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Femmes autochtones: un pont économique et social

Mélanie Paul|Publié le 02 juillet 2021

Femmes autochtones: un pont économique et social

photo : Andrew Coelho pour Unsplash

BLOGUE INVITÉ. Traditionnellement chez les peuples autochtones, les femmes jouaient un rôle central dans les clans, et ce malgré les différences entre nations autochtones dont la plupart étaient matriarcales et matrilinéaires.

Les femmes avaient ainsi un rôle économique essentiel et leur travail était considéré comme complémentaire à celui de l’homme. Elles possédaient le pouvoir, exerçaient et contrôlaient la distribution des ressources en plus d’apporter une contribution majeure à la survie culturelle et physique de leur collectivité.

Malheureusement, aujourd’hui, lorsque je me rends sur les moteurs de recherche et que j’écris « femmes autochtones », les premières suggestions apparaissant sont celles de femmes qui ont disparu ou qui ont été assassinées.

Je suis en entrepreneuriat depuis plus de 20 ans, mais j’ai rarement entendu parler de belles réalisations accomplies par des femmes autochtones en affaires malgré l’existence de plusieurs modèles inspirants. Ce qui est remarquable, c’est que l’une de leurs premières motivations lorsqu’elles lancent leur propre entreprise, est leur désir de trouver une solution endogène au développement économique et à promouvoir le bien-être social de leur communauté.

L’étude sur l’entrepreneuriat autochtone en 2014 de Pearson et Daff révèle que les entrepreneures autochtones sont motivées par la création d’une nouvelle économie basée sur le partage de la culture autochtone et de leurs valeurs communautaires. Contrairement aux entreprises allochtones, la création d’une entreprise pour les autochtones est donc perçue comme un moyen d’émancipation pour leur communauté (Lituchy et autres 2006; Moyle et Dollard 2008; Wood et Davidson 2011).

Avec la perte d’identité et d’autonomie des autochtones provoquée par les pensionnats et la Loi sur les Indiens, il est compréhensible que la plupart d’entre elles souhaitent par-dessus tout contribuer à aider leur communauté. Ce qui démarque les entreprises féminines autochtones est donc l’interrelation entre leur raison d’être personnelle et professionnelle basée sur des valeurs profondes d’entraide, de partage et de solidarité afin de redonner à leur communauté.

 

Embûches

Encore aujourd’hui, plusieurs obstacles se dressent sur le chemin de celles qui souhaitent se lancer en affaires, et ce tant au niveau personnel et socioculturel que structurel.

Au niveau individuel, c’est souvent le manque de soutien de leur famille, ainsi que l’absence de modèle et de formation scolaire qui rendent difficile leur démarrage. L’impact du changement des rôles hommes-femmes, beaucoup plus patriarcal, demeure aussi un frein majeur pour les femmes dans la perception de leur capacité à se lancer en affaires. Au niveau structurel, les manques de financement, d’accompagnement, ainsi que de connaissance des marchés et de la concurrence sont aussi des freins au démarrage de leur entreprise. L’éloignement de certaines communautés est également un handicap.

Finalement, au niveau socioculturel, en plus des différentes problématiques sociales présentes dans leur entourage, l’un des éléments importants qui limitent les femmes à se lancer en affaires, est leur vision du capitalisme par rapport à leur lien d’attachement au mode de vie et aux valeurs de la communauté, d’où le sentiment de vouloir porter une mission plus collective.

En effet, plusieurs personnes dans les communautés aujourd’hui ont encore de la difficulté à voir le lien entre le monde social et le monde économique. Faire des sous dans notre société a souvent été perçu comme quelque chose de «négatif», alors imaginez faire des sous dans un environnement où il y a encore une grande majorité de personnes de votre entourage qui vivent dans la pauvreté et où les différentes problématiques sociales dépassent la moyenne «normale».

Ayant personnellement travaillé dans le secteur des services sociaux pendant quelques années et étant aujourd’hui entrepreneure, je constate qu’investir dans un secteur sans tenir compte de l’autre n’aiderait en rien. 

La création d’entreprises et de partenariats autochtones est essentielle pour briser cette roue infernale qui perdure depuis trop longtemps avec la détresse sociale et la pauvreté. Les gens consomment de la drogue ou de l’alcool pour oublier et parce qu’ils consomment, ils ne sont pas aptes à se trouver un emploi. Si nous voulons réussir, il est primordial de comprendre cette interrelation afin de mieux soutenir et mettre en place des combinaisons de solutions qui permettront aux membres des Premiers Peuples d’adhérer à des emplois de qualités à travers lesquelles ils pourront retrouver une fierté, une identité et par le fait même s’épanouir et grandir.

C’est donc dans le respect de nos kukums (grand-mères) qui nous ont aussi transmis celui de la Terre-Mère que nous poursuivons nos missions de cœur en tant qu’entrepreneurs afin d’assurer la survie de notre culture et de nos communautés.