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Faire le pont entre le désir et la tirelire

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑novembre 2020

Faire le pont entre le désir et la tirelire

Ginette ­Mantha, fondatrice et directrice générale de ­Préma-Québec

PHILANTHROPIE. Privés d’événements physiques, les organismes de bienfaisance n’ont d’autres choix que d’apprendre à maîtriser les plateformes numériques, si elles veulent limiter leurs pertes et continuer à financer leur cause. Voici trois exemples d’organismes qui se sont lancés dans la philanthropie numérique, quitte à s’ajuster en cours de route.

L’automne est un moment important pour ­Préma-Québec. L’organisme voué à l’amélioration de la qualité de vie des enfants prématurés récolte habituellement la moitié de ses dons annuels grâce à la ­Marche pour les prématurés, qui se déroule en septembre dans six villes du ­Québec, puis au ­Bal des miracles, tenu en novembre. Or, en 2020, la pandémie est venue compromettre ces plans.

« ­Pour reprendre un mot à la mode, on a été forcés de se réinventer », affirme ­ . La ­Marche a donc été transformée en un événement entièrement virtuel : pendant un mois, on a pu suivre sur ­Facebook les tribulations d’un personnage d’incubateur nommé ­Kubi. La campagne a permis de récolter quelque 41 000 $ sur un objectif de 60 000 $. Le ­Bal, lui, a été annulé.

Pendant ce temps, les besoins des parents de prématurés n’ont cessé de croître. Leurs enfants sont isolés à l’hôpital en raison des restrictions concernant les visites, et les familles s’inquiètent des conséquences de la ­COVID-19, si leur ­nouveau-né l’attrape.

Relativement à cette situation, ­Préma-Québec a choisi d’informer et de soutenir, quitte à solliciter des dons plus tard. Chaque semaine, un groupe de soutien pour les parents se réunit virtuellement sur la plateforme ­Zoom.

Deux séances de ­questions-réponses avec des pédiatres ont été diffusées sur ­Facebook en direct. Un ­projet-pilote de soupes chaudes à distribuer aux parents présents dans les unités néonatales sera bientôt lancé.

« ­Le besoin est réel, assure ­Ginette ­Mantha. Ces projets nous donnent aussi une carte de visite pour solliciter des partenaires financiers qui veulent s’associer à notre cause. » ­La fondatrice de ­Préma-Québec avoue ne pas avoir toutes les réponses pour sortir de la crise, mais elle entend faire de son mieux pour soutenir les familles. « ­On n’arrêtera pas », ­déclare-t-elle avec conviction.

 

Atteindre les entreprises

De son côté, l’organisme ­Procure tient sa campagne annuelle de sensibilisation au cancer de la prostate en novembre. Baptisée « ­Noeudvembre », ­celle-ci utilise le nœud papillon pour attirer l’attention sur la cause et recueillir des dons. « ­En ce moment, notre but est de mobiliser les entreprises, explique ­Anthony ­Lamour, directeur du développement, des partenariats et des alliances stratégiques de ­Procure. C’est un peu difficile… quand tout le monde travaille est en mou à la maison ! »

L’organisme a eu un flash : inviter les gens à porter le nœud papillon lors d’un 5 à 7 ou d’une réunion virtuelle. « ­Si on est habillé en coton ouaté, le nœud papillon va sans doute détonner, fait remarquer ­Anthony ­Lamour. Le but est de provoquer une discussion autour de la cause. » ­La proposition a été relayée sur ­LinkedIn, afin d’atteindre le plus grand nombre de travailleurs possible.

Procure devait ensuite décider ce qu’il adviendrait de son gala de novembre, prévu dans un hôtel du ­Groupe ­Antonopoulos. « ­En l’annulant, on craignait que l’événement tombe dans l’oubli », note le directeur. L’organisme a donc décidé d’organiser un gala virtuel à saveur gastronomique, animé par ses ­ambassadrices- vedettes, ­Isabelle ­Pagé et ­Abeille ­Gélinas. Le 19 novembre prochain, les participants recevront à la maison une boîte gourmande signée ­Jérôme ­Ferrer, avec une bouteille de vin et, bien sûr, un nœud papillon.

 

Présence virtuelle

L’Association pour les enfants atteints de cancer – plus connue sous le nom de ­Leucan – est entrée dans la crise avec deux as dans sa manche. D’une part, l’organisme avait consolidé sa présence numérique quelques années auparavant. Ensuite, le ­Défi têtes rasées ­Leucan, qui représente près de 30 % de ses dons annuels, est une activité qui se transpose bien en ligne : une personne qui se rase peut filmer et diffuser son expérience plus facilement qu’une personne qui participe à une marche ou à un défi cycliste.

Leucan a donc plongé tête première dans le numérique, en multipliant les séances de rasage virtuelles et en créant un groupe ­Facebook privé permettant aux participants de partager leurs impressions.

« ­Notre objectif était de créer une expérience à la hauteur du geste posé, explique ­Julie ­Veilleux, chef des communications numériques de ­Leucan. Se raser la tête, c’est loin d’être banal ! Ça marque les participants longtemps après l’événement. On s’est rendu compte que leur permettre de vivre et de partager leur expérience sur les médias sociaux avait décuplé leur engagement. »

Leucan a ainsi observé une augmentation de 20 % de la collecte moyenne par participant. Après sept mois de « rasages virtuels », l’organisme a amassé plus de 1 million de dollars, soit une somme équivalente à la même période l’année dernière.