Pour l’OAQ, le terme « qualité architecturale » signifie beaucoup plus que la simple esthétique. (Photo: 123RF)
ARCHITECTURE. De la planification des projets à l’évaluation des bâtiments une fois qu’ils sont occupés, le monde de l’architecture doit s’adapter à une foule de changements dans ses manières de faire. Les firmes devront de surcroît bientôt composer avec une redéfinition de leurs actes réservés.
En réponse aux demandes répétées du milieu, le gouvernement provincial a lancé, au printemps, les travaux d’élaboration d’une Stratégie québécoise de l’architecture, qui devraient prendre fin à l’automne. Qu’espèrent les principaux intéressés ?
«Notre plus grand objectif, c’est vraiment de rehausser le niveau de la qualité architecturale», explique Nathalie Dion, présidente de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ). Naturellement, qualité architecturale peut rimer pour plusieurs avec qualité esthétique des bâtiments. C’est effectivement ce que viserait la stratégie – en partie du moins.
«Quand on regarde nos musées, nos bibliothèques et nos écoles, nous voyons d’excellents projets architecturaux, poursuit Mme Dion. Mais il faudrait que cette volonté s’étende à toutes les constructions qui défigurent notre paysage. Il n’y a pas de raison pour que les stations de pompage, par exemple, soient si laides.»
Cela dit, ce qu’entend l’OAQ par le terme «qualité architecturale» va beaucoup plus loin que la simple esthétique. L’Ordre espère en fait que la nouvelle politique mène à la construction de bâtiments qui sauront mieux répondre aux besoins de leurs utilisateurs ainsi qu’aux défis sociaux actuels et futurs. Principalement les changements climatiques, le vieillissement de la population, l’inclusion sociale, l’accessibilité universelle, sans oublier la préservation et la mise en valeur du patrimoine. De façon plus pratique, cela signifie des édifices plus confortables, moins énergivores et plus durables.
«Le cadre bâti – c’est-à-dire les bâtiments dans lesquels nous vivons et travaillons – influence notre qualité de vie, rappelle Mme Dion. Alors, ultimement, bien sûr qu’on voudrait des bâtiments qui soient beaux, mais on veut surtout qu’ils répondent mieux aux besoins des citoyens.»
Portée limitée
L’élaboration de la Stratégie québécoise de l’architecture est réalisée dans le cadre du Plan d’action gouvernemental en culture 2018-2023. Pour le moment, la portée de cette stratégie sera limitée et concernera seulement les projets menés par l’État.
Elle visera également la mise en place de mesures incitatives dans les projets subventionnés par Québec. Bien que l’OAQ aurait aimé que la politique ait une portée plus large, il se réjouit néanmoins de la forme que prend la Stratégie à venir. Sa présidente parle d’ailleurs d’un pas dans la bonne direction.
«C’est une première étape et nous sommes contents, assure Mme Dion. Reste qu’à terme, c’est sûr que nous aimerions que cette politique s’étende plus largement afin de concerner d’autres édifices. Ce serait dommage que la stratégie s’arrête aux bâtiments gouvernementaux.»
Le ministère de la Culture et des Communications (MCC), qui élabore la Stratégie avec le soutien de l’OAQ, n’a pas voulu accorder d’entrevue à son sujet à Les Affaires. La porte-parole Émilie Mercier a toutefois souligné par courriel qu’à l’«heure où des investissements record de 115,4 milliards de dollars sont prévus en infrastructures» dans le cadre du Plan québécois des infrastructures 2019-2029, la Stratégie devrait favoriser «la cohérence de l’action gouvernementale et permettre un meilleur rendement de l’investissement ainsi qu’un meilleur rapport qualité-prix». Concernant son échéancier, «puisque les travaux sont toujours en cours, il est difficile d’avancer une date de lancement», a mentionné le MCC par courriel.
Modifications des actes réservés
En parallèle à l’élaboration de la Stratégie québécoise de l’architecture, un autre grand changement se profile dans le domaine : l’étude du projet de loi 29, concernant la modification du Code des professions.
Une des mesures notables, selon l’OAQ, est l’ajout de la surveillance des travaux parmi les actes réservés aux architectes.
«Ça, ça nous plaît, affirme Mme Dion. Par ailleurs, de réserver cet acte aux architectes ne le rend pas obligatoire. Nous aimerions donc que le gouvernement trouve un mécanisme pour rendre la surveillance de chantier obligatoire.»
Quels avantages cette obligation aurait-elle ? Mme Dion estime que des promoteurs travaillant sur certains projets – elle donne l’exemple des condos – seraient ainsi moins enclins à faire parfois fi des plans. «Certains promoteurs tournent les coins ronds et laissent aux copropriétaires un bâtiment avec des problèmes, fait-elle remarquer. Des problèmes qui n’auraient pas lieu si le chantier était surveillé, de surcroît par un architecte. Cette obligation viendrait donc compléter la chaîne de service.»