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Pierre-Olivier Pineau

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Pierre-Olivier Pineau

Expert(e) invité(e)

Faites disparaître la cible si vous pensez la rater!

Pierre-Olivier Pineau|Mis à jour le 02 octobre 2024

Faites disparaître la cible si vous pensez la rater!

Quatre autres cibles ont disparu. Pas d’efficacité énergétique, pas de réduction des produits pétroliers, plus d’élimination du charbon ni d’augmentation de 25% de la production n’énergie renouvelable. (Photo: 123rf)

EXPERT INVITÉ. En 2016, le gouvernement libéral du Québec a publié sa politique énergique 2030. Elle avait cinq grandes cibles: 1. Améliorer de 15 % l’efficacité avec laquelle l’énergie est utilisée, 2. Réduire de 40 % la quantité de produits pétroliers consommés, 3. Éliminer l’utilisation du charbon thermique, 4. Augmenter de 25 % la production totale d’énergies renouvelables et 5. Augmenter de 50 % la production de bioénergie.

Ces cibles sont restées en place avec le nouveau gouvernement caquiste de 2018. En revanche, au fil des multiples mutations dans les formulations des plans (énergétique, climatique, de mobilité, de développement durable…), cette politique énergétique a disparu et s’est fait en grande partie gober par le Plan de mise en œuvre 2024-2029 du Plan pour une économie verte (PEV) 2030.

Abondance d’objectifs

Comme il n’y a pas de pénurie d’objectifs au Québec, le gouvernement actuel nous facilite la vie en réunissant les principaux objectifs chiffrés du PEV 2030 dans un même lieu. Il n’y a pas moins de 21 «principaux» objectifs, que l’on peut suivre sur le tableau de bord de l’action climatique du gouvernement du Québec.

On retrouve dans ces 21 objectifs la cible # 5 (Augmenter de 50 % la production de bioénergie).

Or, les quatre autres cibles ont disparu!

Pas d’efficacité énergétique, pas de réduction des produits pétroliers, plus d’élimination du charbon ni d’augmentation de 25% de la production d’énergie renouvelable.

Pourquoi? C’est en effet intriguant de voir ces cibles disparaître, en particulier celle concernant la consommation d’hydrocarbures, étant donné que plus de 50% de nos émissions de gaz à effet de serre (GES) viennent directement de ces produits pétroliers.

Si on veut réduire les GES, il faut réduire la consommation de pétrole…

C’est un peu comme pour arrêter de fumer: il faut cesser de consommer des cigarettes.

Ça devrait être une évidence.

Cette cible de réduction de 40% de la consommation des produits pétroliers est encore inscrite dans la politique de mobilité durable (largement oubliée et datant de 2018). Et elle a étonnamment été reconduite dans la Stratégie québécoise sur l’hydrogène vert et les bioénergies, écrite en 2022 par le gouvernement actuel.

La raison de la disparition

Pourquoi alors ne pas mettre clairement cet objectif de réduction de la consommation de produits pétroliers dans la longue liste?

Les 21 objectifs prenaient toute la place?

La raison est malheureusement très simple: nous allons rater cette cible. L’indice le plus inquiétant permettant de faire cette affirmation est l’évolution des ventes d’essence au Québec.

En 2023, nous avons en effet consommé un record jamais atteint dans la consommation d’essence: 9,17 milliards de litres ont été brûlés dans nos moteurs.

C’est 1% de plus que le précédent record qui datait de 2017. C’est une augmentation de 29% par rapport à 1990, alors que l’objectif de réduction des GES est de les diminuer de 37,5% par rapport à 1990.

On ne fait pas de fumée sans feu.

On ne réduit pas les GES en augmentant la consommation d’essence.

Brouiller les pistes

C’est très pratique de faire disparaître cette cible, à un peu plus de cinq ans de l’échéance. Ça permet de ne pas faire le constat d’échec de nos politiques actuelles, qui ne nous mettent pas sur la trajectoire de l’atteinte de la principale cible, c’est-à-dire de réduire nos GES.

En revanche, ce que le gouvernement met de l’avant, ce sont des cibles sur des thèmes connexes, mais qui ne réduisent pas directement les GES: mettre des véhicules, des taxis et des autobus électriques sur les routes.

Malheureusement, tous ces VÉ ne garantissent aucunement que le nombre de voitures à essence diminue.

On en avait 5,5 millions en 2022.

On ne sait pas comment cela a évolué en 2023, mais on sait déjà que les Québécois ont battu un autre record durant cette année: 21,8 milliards dépensés pour des véhicules automobiles neufs – le précédent record était de 18,5 milliards en 2019.

Et, évidemment, en 2023, on a battu le record de vente d’essence.

Un jour, il faudra se poser ces questions fondamentales.

Est-ce une bonne stratégie économique de dépenser des sommes records pour faire grossir un parc automobile qui brûle des quantités records d’essence, alors qu’on vise à réduire les GES?

Dans le même ordre d’idée, est-ce qu’on réduit la congestion que tout le monde déplore en ajoutant des véhicules sur les routes?