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Dominic Gagnon

Innovation entrepreneuriale

Dominic Gagnon

Expert(e) invité(e)

Êtes-vous un coach ou un gestionnaire?

Dominic Gagnon|Publié le 20 avril 2023

Êtes-vous un coach ou un gestionnaire?

La championne olympique Justine Dufour-Lapointe (avec les pantalons bruns) en compagnie de son ancien entraineur Jean-Paul Richard (à l’extrême droite), du fondateur et président de Connect&GO, Dominic Gagnon (avec la casquette), ainsi que l’équipe de direction de cette PME montréalaise. (Photo: Connect&GO)

BLOGUE INVITÉ. Lors de notre dernière planification stratégique, nous avions établi comme priorité la mise en place d’un programme de développement du leadership pour notre équipe de direction. Cette décision s’inscrivait dans notre désir de bâtir notre leadership et de miser davantage sur l’importance d’un leadership engagé et humain plutôt que sur le développement de compétence ou de techniques. La raison est fort simple: selon une étude de Gallup, la principale raison pour laquelle une personne souhaiterait changer d’emploi est la relation avec son supérieur immédiat. Il est donc primordial d’investir dans le développement de votre équipe de leadership.

L’une des principales initiatives qui furent proposées par notre directrice, personne et culture, était la mise en place d’une initiative de codéveloppement soit la mise en place d’un «cercle de coaching». En toute transparence, je n’avais initialement aucune idée de ce que cela pouvait bien vouloir dire.

Qu’est-ce qu’un cercle de coaching?

Les cercles de coaching constituent une approche de codéveloppement qui a comme objectif de s’entrainer collectivement à transférer nos compétences en leadership tout en optimisant l’intelligence collective du groupe. Eh oui : s’entrainer! Comme un athlète doit s’entrainer dans le but d’accomplir ses objectifs, tel que gagner les Jeux olympiques par exemple, le coach aussi doit s’entrainer pour développer ses aptitudes. Les compétences de coachings peuvent être plus ou moins acquises pour certaines personnes, mais la bonne nouvelle est que c’est une faculté qui se développe et par conséquent, à laquelle nous devons nous entrainer si nous souhaitons devenir meilleurs.

Ces cercles allient à la fois des pratiques d’apprentissage par l’action à celles du coaching intégral. L’objectif est d’aider les participants à s’engager dans des actions concrètes pour accomplir leurs objectifs tout en leur permettant de perfectionner leurs habiletés de coaching dont ils ont besoin pour exprimer pleinement leur leadership.

Se mettre dans une posture de coach

Comme j’en parlais dans un blogue précédent, il est plus que primordial aujourd’hui de passer d’un leadership traditionnel, soit celui qui donne les réponses et cherche à avoir raison, à un leader-coach qui accompagne son équipe dans la réalisation de son plein potentiel. Ce changement de paradigme est aussi selon moi l’une des causes de la grande incompréhension d’une multitude de gestionnaires plus âgés face à une nouvelle génération qui possède un rapport différent à l’autorité et qui est davantage portée sur le besoin d’autonomie, de maîtrise, de sens et de finalité.

Pour accompagner notre équipe de direction à développer ses compétences de coachs, nous avons eu recours à Jean-Paul Richard, coach intégral et ancien entraineur olympique en ski acrobatique qui a accompagné les sœurs Dufour-Lapointe pour remporter leurs médailles d’or et d’argent aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, et qui se spécialise aujourd’hui à transmettre ses connaissances d’entraineur sportif dans le monde des affaires avec sa firme Tangible performance.

Dès notre premier cercle de coaching, celui-ci nous a demandé de nous mettre dans notre posture de coach. J’ai rapidement vu des points d’interrogation dans les yeux de plusieurs (incluant les miens). Il nous a par la suite expliqué ce qu’il entendait par une posture de coach, soit d’avoir une présence empreinte d’empathie, permettant ainsi une écoute active et le développement de la compréhension globale de la personne. Cette posture de coach oriente l’attention sur la personne plutôt que sur l’enjeu ou le problème.

Cela semble simple de prime abord, mais l’est beaucoup moins lorsqu’on commence. Il est très facile de retomber dans notre réflexe du jugement ou encore, de tenter de donner la réponse qu’on croit la plus justifiée à l’autre personne.

