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Faut-il assouplir les règles hypothécaires?

Daniel Germain|Publié le 08 février 2019

Faut-il assouplir les règles hypothécaires?

À moins de prêter l’oreille à la rumeur qui nous vient de nos voisins, à l’Ouest, vous ignorez peut-être qu’un lobby s’active actuellement pour qu’on lâche un peu de lest du côté des règles hypothécaires.

Il y a des groupes en effet qui voudraient voir lever certaines contraintes, question d’apporter un peu d’oxygène au marché immobilier.

Sans blague.

Vous n’êtes pas sans savoir que le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), le gendarme des banques, a progressivement resserré l’accès au crédit hypothécaire ces dernières années. Pour se qualifier pour une hypothèque, tous les acheteurs doivent depuis le début de 2018 se soumettre à un test de simulation de crise. Même les propriétaires qui renouvellent leur hypothèque y sont contraints.

Rappelons de quoi il s’agit. Pour se qualifier pour un prêt hypothécaire, l’acheteur doit démontrer au prêteur que ses obligations financières, une fois la maison acquise, ne dépassent pas le ratio de 44% de son revenu. Ces obligations comprennent le remboursement de l’hypothèque, les taxes foncières, les frais de chauffage et d’électricité de la résidence. Cela inclut aussi les autres dettes, comme le prêt-auto et le crédit à la consommation.

Le test «de résistance» consiste, dans le calcul du ratio en question, à appliquer sur la dette hypothécaire un taux d’intérêt plus élevé de quelque 200 points de base (2%) que celui qui a été réellement accordé à l’acheteur. L’objectif est que l’emprunteur puisse honorer ses obligations au cas où les taux d’intérêt venaient à monter. Cela a eu pour résultat de réduire les sommes que pouvaient emprunter les acheteurs, donc parfois de réduire leurs ambitions.

Cette mesure a fait grand bruit. La première fois que j’ai abordé le sujet dans cette chronique, nos serveurs informatiques ont lâché. Elle a été introduite après de nombreuses tentatives infructueuses d’atténuer la surchauffe de l’immobilier, notamment à Toronto et à Vancouver. Cette effervescence, qui n’a pas épargné Montréal, a été alimentée par des taux d’intérêt très bas.

Quand les taux sont au plancher, on peut emprunter davantage, ce qui accroît la demande, favorise la surenchère et fait monter les prix de l’immobilier, jusqu’au point où les maisons deviennent inabordables. Cela nourrit aussi la conviction que les prix peuvent grimper à l’infini.

L’augmentation du niveau d’endettement est une autre des conséquences de cette dynamique. Le taux d’endettement des ménages canadiens (170% en ce moment) ne m’a jamais énervé autant que l’ont été certains collègues et observateurs, il exprime bien plus la maigreur des taux d’intérêt qu’un appétit boulimique pour le crédit.

Toutefois, un niveau élevé d’endettement devient inquiétant dans un contexte où montent les taux d’intérêt. C’est d’ailleurs pourquoi la Banque du Canada opère la remontée avec une certaine délicatesse tout en multipliant les appels auprès des Canadiens pour qu’ils réduisent leurs dettes. Une hausse brutale serait douloureuse autant pour les ménages que pour l’économie de manière générale.

C’est donc là qu’on est en ce moment. À Montréal, les prix poursuivent allègrement leur ascension. Toronto et Vancouver figurent parmi les villes du monde où il coûte le plus cher se loger. Il faut être millionnaire pour y acquérir la moindre bicoque. Toutefois, ces marchés ne sont plus aussi bouillonnants. Même qu’ils reculent un peu sous l’effet des mesures du BSIF et des taxes imposées aux acheteurs étrangers non résidents. Il se produit en ce moment ce qu’on espérerait, une sorte de dégonflement.

Dans la deuxième moitié de 2018, les ventes ont considérablement diminué sur les deux marchés immobiliers les plus chauds du pays. Des baisses de prix ont été observées au cours des derniers mois de l’année. Quelque temps encore comme ça et le marché pourra redevenir accessible à la frange de la population qui cogne aux portes du marché sans en avoir les moyens.

Tout ça ne plaît pas aux prêteurs, sans doute moins encore aux courtiers, qui font des affaires dans ces marchés. Ils soutiennent que le test de simulation de crise est devenu trop sévère dans un contexte où la probabilité d’assister à une montée significative des taux d’intérêt s’est amenuisée.

Ils plaident pour un allègement des critères, pour une réduction de l’écart entre le taux consenti aux acheteurs et celui imposé par le test de simulation de crise, donc pour une plus grande capacité d’emprunt pour dynamiser des marchés, Toronto et Vancouver, à bout de souffle.

Ils militent pour plus d’endettement dans un contexte où les taux ont plus de chances de monter que de descendre.

Le BSIF défend sa mesure. On se range sans hésiter de son côté. 

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