Le transporteur ferroviaire montréalais jouit d'une bonne réputation, mais il a connu quelques difficultés dans les dernières années. (Photo: 123RF)
ANALYSE. Une des stratégies pour faire un bon coup à la Bourse est de naviguer à contre- courant. Une société boudée par le marché peut cacher une belle occasion, à condition que la majorité ait tort.
À la recherche d’idée d’investissements à contre-courant, l’équipe d’analystes de BMO Marchés des capitaux a passé en revue les sociétés en désamour qu’elle suit. Du lot, elle a relevé dix sociétés qui ne mériteraient pas le désintérêt des experts. L’une d’elles a attiré notre attention : le Canadien National (CNR, 126,85 $).
Le transporteur ferroviaire montréalais jouit d’une bonne réputation, mais il a connu quelques difficultés dans les dernières années. Un problème d’engorgement sur son réseau a entraîné le départ de son PDG, Luc Jobin, au printemps 2018. Son successeur Jean-Jacques Ruest a réussi à redresser la barre tandis que la société a réalisé d’importants investissements. En même temps, la faiblesse de la demande industrielle a entraîné une diminution des volumes de biens transportés pour tous les acteurs de l’industrie.
En abaissant sa recommandation à « conserver » à la fin janvier, Seldon Clarke, de Deutsche Bank, a joint l’opinion majoritaire. Des 19 analystes qui suivent le titre, seulement cinq en suggèrent encore l’achat, selon une recension de Reuters. M. Clarke anticipe une reprise au cours de la deuxième moitié de l’année, mais il croit que le Canadien Pacifique (CP, 361,67 $) et Union Pacifc (UNP, 185,09 $ US) sont mieux positionnés pour en profiter.
L’analyste juge que le CN profitera d’un moins grand effet de levier d’exploitation, soit la part des nouveaux revenus qu’elle parvient à convertir en bénéfice. Il note que son rendement sur le capital a diminué à un moment où le CN a investi des montants record dans son réseau et a fait l’acquisition de l’entreprise de camionnage TransX.
L’opinion contraire
Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, pense que ses collègues ont tort de bouder le CN. Il ne croit pas que la société soit arrivée au bout des optimisations de coûts qu’elle peut dégager. Il pense, au contraire, qu’elle peut encore améliorer ses marges de trois points de pourcentage grâce aux retombées des investissements qu’elle a réalisés au cours des trois dernières années.
Il pense que la croissance reprendra du tonus au cours de la deuxième moitié de l’année et en 2021. En plus de la reprise généralisée, de nouveaux contrats ont été signés, notamment avec la minière Teck Resources.
M. Chamoun ajoute que le cycle de dépenses élevées en capital est derrière l’entreprise. Cette baisse de cadence devrait permettre aux flux de trésorerie de bondir de 50 % en 2020, anticipe-t-il.
Pas si boudé que ça
Ces catalyseurs ne sont pas suffisants pour convaincre Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, d’accorder une recommandation d’achat. Il dit avoir confiance que la société ait encore les moyens de croître à long terme. Il pense toutefois que le titre est évalué à son juste prix.
Même impopulaire auprès des analystes, le titre de CN n’est pas encore une aubaine à 19,67 fois les prévisions de bénéfices des analystes pour les 12 prochains mois, selon Reuters. Cameron Doerksen, de Financière Banque Nationale, souligne que cette évaluation se situe au-dessus de sa moyenne historique. Autrement dit, même sans enthousiasme des analystes, le marché semble déjà prévoir que le transporteur performera mieux que prévu.
Pour un investisseur qui se lance à long terme dans une entreprise bien gérée, ça n’a peut-être pas tant d’importance si l’horizon s’éclaircit. Pour un plus court voyage, il ne faut pas oublier de porter une plus grande attention au prix du billet.