Mon expérience personnelle

Dans le but de donner le ton au cercle de coaching, j’ai accepté d’être le premier à me prêter à l’exercice. Quelques semaines avant notre cercle de coaching, Jean-Paul me demande de préparer ma demande de coaching soit de décrire mon besoin le plus pressant relativement à ma situation, ou l’aspect qui me laissait le plus perplexe. Par la suite, je devais formuler une demande de coaching précise. Le résultat souhaité étant que le groupe en arrive à une compréhension commune du sujet pour que l’exploration collaborative puisse réellement commencer.

Pour ma part, depuis déjà quelques mois, je réalisais que je prenais beaucoup moins de plaisir à accomplir mon rôle que dans le passé. J’avais d’une certaine manière l’impression d’être un peu plus sur le pilote automatique, mais aussi que l’organisation semblait de plus en plus me brimer au lieu d’être un terrain de jeu pour moi. En discutant avec Jean-Paul précédemment, celui-ci me fit réaliser à l’aide de questions que plusieurs de mes valeurs personnelles étaient en contradiction avec des éléments dans l’entreprise. Principalement, mon besoin de liberté. J’avais aussi l’impression que l’organisation, étant sans cesse dans une course contre la montre, ne prenait plus autant de temps à fêter et à apprécier nos accomplissements, le tout, affectant le plaisir de tous.

Ma demande de coaching à mon équipe fut donc la suivante : «j’ai l’impression que le plaisir n’est plus autant présent dans notre environnement de travail et dans ce que nous faisons au quotidien chez Connect&GO. Comment pouvons-nous remettre le plaisir au centre de notre travail? ».

Rapidement, l’équipe me posa des questions dans le but de mieux comprendre la problématique et pouvoir m’aider à trouver des pistes de solution. L’une des questions me marqua un peu plus : « est-ce que j’en comprends que tu n’as plus de plaisir dans ton entreprise »? Habituellement, j’aurai tenté de contourner la question, craignant l’impact d’avouer que ma motivation avait diminué à mon équipe. Mais compte tenu du niveau de sécurité psychologique dans lequel nous étions, j’ai dû l’avouer : «oui, en ce moment, je trouve mon travail beaucoup plus lourd et j’y ai perdu beaucoup de mon plaisir».

Durant les 15 premières minutes, je m’attendais à recevoir des solutions concrètes : «tu devrais faire cela, ou essayer cela». Mais non, on m’a simplement questionné, pour que je puisse moi-même trouver ma propre réponse à cette perte de motivation. Le constat était clair, nous devions remettre plus d’innovation dans notre quotidien et je devais être en mesure de me sentir libre, tout en ne causant pas de dommage au quotidien de l’entreprise. Depuis, plusieurs actions furent posées, incluant la révision des valeurs de l’entreprise, et ma motivation s’est multipliée par dix.

Choisir sa direction avec Justine Dufour-Lapointe

Le point culminant de nos cercles de coaching était une rencontre en privé avec Jean-Paul et la championne olympique Justine Dufour-Lapointe. C’est sous le thème de « choisir sa direction » qu’elle est venue s’entretenir avec nous.

La première partie de la discussion fut menée par Jean-Paul, nous partageant des moments importants de sa carrière, dont sa participation comme coach-Olympiques pour la Suède. Celui-ci nous avoua que durant presque la majorité de sa carrière, il avait l’impression le but de son travail était de ramener des médailles. Et évidemment, lorsque les médailles n’arrivaient pas, un sentiment d’échec important s’emparait de lui. Il était dans la performance à tout prix.

Prenant un peu de recul après sa participation avec la Suède aux Jeux olympiques de Vancouver, il réalisa qu’après toutes ces années, son travail n’était pas de ramener des médailles, mais d’accompagner ses athlètes à donner le meilleur d’eux-mêmes, sur la piste et à l’extérieur et que son sens résidait dans son désir d’inspirer une nouvelle génération.

Vient ensuite le tour de Justine de nous raconter l’émotion de sa victoire lors des Jeux de Sotchi et de sa deuxième place aux Jeux de Pyeongchang en 2018 qui a été perçue comme un échec pour elle. C’est en route vers les Jeux de Beijing que celle-ci réalisa qu’elle avait un vide. Elle ne savait plus réellement pourquoi elle faisait tout cela et avait énormément de doutes.

