Est-ce qu’une entreprise devrait tout miser sur la croissance au risque de détruire sa réputation ou bien prendre la décision de ralentir pour mieux traverser la crise et offrir un excellent service qui lui permettra de bâtir une excellente réputation. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Peu importe l’industrie, peu importe la tâche à accomplir, la pénurie de main-d’œuvre frappe de plein fouet notre économie. Bien que la pandémie n’ait pas aidé, nous voyions la vague venir depuis un bon moment déjà.
Le vieillissement de la population, les départs «hâtifs» à la retraite et les seuils d’immigration au plus bas, les causes sont multifactorielles et ne changent rien au résultat final, il manque beaucoup trop de main-d’œuvre.
Face à cet immense défi démographique et économique, les entreprises rivalisent d’initiatives originales afin d’attirer le plus de candidats dans leurs rangs. Malgré tout, le problème reste le même, il n’y a tout simplement pas assez de travailleurs pour tous les postes qui sont à pourvoir.
Par réflexe, la majorité des entreprises continuent d’essayer d’offrir les mêmes services ou les mêmes produits en espérant pouvoir trouver assez de main-d’œuvre pour répondre à la demande. Restaurants, aéroports, boutiques indépendantes, manufacturiers, tous continuent à miser sur la croissance en se mettant, eux-mêmes à risque.
En effet, la question se pose. Un restaurant d’une centaine de places qui normalement doit avoir cinq serveurs, mais qui n’en a que trois, devrait-il couper à la même proportion sa salle à manger? Une entreprise qui n’arrive plus à fournir un produit en raison du manque d’effectif au centre de production devrait-elle couper dans son portfolio d’offres?
La question est déchirante, mais doit se poser. Combien d’entreprises se retrouvent, en ce moment, entre l’arbre et l’écorce, devant faire le choix entre la croissance, qui est demandée et attendue par tous, et la décroissance qui peut sembler envoyer un message de détresse.
Historiquement et tristement, le monde des affaires a été construit sur un seul et même objectif, la croissance. Marché boursier, investisseurs, institutions financières et j’en passe, tous s’attendent, année après année, à une croissance de la part des entreprises. Mais si cette croissance mettait justement en danger plusieurs entreprises dans cet environnement économique plus que complexe?
Que préférons-nous: voir une entreprise qui mise tout sur la croissance détruire sa réputation en raison d’un mauvais service qu’elle ne peut tout simplement pas offrir ou en voir une prendre la décision de ralentir pour mieux traverser la crise et offrir, ce qui est un immense luxe aujourd’hui pour le consommateur, un excellent service qui lui permettra de bâtir une excellente réputation.
Poser la question c’est y répondre. Malheureusement, les acteurs du marché ne réfléchissent pas ainsi. Autant je remettais en doute lors d’une chronique précédente la survie de la mondialisation telle qu’on la connaît, autant aujourd’hui, je remets en doute l’idée de croissance à tout prix.
Géopolitiquement, le concept de décroissance existe depuis les années 70 et vise à lutter contre les effets néfastes de la croissance notamment, concernant les dysfonctionnements du modèle économique, le déséquilibre du marché du travail et les conséquences environnementales qui en découlent.
En matière entrepreneuriale, la décroissance est aussi un concept qui date de peu. Souvent vue d’un mauvais œil, de plus en plus d’adeptes joignent le mouvement bien souvent avec comme objectif de ralentir la cadence, d’avoir une meilleure qualité de vie et de minimiser l’impact environnemental de leur entreprise.
Pour tout vous dire, je suis déchiré depuis longtemps entre ces deux visions aux antipodes. Au fil des ans, nous avons essayé d’avoir le beurre et l’argent du beurre en inventant le concept de conciliation travail-famille, mais en toute franchise, je le cherche toujours.
Une chose est cependant certaine, plus les entreprises miseront sur la croissance sans aucune garantie de l’atteindre, pire, en mettant à risque leur réputation, plus l’alternative de la décroissance deviendra une option à considérer afin de répondre, notamment, à la pénurie de main-d’œuvre. Et vous, que feriez-vous?