Faut-il s’attendre à une nouvelle urgence sanitaire mondiale?
Le courrier des lecteurs|Publié le 19 janvier 2023Les Canadiens sont la troisième population la plus mobile à l’échelle internationale en termes de voyages aériens par habitant. (Photo: 123RF)
Un texte d’André Gerges, B.B.A, MPA, Mini-MBA, Ph.D., coordonnateur scientifique et chercheur associé (York University), professionnel de recherche (Université Laval), consultant en management et gestion de projets
Il semble que la COVID-19 (Virus SARS-CoV-2 et ses mutations) ne sera pas la dernière épidémie à grande échelle. Le prochain agent pathogène est juste au coin de la rue.
Au cours des deux dernières décennies, le monde a connu un nombre alarmant d’épidémies destructrices : SRAS, MERS, H1N1, Ebola, Zika et, bien sûr, COVID-19. Et même si la COVID-19 est là pour rester, elle ne provoquera pas toujours le niveau de perturbation que nous avons connu jusqu’à présent. Pourtant, si le passé récent est un indicateur de l’avenir, une autre épidémie majeure est prévue pour 2023 ou 2024, qui pourrait paralyser considérablement les voyages, les interactions sociales, l’économie et notre mode de vie. Au cours des 13 dernières années seulement, nous avons connu sept urgences sanitaires mondiales, telles que définies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette cadence, d’un événement tous les deux ans, a été assez constante, mais elle semble s’accélérer.
Plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans des villes, qui sont des lieux propices pour la propagation des virus. En même temps, nous n’avons jamais été aussi mobiles. Des milliards de personnes parcourent la planète chaque année. Les humains sont devenus par inadvertance des vecteurs de transmissions de microbes dangereux, et ce à une vitesse sans précédent. Ces nouvelles maladies sont principalement zoonotiques, c’est-à-dire qu’elles proviennent des animaux. Elles se transmettent aux humains parce que nous consommons en masse d’autres créatures et perturbons les écosystèmes. Vous vous souvenez peut-être qu’un marché de Wuhan, en Chine, a été le point de départ de la pandémie de COVID-19. Un autre exemple est le virus Nipah, une maladie transmise par les chauves-souris qui a été documentée pour la première fois chez les porcs domestiques. Ces dernières années, de nombreuses épidémies de Nipah ont touché des humains en Asie.
De nombreuses entreprises spécialisées en biotechnologies (épidémiologie, microbiologie, etc.) notamment des startups, anticipent, repèrent, surveillent et suivent les épidémies en utilisant l’analytique avancée et l’intelligence artificielle (IA) sous forme d’algorithmes et de plateformes de données. Selon certaines statistiques récentes dans le domaine, les Canadiens sont la troisième population la plus mobile à l’échelle internationale en termes de voyages aériens par habitant. Le Canada se définit comme un microcosme diversifié du monde. C’est une grande force, mais cela signifie aussi que nous sommes hyperconnectés aux risques sanitaires mondiaux. Nous partageons une frontière terrestre longue et poreuse avec les États-Unis, la plus grande source de voyages aériens internationaux au monde. Si un virus doit apparaître quelque part, ce sera probablement ici.
Les changements climatiques nous rendent également plus vulnérables aux épidémies. Les insectes pathogènes, comme les tiques et les moustiques, vivent dans de nouvelles régions. Les cartes climatiques du monde changent, tout comme celles des maladies infectieuses. Les microbes dangereux prospèrent également dans les populations qui manquent de logements et d’installations sanitaires. La disparité entre les nantis et les démunis se creuse, non seulement entre les pays, mais aussi à l’intérieur de ceux-ci. C’est ce qui s’est produit lors de la campagne COVID-19, lorsque des variantes sont apparues dans des populations ayant un accès limité aux vaccins.
Si une multitude de facteurs sont à l’origine de ce problème, cela signifie qu’il existe de nombreuses façons de l’aborder. En soins de santé, nous parlons souvent de prévention (primaire, secondaire et tertiaire). La prévention primaire consiste à empêcher l’apparition de nouvelles maladies. Au niveau individuel, une solution consiste à réduire notre consommation collective de produits d’animaux. À un niveau supérieur, il s’agit de respecter la vie sauvage et d’atténuer notre impact sur les écosystèmes. Si nous ne le faisons pas, nous verrons encore plus de virus se propager aux humains.
La prévention secondaire est une question de détection précoce. C’est ce que font plusieurs entreprises d’avant-garde : elles identifient les premiers signes d’épidémies avant même qu’elles ne soient largement diffusées, grâce à des innovations technologiques (transformation numérique et meilleures pratiques). Les entreprises peuvent être une force incroyable de changement dans ce domaine en protégeant la sécurité de leurs travailleurs. Les décideurs (publics, parapublics et privés) aimeraient que davantage de prestataires de soins de santé exploitent les données analytiques produites par ces entreprises. Aucun clinicien ne peut suivre en permanence ce qui se passe aux quatre coins du globe. C’est là que les données entrent en jeu.
La prévention tertiaire consiste à atténuer l’impact d’une épidémie, ce qui peut être accompli en communiquant clairement au public des informations biomédicales complexes. Plus que jamais, les Canadiens doivent comprendre quels types d’actions sont appropriés, en fonction de la façon dont les virus sont (ou ne sont pas) en jeu dans leur région. En définitive, si nous voulons créer un monde plus résilient, nous devons être plus rapides, plus intelligents et mieux coordonnés. S’il y a quelque chose qui peut aller plus vite qu’une épidémie, c’est bien notre capacité à diffuser des connaissances par Internet.
Nous devons être capables de détecter les signes précurseurs de danger, de comprendre les risques et de mobiliser des réponses à la hauteur de la situation. Pour atténuer les effets de la prochaine épidémie, nous devons, en tant que particuliers, entreprises et gouvernements, investir dans la prévention et nous y consacrer. Si nous ne le faisons pas, nous risquons de nous retrouver au milieu d’une nouvelle épidémie, et bien plus tôt que nous ne l’aurions imaginé.