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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

Est-ce déjà la fin des vacances en Bourse?

Dominique Beauchamp|Publié le 03 août 2019

Est-ce déjà la fin des vacances en Bourse?

Jerome Powell a fait écho aux baisses préventives de 1995 et de 1998 qui avaient réussi à prolonger la croissance. (Source: Bloomberg)

Après un mois de juillet ensoleillé, le mois d’août, historiquement nuageux en Bourse, démarre plutôt mal.

La menace de nouveaux tarifs de 10% sur 300 milliards de dollars américains de biens chinois, jusqu’ici exemptés de droits de douane, a eu l’effet d’une douche froide sur les marchés.

La Bourse américaine a connu sa pire semaine depuis décembre 2018 parce que les ripostes commerciales entre les États-Unis et la Chine rappellent que l’occupant de la Maison-Blanche a aussi le vin français, les autos européennes et les importations du Vietnam dans sa mire.

Le S&P 500 a flanché de 3,1%, le Dow Jones de 2,6% et le Nasdaq de 3,9%. À Toronto, le S&P/TSX a cédé seulement 1,7% malgré la chute du cours du pétrole.

Une pause ou même un mouvement de repli est naturel après un bond de 10% depuis le plancher de 2750 de juin, indique Hugo Ste-Marie, analyste de Banque Scotia.

Ces quatre indices s’étaient aussi envolés de 14 à 23% jusqu’au 31 juillet.

Un jeu dangereux

Certains observateurs redoutent une spirale dangereuse par laquelle le président enhardi par la première baisse de taux de la Fed durcisse ses positions commerciales et endommage l’économie (obligeant la Fed à abaisser à nouveau ses taux), dans un cercle vicieux ultimement néfaste pour l’économie et la Bourse.

La banque centrale a démontré cette semaine qu’elle n’est plus sourde au ralentissement mondial en abaissant son taux directeur de 0,25% pour la première fois en 11 ans, malgré une économie américaine solide et le plein-emploi.

Pour une économie de 21 000 milliards de dollars, des tarifs de 30 G$US semblent bien peu, mais l’effet indirect sur la confiance des entreprises et des consommateurs est plus difficile à prévoir, a indiqué Jerome Powell, président de la Fed, lors du point de presse.

Le comportement des marchés financiers eux-mêmes peut influencer les conditions de crédit et la confiance, a-t-il aussi laissé entendre.

La nouvelle salve de Donald Trump survient au mauvais moment parce que certains indicateurs manufacturiers avancés semblaient vouloir se stabiliser, en Chine, aux États-Unis et en Allemagne, si l’on se fie à la tendance de six mois des indices LEI de l’OCDE, note M. Ste-Marie.

Néanmoins, les actions gardent la cote à court terme parmi les stratèges en partie parce que les obligations ont déjà bénéficié de la rechute des taux de 10 ans qui sont passés de 3,24% à 1,85% depuis novembre 2018.

Quelque 278 milliards, un record, sont allés aux obligations depuis le début de l’année, tandis que 152,5 G$US ont quitté les Bourses.

«La majorité des 18 banques centrales sondées abaissent leurs taux, ce qui devrait soutenir l’économie et l’évaluation des actions avec l’effet décalé habituel», ajoute M. Ste-Marie.

Le modèle de répartition d’actifs de la banque reste à la merci de variables changeantes, mais il «donne encore une chance aux actions» parce que les taux déjà anémiques donnent moins de potentiel d’appréciation aux obligations, à moins d’un sérieux dérapage économique, explique l’analyste.

En revanche, l’inversion de la courbe des taux (les taux américains de 3 mois sont 0,20% inférieurs aux taux de 10 ans) est une variable qui devient lentement plus favorable aux obligations.

Cette classe d’actif pourrait redevenir plus attrayante à la mi-2020, suggère le modèle de la banque.

Une répétition de 1998?

Les stratèges ont rarement été aussi divisés au sujet des perspectives du S&P 500, rapporte Bloomberg. Binky Chadha de Deutsche Bank prévoit que l’indice phare gagnera 11% jusqu’à 3250 d’ici la fin de 2019 tandis que son collègue Peter Cecchini de Cantor Fitzgerald le voit reculer de 14,7% à 2500. 

Le S&P 500 se dirige vers sa meilleure année en six. Presque tous les gains proviennent d’un renflement du multiple de l’indice qui est passé de 14,5 fois les bénéfices prévus en janvier à 17,2 fois.

L’écart de 30% entre le stratège le plus optimiste et le plus pessimiste n’a pas été aussi prononcé depuis 2004. (Source: Bloomberg)

L’indice bull/bear de Bank of America Merrill, une mesure d’optimisme dont le courtier se sert en tant qu’indicateur contraire, est au neutre. Son niveau actuel de 4,4 est loin du signal d’achat de 1,8 observé le 3 janvier 2019 et du signal de vente de 8,8 observé le 30 janvier 2018.

«Nous restons optimistes à l’égard des actifs risqués, mais un nouvel élan de la Bourse et du marché du crédit est moins sûr étant donné que la Fed est moins colombe que prévu, que la Maison-Blanche menace d’imposer de nouveaux tarifs le 1er septembre et que les indicateurs d’activité manufacturière se dégradent un peu partout dans le monde», écrit le stratège en chef Michael Hartnett.

Tous espèrent une répétition de 1995 et de 1998 qui avaient vu Alan Greenspan de la Fed réduire ses taux à trois reprises pour stimuler une économie vacillante.

Le stratège rappelle qu’en 1998, une coupe de taux préventive par la Fed avait donné un nouveau souffle à la Bourse dès que les indicateurs économiques avaient cessé de se détériorer.

Le mouvement haussier de 1999 avait ensuite donné naissance à la bulle de 2000.

Autre parallèle avec 1998: le fossé actuel entre la confiance des consommateurs américains et la déprime des allemands est aussi accentué qu’il l’était au dernier trimestre de 1998.

Même si la Bourse américaine est plus chèrement évaluée qu’ailleurs, les États-Unis conservent certains avantages.

Avec un taux directeur de 2 à 2,25%, la Fed a plus de marge de manœuvre que d’autres pour le réduire davantage.

L’appréciation de 15% des banques américaines depuis le début de l’année signale que la politique monétaire de la Fed n’est pas «impotente», soutient M. Hartnett.

Enfin, le salaire horaire américain augmente à un rythme annuel de 3,2%, ce qui procure un petit coussin au consommateur américain pour absorber la hausse des prix de vente que les fabricants devront leur refiler à cause des tarifs.