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Filière batterie: peu de PME sont prêtes à devenir fournisseurs

Dominique Talbot|Mis à jour le 13 juin 2024

Filière batterie: peu de PME sont prêtes à devenir fournisseurs

«Le plus gros défi des entreprises québécoises est de passer de petites à moyennes et de moyennes à grosses. C’est notre défi économique au Québec», affirme Stéphane Drouin, vice-président Achat québécois et développement chez Investissement Québec (Photo: Josée Lecompte)

Il n’y a pas assez de PME québécoises qui peuvent intégrer la filière batterie, avertit Investissement Québec. Si elles ne se modernisent pas rapidement, les milliards qui sont actuellement sur la table pourraient bien leur glisser des mains. Et pour éviter cela, elles doivent notamment réfléchir à des mouvements de consolidation.

«Au Québec, nous avons un retard de productivité, qui, malheureusement, se reconfirme avec tous les projets à venir. Ces grands projets-là vont nous échapper si on ne fait pas les bonnes choses», lance Stéphane Drouin, vice-président, Achat québécois et développement chez Investissement Québec.

Selon lui, les nouveaux grands donneurs d’ordre de la filière batterie, ainsi qu’Hydro-Québec avec ses investissements de 100 milliards d’ici 2035, ont une volonté réelle de maximiser leurs achats au Québec et de diminuer le risque de leurs chaînes d’approvisionnement en les rendant les plus courtes possibles.

Mais, «quand je parle aux gens de la filière batterie, je suis inquiet. En termes de capacité de production», confie-t-il en entrevue avec Les Affaires ainsi que dans une lettre ouverte publiée plus tôt mardi.

«Hydro-Québec me disait la semaine dernière qu’en mécanique lourde, pour les ponts roulants, les infrastructures internes au niveau des barrages, de l’opération des barrages, qu’ils avaient quatre gros fournisseurs au Québec. Les quatre ensemble ne peuvent répondre à la moitié de leurs besoins actuels», poursuit Stéphane Drouin.

Ce dernier insiste pour souligner que les PME québécoises bénéficient d’une fenêtre de 12 à 36 mois avant que les usines de la filière batterie ne lancent leurs productions.

«Plus on attend, et plus la barrière à l’entrée deviendra haute», dit Stéphane Drouin

«Il y a une responsabilisation des entreprises qui est nécessaire. Il ne s’agit pas de tendre la main et les contrats vont tomber. Les PME doivent se demander ce qu’elles doivent faire pour aller chercher ces opportunités», affirme-t-il. «Et ce sont les PME qui devront s’ajuster au niveau et aux normes demandés par les grandes entreprises de la filière. Elles devront aussi se montrer capables en plus de fournir les volumes requis, d’aller chercher les certifications nécessaires.»

«Les contrats vont venir à vous si vous rencontrez les règles demandées (capacité, productivité, certification). Si vous voulez être dans la filière batterie: batteries égales véhicules, véhicules automobiles également normes IATF. Si vous n’êtes pas certifiés IATF, vous ne pourrez pas intégrer la filière batterie. C’est aussi simple que ça», explique-t-il.

 

«Ouverture d’esprit» et consolidation

Contrairement à la filière aéronautique, qui s’est construite sur une période de 30 ans, la filière batterie, elle, se construira sur un horizon de 3 à 5 ans, rappelle le vice-président d’Investissement Québec. Et ce qui a fait la richesse du Québec depuis plusieurs décennies, soit son réseau de dizaines de milliers de PME, pourrait bien devenir son «boulet» en cette période où les investissements à venir dans la province se comptent en dizaines de milliards de dollars.

«Le plus gros défi des entreprises québécoises est de passer de petites à moyennes et de moyennes à grosses. C’est notre défi économique au Québec. Sinon, on ne fera plaisir qu’à nous», insiste Stéphane Drouin.

Autrement dit, le modèle actuel doit trouver les moyens définir de nouvelles perspectives afin d’amener les PME dans ces nouveaux cycles d’investissements pour que les fournisseurs de la filière batterie et des grands projets d’Hydro-Québec restent locaux. Pour bien des entreprises, le moment des décisions difficiles et des rapprochements avec les concurrents pourrait bien être venu.

«Je parle de consolidation, de fusion, d’intégration verticale. En plus d’augmenter la capacité. Il y a pleins d’éléments qui sont possibles de faire. Mais il y a un plan de match à mettre en place», avance Stéphane Drouin.

«Il faut agrandir la masse critique de nos entreprises pour répondre aux occasions à venir. Et oui, les consolidations en font partie. Tout le monde doit avoir l’ouverture d’esprit de regarder dans ces directions.»