Plus on avance en âge, plus nous acquérons des connaissances et un réseau solide. Pourtant, le stéréotype du «jeune entrepreneur» reste présent.
EXPERT INVITÉ. Comme de nombreux fondateurs, j’ai en permanence l’impression d’être dans une course contre la montre — au point où par moment, je fais de l’insomnie et j’ai l’impression de participer à un marathon, mais de devoir le réaliser à la vitesse d’un sprint.
Par conséquent, plus je vieillis, plus je me questionne si j’aurai eu le même niveau d’énergie en lançant mon entreprise aujourd’hui plutôt qu’il y a une dizaine d’années.
Effectivement, on associe souvent start-ups avec «jeunesse» bien que cela est totalement faux : aux États-Unis, l’âge médian des créateurs d’entreprises serait de 42 ans.
Pourtant, j’entends toujours les phrases suivantes:
«Si je ne démarre pas cette entreprise avant d’avoir des enfants, je ne le ferai jamais…»
«Je suis trop vieux pour repartir à zéro…»
«Je n’ai plus la même énergie que lorsque j’avais 20 ans»
C’était le cas la semaine dernière lorsque je discutais avec Jean qui occupe un poste important dans une firme de consultation et qui me parlait avec enthousiasme de son désir d’entreprendre, mais le refoulant dus à ses 45 années.
La culture populaire associe souvent le démarrage d’une entreprise à l’insouciance, à la naïveté et à un appétit gonflé pour le risque. Cela donne souvent l’impression que c’est une aventure pour les jeunes qui n’ont rien à perdre et ne connaissent pas mieux que de se lancer. J’ai souvent moi-même pensé que le meilleur moment pour se lancer était «lorsque tu n’avais rien à perdre». Pourtant, des recherches du MIT, l’une des meilleures universités américaines, ont détruit ce mythe avec leur article publié en 2020: Age and High-Growth Entrepreneurship.
Leurs travaux ont démontré que les fondateurs plus âgés sont plus susceptibles de réussir en tant que start-up. C’est aussi ce que rapportait Olivier Schmouker dans son blogue intitulé Avez-vous le bon âge pour lancer une start-up?: un créateur d’entreprise de 50 ans a 1,8 fois plus de chances de se retrouver à la tête d’une start-up couronnée d’un franc succès qu’un créateur de 30 ans. Quant aux créateurs âgés dans la vingtaine, ce sont ceux qui ont le moins de chances de connaître la réussite à la tête de leur start-up par rapport à toutes les autres tranches d’âges!
D’un côté, tout cela est logique: plus on avance en âge, plus nous acquérons des connaissances et un réseau solide. Pourtant, le stéréotype du «jeune entrepreneur» reste présent au point où il pousse des gens comme Jean à refouler leur envie d’entreprendre.
Pas surprenant sachant selon le rapport du MIT : les fondateurs plus âgés seraient moins susceptibles de recevoir le soutien des investisseurs et de la communauté start-up. Ils seraient aussi plus susceptibles d’être perçus comme moins dynamiques et moins innovants.
Alors pourquoi la culture de l’entrepreneuriat favorise-t-elle la jeunesse alors que toutes les données montrent clairement que le nirvana des startups commence au moment de votre premier examen du cancer de la prostate ou des seins?
La revanche des jeunes!
Selon moi, une partie de la réponse provient de la frustration de nombreux jeunes. Dans l’entreprise traditionnelle, la majorité du temps, ce qui sera valorisé est le «nombre d’années d’expérience» de la personne au-delà même des accomplissements. C’est aussi souvent ce sur quoi repose la hiérarchie de l’organisation.
Et évidemment, il est impossible d’acquérir des années d’expérience sans aussi vieillir par la même occasion. Par conséquent, cela enracine un biais pour l’âge avancé dans l’environnement de bureau typique — ce qui frustrera souvent les plus jeunes qui voient des patrons incompétents être promus en raison de leur longévité plutôt que de leur mérite ou de leurs capacités.
