans leurs opérations. Dans la deuxième phase du projet, nous avons l’intention de former des membres de la communauté afin d’offrir les services d’installation, de maintenance et de réparation des courroies de convoyeurs fournies par cette entreprise chinoise.
Les engagements envers la communauté de ces partenaires miniers vont bien au-delà de ce qu’on a l’habitude de voir, et même au-delà des ERA que concluent plusieurs compagnies minières avec des Premières Nations. Au-delà des considérations économiques, sociales et environnementales que l’on retrouve dans les ERA, s’ajoutent des considérations propres à la présence et l’identité des communautés autochtones. Cette nouvelle approche est prometteuse et démontre une belle évolution dans la reconnaissance des Premières Nations dans les projets qui les touchent. Une évolution que l’on peut aussi qualifier de logique, en lien avec les principes de la réconciliation, reposant sur la reconnaissance de la présence historique des Premières Nations au pays.
ESG+A, c’est reconnaître que les Autochtones forment un élément à part entière, qu’ils ne sont pas qu’une simple composante du «Social».
Un +A qui a toute sa place et qui fait toute une différence.