(Photo: 123rf.com)
BLOGUE INVITÉ. Quand on parle de se lancer en affaires, tout le monde pense automatiquement au démarrage. C’est la voie la plus empruntée et la plus médiatisée. Quand j’explique que je voudrais acheter une entreprise déjà en activité, la réaction la plus courante est la surprise.
On me demande ensuite le nom de l’entreprise que je prévois acheter. Et quand je réponds que je ne l’ai pas encore trouvée, que je suis en recherche active, ça génère de l’incompréhension chez mon interlocuteur. Il me demande ensuite pourquoi je ne démarre pas une entreprise à la place. J’ai trouvé cette chaîne de réaction cocasse au début, mais elle se répète avec constance depuis des mois. J’en suis venue à constater que le repreneuriat est un choix de carrière méconnu.
Pourtant, tous les goûts sont dans la nature. C’est vrai aussi dans l’entrepreneuriat. Parce qu’au tout début, avant de parler de succès, de risques et de rentabilité, il y a un rêve, un projet. Un intérêt que l’on choisit de développer. Et qui deviendra une entreprise qui nous ressemblera. L’entreprise de ses rêves, on peut la créer de rien. Ou partir du rêve d’un autre et le nourrir, le transformer, le faire grandir. Deux chemins, une même destination. Vaut-il mieux créer ou acheter une entreprise? Voici une partie de ma réflexion.
Démarrer une entreprise
Le démarrage est comme un terrain vague, que vous pourrez défricher à votre goût et modeler selon vos valeurs et vos idées. Si vous avez déjà une idée d’affaire, le démarrage peut être avantageux. Il nécessite peu de frais initiaux (à moins d’avoir besoin d’équipement coûteux ou d’un immeuble), et ceux-ci peuvent souvent être étalés dans le temps. Une nouvelle entreprise n’aura pas d’états financiers créatifs, d’employés peu motivés ou de culture d’entreprise discutable. Elle sera à votre image, et grandira avec vous.
La création d’une entreprise exigera toutefois de bâtir une clientèle de rien, ce qui nécessite des efforts considérables, et la rentabilité pourrait être longue à atteindre. Vous pourriez par exemple ne pas pouvoir vous payer avant plusieurs mois, voire même des années. La solitude est aussi à considérer: vous n’aurez probablement pas les moyens d’embaucher de l’aide avant un certain temps. Donc, à moins d’avoir des partenaires d’affaires, vous serez seul à porter tous les chapeaux.
Reprendre une entreprise
Le repreneuriat, bien qu’encore méconnu, gagne en popularité. Un rapport du RJCCQ¹ révèle que reprendre une entreprise fait désormais partie des intentions et des objectifs de carrière de ses membres : 65% des jeunes entrepreneurs et professionnels songeraient à se lancer dans les 5 à 10 prochaines années. Du côté des entrepreneurs établis, la BDC nous apprend que 60% d’entre eux ont 50 ans ou plus et que 4 propriétaires canadiens sur 10 prévoient prendre leur retraite au cours des 5 prochaines années. Nous serons donc nombreux à nous intéresser au repreneuriat.
Reprendre une entreprise qui existe déjà comporte des avantages et inconvénients bien différents du démarrage. Le premier défi d’une reprise est de trouver chaussure à son pied: il n’y a pas un si grand nombre d’entreprises ouvertement à vendre, et les repreneurs ont intérêt à être flexibles. Les experts conseillent de cibler une industrie et un type d’entreprise, mais de rester ouverts aux occasions, qui se présentent parfois sous une forme différente des souhaits initiaux. D’un groupe de 12 aspirants repreneurs dont j’ai fait partie, deux ont plutôt opté pour le démarrage parce qu’ils n’arrivaient pas à trouver une entreprise à vendre qui corresponde à leurs critères. À force de définir ce qu’ils cherchaient, ils ont fini par avoir un projet clair, et comme rien sur le marché n’y correspondait, ils ont changé d’angle et créé une entreprise à la place.
Acheter une entreprise permet de pouvoir compter, dès le premier jour, sur des revenus, une équipe, des clients et fournisseurs. C’est bénéficier d’un historique comptable, d’une marque reconnue et de parts de marché. Vous arrivez dans une machine rodée, avec un modèle d’affaire, des ventes et des opérations fonctionnels.
Autre avantage important: l’accompagnement. Le cédant, avec son expérience et ses connaissances du secteur et des rouages de l’entreprise, pourrait vous guider pendant la transition. Une transition bien exécutée peut s’étaler dans le temps sous forme de coaching et éviter de nombreuses erreurs au repreneur. À la condition que les deux y soient ouverts, que la période de transition soit bien définie et que les rôles soient clairs, cet accompagnement peut être un avantage différenciateur.
Le financement est généralement plus facile à obtenir à l’acquisition d’une entreprise: les banquiers aiment l’historique et les états financiers, ce qui réduit le degré de risque d’un tel prêt.
L’historique n’a toutefois pas que des impacts positifs. Une entreprise en opération a déjà des valeurs et une culture, et des employés qui y adhèrent, pour le meilleur ou pour le pire. Toute modification aux valeurs et à la culture d’entreprise devra être gérée avec discernement pour éviter de perdre des employés-clés. Le repreneur arrive avec une vision stratégique, et des changements sont incontournables. Mais une certaine continuité pourrait être souhaitable pour sécuriser les revenus et l’équipe, ce qui exigera encore de la flexibilité du repreneur.
Un choix
Alors, qu’est-ce qui est mieux: reprendre ou créer? Ça dépend. Je penche pour la reprise parce que j’aime améliorer ce qui existe déjà: ça cadre mieux avec mon type de créativité. L’autre raison importante qui penche la balance de ce côté est que je n’ai pas encore trouvé de partenaire d’affaires compatible et disponible. Partir de zéro me semble, à tort ou à raison, plus agréable à plusieurs. Ce sont des raisons très personnelles, et elles pourraient évoluer.
Je crois surtout en l’importance de rester ouverte aux occasions. Les plus belles choses qui me soient arrivées se sont présentées bien différemment de ce que j’avais planifié. Je me souviens avoir rédigé une liste des caractéristiques de mon travail idéal en prévoyant changer d’emploi. Des mois plus tard, je l’ai relue pour réaliser que le poste que j’occupais correspondait en tous points à ma liste. Je n’avais pourtant pas changé d’employeur: j’avais travaillé sur les irritants de mon travail et créé mon job de rêve sans m’en rendre compte. Les vraies opportunités sont parfois difficiles à distinguer, on ne les reconnaît clairement qu’après-coup.
Le Québec a autant besoin de bâtisseurs que de repreneurs, et j’ai bon espoir de voir le repreneuriat devenir un choix de carrière reconnu. Et vous, êtes-vous plus bâtisseur ou repreneur?
Source:
¹ Source : Étude «Reprendre, c’est entreprendre», Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ),en collaboration avec le Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ), février 2017.