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Et si Hilo propulsait Hydro-Québec dans la prochaine décennie?

Alain McKenna|Publié le 29 novembre 2019

Et si Hilo propulsait Hydro-Québec dans la prochaine décennie?

En annonçant la création de sa filiale Hilo, Hydro-Québec a également lancé une campagne de test pour une tarification dynamique auprès de ses clients résidentiels. Pour plusieurs, ça a donné l’impression que la nouvelle entité spécialisée dans les appareils connectés pour la maison avait pour but de hausser la facture des consommateurs québécois.

Or, non seulement l’effet réel de Hilo pourrait être complètement à l’opposé de cette idée, cette nouvelle venue incarne ni plus ni moins là où le secteur énergétique pourrait aller au fil des dix ou vingt prochaines années. Pas seulement au Québec, mais partout dans le monde. D’où l’importance, pour la société d’État, de sortir de sa zone de confort en se trempant l’orteil dans ce créneau émergent.

Car de toute façon, il fallait bien qu’elle se mouille un de ces jours. Et elle risque bien d’y plonger complètement sous peu, foi du directeur général de Hilo, Sébastien Fournier, qu’on a reçu dans le cadre de notre balado Une Tasse de Tech, à la maison Notman, hier.


Optimiser l’efficacité énergétique des immeubles québécois

Outre le transport, l’autre secteur où le Québec peut faire des gains importants, en matière d’efficacité énergétique, et dans un contexte plus large de lutte aux changements climatiques, c’est dans l’immobilier. Avec pas tout à fait 12% de la population qui possède un appareil connecté à la maison, le Québec traîne la patte dans ce créneau, qui subit pourtant une transformation similaire à celle qu’on a vue dans d’autres industries où le consommateur devient le preneur de décisions (par opposition aux grandes entreprises).

Les bureaux ont connu leur période «Bring your own device», le secteur de l’énergie entre à son tour dans cette phase de consumérisation où les gens modulent leur consommation à l’aide d’appareils connectés et plus «intelligents» que leurs prédécesseurs.

Hydro-Québec et Hilo ont la volonté d’épauler l’adoption de ces technologies, en accompagnant les premiers adopteurs et en leur fournissant des pistes de solutions, résume M. Fournier. «On regarde surtout comment on peut rétribuer les consommateurs qui déplacent leur consommation d’électricité en dehors des moments de grande demande, ce qui nous évite de démarrer des centrales additionnelles (au gaz, par exemple), ou d’importer de l’énergie provenant de marchés extérieurs.»

Évidemment, ce «déplacement» de la consommation ne signifie pas de réduire son niveau de confort. Il n’est pas question de couper le courant pour quelques heures, le temps de réduire la demande globale. Par exemple, réduire l’utilisation du chauffe-eau dans des périodes où il est moins sollicité, ne change rien dans nos vies, tout en permettant au producteur d’électricité d’aplanir les hauts et les bas de sa courbe de demande en électricité.

Les clients qui connaîtront un certain succès seront récompensés par Hydro-Québec, qui devra déterminer exactement la teneur de cette récompense, mais des réductions de la mensualité payée à la société d’État sont certainement dans les plans.

Évidemment, de là à parler de prix dynamiques, variant au gré de la journée, il n’y a qu’un pas… «Ce sont deux choses différentes, mais la tarification dynamique peut aider les consommateurs à réduire leur facture en changeant un peu leurs habitudes», ajoute M. Fournier. «Notre objectif est d’additionner les gestes individuels pour en profiter collectivement.»

Créer un tremplin pour les technologies québécoises

Outre Hilo, Vidéotron, Bell, Amazon, Google, Apple, et qui d’autre encore, ont un œil sur la domotique. Dans la plupart des cas, ce sont des écosystèmes fermés. Hilo s’est récemment entendue avec le fabricant Stelpro, de Saint-Bruno, sur la rive sud de Montréal, afin de produire des appareils pour ses propres clients, mais l’objectif n’est pas tant de devenir un gros joueur comme les autres que de lancer le marché.

«On aura sans doute des partenariats, à terme», confirme Sébastien Fournier, qui ajoute : «Stelpro conçoit ses propres produits et les fabrique à Grand-Mère, alors on aura des appareils fabriqués au Québec.»

Hydro-Québec qui s’écarte de son modèle d’affaires central, qui est de produire et vendre de l’électricité, n’est pas un événement unique. Des entreprises comme TM4 et Bathium sont issues de projets similaires, dans le transport, mais plusieurs critiquent la façon dont Hydro-Québec a laissé dormir ces projets au grand potentiel.

Est-ce que Hilo se destine au même sort? «Il y a une volonté de rester propriétaire de Hilo. Nous sommes en train de nous positionner, on a la chance de faire partie de la famille Hydro-Québec, ce qui permettra d’offrir des produits, mais aussi de l’expertise, au Québec et ailleurs dans le monde, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs.»

La recharge bidirectionnelle pour l’auto électrique

L’avènement de la voiture électrique est un enjeu de taille pour Hydro-Québec. Le jour où 200 000 automobilistes revenant du boulot se brancheront tous en même temps, en arrivant à la maison, ça risque de mettre une pression additionnelle sur son réseau.

La société d’État voit aussi plus loin, songeant au jour où on chargera sa voiture à la maison, et, au besoin, où on pourra charger sa maison avec la pile de sa voiture. «On travaille avec l’IREQ sur une borne bidirectionnelle, mais même avant ça, le simple fait de pouvoir gérer le cycle de recharge des véhicules électriques qui seront tous branchés en même temps, à 18h le soir, aura des avantages. La technologie qu’on souhaite déployer visera à déplacer cette charge en fonction des quartiers et des besoins, pour maximiser la capacité et les économies sur le réseau.»

Autrement dit, une borne de recharge pour la maison qui n’aurait besoin que de deux, trois ou quatre heures pour assurer un plein des batteries de la voiture pourrait s’activer plus tard dans la nuit, quand la demande sera moins élevée. Et un jour, en cas de panne de réseau, on pourra éviter que le frigo se réchauffe trop en renversant la vapeur sur sa borne pour la voiture. Ça se fait déjà ailleurs dans le monde, et la maison du futur d’Hydro-Québec à Shawinigan teste déjà un tel dispositif.

L’autoproduction solaire connectée au réseau (ou pas)

On n’en parle pas autant au Québec, où l’énergie est déjà relativement propre et particulièrement abordable, mais l’énergie solaire et éolienne est en train de révolutionner le secteur énergétique mondial. L’Europe voit déjà les bénéfices des deux sources renouvelables, et les États-Unis devraient produire davantage d’énergie grâce au soleil que par le charbon avant la fin de la prochaine décennie.

Inutile de dire que ça fait baisser les prix de la technologie, et qu’il y a plus d’un propriétaire immobilier au Québec qui verrait d’un bon œil la possibilité d’installer des panneaux solaires sur son toit. Hydro-Québec se disait au courant, sans nécessairement être active face à ce phénomène.

Hilo, elle, voit un mélange énergétique incluant du solaire à l’horizon. «À terme, on voit que bien qu’on ait une électricité qui coûte peu, on voit une demande pour cette technologie-là, alors on souhaite se préparer à l’accueillir.»

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