(Photo: Venveo pour Unsplash)
ESPACES DE TRAVAIL. Ils sont censés favoriser la collaboration et l’innovation en facilitant les échanges impromptus entre collègues. Cependant, à mesure que les espaces de travail gagnent en popularité, de plus en plus d’études scientifiques font ressortir leurs effets négatifs sur le bien-être et la productivité des employés.
En raison du bruit, du manque d’intimité et des interruptions fréquentes, les employés auraient de la difficulté à se concentrer et éprouveraient moins de satisfaction au travail, selon les recherches. Et plus ils sont nombreux dans une même aire de travail, plus ils prendraient de congés de maladie.
Malgré cela, des entreprises prévoient encore faire travailler des dizaines de personnes dans un espace complètement ouvert. Cet aménagement paraît attrayant sur le coup. « Ça ressemble à un bistrot parisien… avec le niveau sonore qui vient avec. Le bruit peut vite devenir insoutenable », observe Vincent Hauspy, designer industriel et associé de la firme d’architecture et de design intérieur Provencher Roy.
Sébastien Leduc, vice-président produits chez GSOFT, en sait quelque chose. « À 10 personnes, ça allait bien, mais à 40, nous avons eu de gros problèmes. »
L’entreprise de génie logiciel compte aujourd’hui 220 employés et en est à son troisième agrandissement. Chaque fois, elle a apporté des améliorations pour diminuer les nuisances sonores non seulement dans la nouvelle partie, mais aussi dans les précédentes. Si bien qu’elle désigne maintenant son lieu de travail comme un « open space fermé ».
Hybride, c’est mieux
La solution ? Un modèle hybride qui comporte à la fois des espaces ouverts, fermés et semi-fermés. Les équipes sont réparties dans ce que GSOFT appelle ses « G-docks », des sections de travail qui sont délimitées par des cloisons vitrées et des murs en gypse et qui sont adaptées à leurs besoins spécifiques.
Ainsi, l’équipe de vente, qui passe beaucoup de temps au téléphone, travaille dans un espace de type aquarium, vitré et fermé, qui peut accueillir huit personnes et ne laisse pas passer le son. Les développeurs, qui ont besoin de beaucoup de concentration, occupent des G-docks semi-fermés de 12 personnes dont deux murs sont insonorisés avec de la mousse acoustique. Quant aux employés du marketing, qui interagissent beaucoup entre eux, ils travaillent à 24 dans un G-dock plus ouvert. Partout, il y a des cloisons de verre. « Quand les gens se voient, ça favorise la collaboration », soutient Sébastien Leduc.
C’est aussi pour cette raison qu’Ubisoft, qui est en train de rénover son édifice principal du boulevard Saint-Laurent et d’agrandir ses bureaux de l’avenue de Gaspé, n’a pas l’intention de renoncer à ses espaces ouverts.
« On tient au contact visuel, mais on réfléchit à la possibilité d’installer quelques postes munis de cloisons à même les espaces de travail ouverts, dit Isabelle Déry, chef d’équipe environnement de travail. Il s’agirait de postes flexibles pour qu’on puisse reconfigurer l’espace au gré des besoins. En phase de production, par exemple, ces postes pourraient être utiles aux programmeurs qui ont besoin de concentration et de confidentialité. »
Des coins pour se réunir ou s’isoler
Ubisoft compte plusieurs zones de collaboration à l’extérieur des aires de travail. « C’est nécessaire qu’elles soient en retrait, sinon on se retrouve avec des gens qui font un meeting informel à côté des bureaux », dit Isabelle Déry.
GSOFT l’a appris à ses dépens. Ses premiers G-docks étaient dotés d’un espace réunion. « C’était bon en théorie, mais pas en pratique, admet Sébastien Leduc. La plupart du temps, il n’y avait que trois ou quatre personnes en réunion. Ça dérangeait les autres occupants. »
L’entreprise a donc converti les zones de réunion en petites « maisons » comportant quatre murs et un toit. « Pour absorber le son, il y a du tapis au sol, ainsi que du feutre au plafond et sur un mur », décrit M. Leduc. Les employés disposent aussi de plusieurs isoloirs pour les tâches qui exigent une grande concentration.
Les aménagements ouverts permettent un usage plus judicieux des espaces de réunion, selon Vincent Hauspy. « Les entreprises ont trop de salles de réunion d’une capacité de 10 personnes. L’idée, c’est de récupérer ces pieds carrés sous-utilisés pour faire davantage de petites salles. »
Par ailleurs, « la mécanique exposée au plafond et les sols en béton, c’est tendance, mais ça amplifie le bruit », ajoute le designer. Pour améliorer l’insonorisation, on peut considérer plusieurs solutions : tapis dans les zones de circulation, mousse giclée au plafond, panneaux de plafond acoustiques, système de masquage électronique (bruit blanc), etc.
GSOFT, pour sa part, a doublé l’épaisseur de gypse des murs et des cloisons. De plus, les prises électriques ne communiquent pas de part et d’autre des murs. Pas question, toutefois, de renoncer à la rampe de skate. « Ça fait du bruit, mais c’est un symbole important pour nous, dit Sébastien Leduc. Quand même, on a une règle tacite : on l’utilise seulement après 17 h. »