Pour l’aider, elle appela son ancien entraineur, Jean-Paul, qui était à la retraite de l’entrainement sportif depuis les Jeux de Sotchi. Celui-ci accepta d’accompagner Justine vers ses prochains Jeux, mais pas comme entraineur sportif, mais bien comme coach professionnel cette fois. Ceux-ci décidèrent de se concentrer sur «trouver sa ligne» pour Justine, en référence à sa grande capacité sur la piste à choisir la bonne ligne dans la neige pour accomplir ses exploits.

Durant les mois suivants, par l’accompagnement de son coach intégral, la skieuse apprit à se poser des questions, ce qu’elle ne faisait que très peu avant, étant plus dans l’ultraperformance, tout le temps! Elle prit l’engagement d’être soi-même, d’écouter sa petite voix. Elle décida aussi d’adopter le « Naomi Style » en référence à la joueuse de tennis Naomi Osaka inspiré son geste de compassion envers le papillon s’étant posé sur son visage lors de l’Open d’Australie.

Elle apprit aussi à connecter aux autres, quelque chose qui n’était pas naturel en raison de la proximité constante avec ses sœurs et à définir un «pourquoi» plus grand qu’elle.

Tout était en place pour performance inoubliable à Pékin, mais le résultat fut tout autre. Justine tomba et l’un de ses deux bâtons resta pris au haut de la montagne. À ce moment, deux choix s’imposaient à elle : descendre le plus rapidement possible pour aller se cacher de honte au chalet ou attendre que quelqu’un lui apporte son bâton afin de terminer l’épreuve. Elle fit le choix d’attendre le bâton pour terminer l’épreuve sans même se rendre compte à quel point ce geste aura un impact majeur sur la nouvelle génération, prouvant que lorsqu’on tombe, l’important, c’est de se relever! Pour l’une des premières fois, elle a choisi de se définir par autre chose que le résultat.

«Je devais finir ce rêve olympique et m’assurer que chaque personne qui regarde ce soir sache qu’au-delà de la victoire, au-delà des journées comme celle-là, la chose la plus importante, c’est de ne jamais abandonner. Aujourd’hui, mon seul choix, c’était de rester debout, et de continuer à skier même si ça faisait mal», a dit Justine Dufour-Lapointe.

Souhaitant sortir de sa zone de confort et découvrir quelque chose de nouveau, elle se lança ensuite dans le Freeride. Cette traversée ne se fit pas sans difficulté, par exemple du grand sentiment d’imposteur qui l’envahit (ayant été accepté sur le circuit dû à son parcours en ski acrobatique). Elle se montra vulnérable, partageant aux autres athlètes ne pas souvent savoir quoi faire. Elle est devenue à une vitesse phénoménale la championne du monde de Freeride cette année.

Durant tout ce récit, ce que j’ai trouvé le plus beau, ce sont les larmes de plusieurs des membres de mon équipe de direction (incluant les miennes). Ce fut aussi de voir qu’à la fin, malgré qu’elle eût apporté ses médailles olympiques, personne ne demanda à les voir. Car nous avions tous compris que cela n’était pas si important. 

Pour moi, Justine n’est pas seulement une sportive de haut niveau, c’est une entrepreneure de sa propre vie. Chaque moment de son histoire résonnait en moi, surtout lorsqu’elle aborda l’importance pour elle «d’éprouver du plaisir».

Merci Justine, sans le savoir, tu m’as conforté dans plusieurs de mes réflexions et actions et tu as fait un grand bien à notre équipe. Tu nous as prouvé que rien n’était impossible et par conséquent, que nous devions continuer de repousser les limites!

Alors, êtes-vous un coach ou un gestionnaire?

Nous avons certainement besoin de plus de coachs et de moins de gestionnaires. Pourquoi ne pas remplacer le mot « directeur » par « coach » dans votre équipe? Pour moi, le titre de gestionnaire devrait être réservé aux personnes qui ont la responsabilité de gérer des actifs qui ne sont pas des humains. Par exemple, quelqu’un qui doit gérer un bâtiment, un système, une base de données. Selon moi, la gestion ne consiste pas à faire grandir les gens, mais à créer des résultats prévisibles avec des systèmes, des processus ou des outils.

Bien que les titres ne dictent pas le comportement, ils permettent quand même de décrire comment une personne devrait se comporter. Et rappelez-vous, votre équipe n’a pas besoin que vous portiez un uniforme sportif pour que vous soyez appelé « coach »!

Vous avez envie d’en savoir plus sur les cercles de coaching? N’hésitez pas à m’écrire!