C’est aussi ce qui pousse de nombreux jeunes à se lancer — n’acceptant pas d’être réduit à leur âge pour progresser! Effectivement, les start-ups représentent une opportunité pour ceux-ci d’uniformiser les règles du jeu et de réorganiser la logique de récompense qui domine le monde de la «grande entreprise». C’est aussi une opportunité pour les professionnels moins expérimentés, mais avec de grands rêves et l’envie de brasser les choses de montrer que l’âge et la valeur professionnelle sont des variables indépendantes.
Gravitant depuis des années dans le monde des start-ups et surtout, de jeunes fondateurs, j’ai constaté un point commun : la majorité se sont lancée soit par frustration et l’envie de challenger le statuquo ou par une passion extrême envers un problème.
Et c’est quelque chose de tout à fait valide. Au-delà des études qui positionnent l’augmentation en âge comme un facteur de réussite, cela ne veut pas dire que vous n’avez pas besoin d’avoir 40 ans pour être un chef d’entreprise efficace. Du moins, je l’espère — je n’ai toujours pas atteint cet âge vénérable! Des dirigeants comme Bill Gates, Mark Zuckerberg et plusieurs autres grands noms de l’entrepreneuriat l’ont prouvé.
Alors pourquoi est-il si tentant d’utiliser l’âge des fondateurs comme prédicteur du succès d’une start-up? Et pourquoi est-il important d’arrêter de valoriser trop fortement la jeunesse dans l’écosystème?
Le coût d’opportunité augmente avec l’âge
L’un des facteurs clairs qui peut avoir un impact important sur l’envie de se lancer en affaires en vieillissant est le coût d’opportunité qui augmente avec l’âge. C’est du moins, ce qu’affirme Paul Graham, fondateur du prestigieux Y-Combinateur. Selon lui, à mesure que les gens vieillissent, ils deviennent moins disposés à manger des ramens pour le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. En d’autres termes, l’appétit pour le risque et la tolérance à l’inconfort risque de diminuer avec le temps.
En revanche, je crois que les entrepreneurs plus âgés sont souvent plus stables financièrement. Ils peuvent avoir économisé de l’argent, investi ou possédé d’autres entreprises. Cette stabilité financière peut réduire le risque associé au démarrage d’une nouvelle entreprise et fournir un coussin de sécurité en cas de périodes difficiles. Personnellement, j’ai eu de nombreuses discussions avec des entrepreneurs ayant connu un succès précédemment et me mentionnant à quel point la première aventure, celle où tu n’as rien, est la plus difficile.
Je pense aussi, du moins, c’est mon cas, qu’avec l’âge, nous avons généralement une meilleure idée de ce que l’on veut dans la vie, de nos forces et de nos faiblesses, permettant souvent de mieux s’entourer et prendre des décisions lui judicieuses.
Finalement, un des grands avantages que Jean pourrait apporter, mais aussi plusieurs personnes plus âgées, est d’avoir travaillé pendant des décennies et par conséquent, avoir identifié des problèmes spécifiques que d’autres n’auront pas remarqués.
Il est donc nécessaire d’arrêter de donner l’impression qu’il faut être jeune et naïf pour se lancer.
Cessons de faire de l’âgisme en entrepreneuriat!
Selon moi, nous avons de plus de gens d’expérience comme Jean qui ont le potentiel de bâtir de superbes entreprises en mettant à profit leur expérience accumulée pendant de longues années. L’âgisme en entrepreneuriat n’est pas seulement un préjudice pour ceux qui sont discriminés, mais c’est aussi une perte pour la communauté entrepreneuriale et la société dans son ensemble.
En ne valorisant principalement que la jeunesse, nous négligeons la richesse des expériences, la profondeur de la sagesse et les perspectives diversifiées que peuvent apporter les entrepreneurs plus âgés. En réalité, l’entrepreneuriat ne devrait pas être une question d’âge (ni d’aucun autre facteur personnel discriminant), mais de passion, de résilience et d’innovation. Alors, au lieu de se concentrer sur le nombre d’années qu’un individu a vécu, concentrons-nous plutôt sur la valeur et la vision et le potentiel qu’il apporte.
En arrêtant de faire l’âgisme, nous pourrons construire un écosystème entrepreneurial plus inclusif, dynamique et prospère, où chaque idée a la chance de briller, quel que soit l’âge de celui ou celle qui la porte.