Fitzgibbon: aider les entreprises à financer davantage la R-D
François Normand|Édition de la mi‑mai 2019Au Québec, 57 % des entreprises font de la R-D et en financent 44 % de leur poche. (Photo : Getty Images)
SPÉCIAL 500: LA R-D. La R-D est cruciale pour la prospérité des entreprises et de l’ensemble de l’économie, car elle permet d’innover et de stimuler la croissance. C’est pourquoi tous les gouvernements veulent la soutenir et la valoriser, et le gouvernement de François Legault ne fait pas exception. Pour mieux comprendre les intentions de Québec dans ce domaine, nous avons interviewé le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon.
FRANÇOIS NORMAND – Les efforts du Québec en R-D sont-ils suffisants ?
PIERRE FITZGIBBON – En matière de poids dans l’économie canadienne, le Québec performe bien. Par exemple, les dépenses en R-D industrielle représentent 1,26 % du PIB québécois, comparativement à 0,89 % pour l’ensemble du pays, et à 1,04 % en Ontario.
L’enjeu est important, car il y a une corrélation entre la R-D et la productivité, qui est une priorité pour notre gouvernement. Or, malgré ces dépenses en R-D, quand je regarde uniquement la productivité des entreprises, un écart se creuse depuis 10 ans entre le Québec et l’Ontario, de même qu’entre le Québec et le reste du Canada. Pourquoi ? Parce qu’il y a un sous-investissement des entreprises dans les équipements, les technologies numériques ou le manufacturier 4.0. Le problème tient au fait que le gouvernement finance la majorité de la R-D au Québec. Ainsi, dans la province, 57 % des entreprises s’occupent de R-D et en financent 44 % de leur poche. Or, dans les pays les plus innovants de l’OCDE, les trois quarts des entreprises s’en chargent et la financent à quelque 60 %.
FN – Qu’est-ce que votre gouvernement peut faire pour convaincre les entreprises d’investir davantage de leurs propres capitaux en R-D ?
P.F. – Cela passe notamment par un renforcement des programmes d’assistance d’Investissement Québec destinés aux sociétés. Ces programmes permettent d’accélérer par exemple leur numérisation et de favoriser le virage 4.0, dans le cas des entreprises manufacturières.
Pour consulter notre classement des 500 plus grandes entreprises du Québec, cliquez ici.
Aussi, il faut davantage de ressources humaines sur le terrain pour sensibiliser les 250 000 PME du Québec au fait qu’il existe des outils et qu’elles peuvent les utiliser afin d’automatiser leur processus, par exemple. Cela dit, je ne pense pas qu’il y ait plus de 20 % des entreprises qui sont prêtes à investir dans la robotisation. Il faut par contre les trouver et leur expliquer les bénéfices à le faire.
Pour inciter davantage d’entreprises à investir en R-D, je suis prêt aussi à ce qu’Investissement Québec prenne beaucoup plus de risques, mais dans la mesure où il y aura des redevances pour l’ensemble des contribuables québécois. Si un projet fonctionne et que l’entrepreneur fait de l’argent, le gouvernement peut se rembourser. La clé, c’est de partager davantage les risques.
On peut aussi convaincre plus d’entreprises de faire de la R-D avec des avantages fiscaux. Cela dit, je pense honnêtement que le Québec est pas mal dans le mille sur le plan fiscal. Nous avons des crédits fiscaux pour la R-D. Certes, on peut les améliorer, mais je pense qu’ils sont adéquats. Notre gouvernement a même augmenté la période d’amortissement pour les équipements qui permettent d’innover.
F.N. – En Allemagne, l’Institut Fraunhofer, spécialisé dans la recherche appliquée, est le fer de lance de la R-D allemande, car il réalise notamment des mandats pour les entreprises. Votre gouvernement semble vouloir s’en inspirer pour stimuler la R-D dans le secteur privé. Comment ?
P.F. – J’ai récemment discuté de cet enjeu avec Denis Hardy, PDG du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), une société d’État vouée à la recherche et à l’innovation industrielle. Je vois le CRIQ comme le Fraunhofer manufacturier pour le Québec. Dans cette optique, les chercheurs du CRIQ pourraient nous aider davantage à améliorer la productivité des usines. Le CRIQ le fait déjà. Par exemple, à Québec, les entrepreneurs peuvent venir voir dans leurs locaux les équipements robotiques que les entreprises peuvent utiliser pour améliorer leur efficacité. L’idée est d’étendre systématiquement ce concept à d’autres régions du Québec, et aussi dans d’autres domaines, comme les sciences de la vie.
F.N. – La commercialisation de la recherche est un autre enjeu important. Le Québec abrite plusieurs organismes à cet effet, comme Univalor. Mais il faut en faire plus, selon des spécialistes. Que compte faire votre gouvernement ?
P.F. – L’effort de commercialisation est l’enjeu le plus important dans la R-D. Cela dit, nous n’annoncerons pas de nouveaux programmes spécifiques à ce sujet. Par contre, nous avons quand même bonifié le programme ESSOR (qui appuie les projets d’investissement dans une perspective d’accroissement de la compétitivité et de la productivité, de la création d’emplois et de développement durable). Nous avons aussi augmenté la capitalisation d’Investissement Québec de 1 milliard de dollars. Car, pour plusieurs entreprises, le frein à leur croissance n’est pas le manque d’habileté à commercialiser une innovation, mais plutôt le manque de ressources financières pour faire des études de marché. On espère tous que la R-D soit faite avec une certaine compréhension du marché, et la plupart des entrepreneurs le font intuitivement. Mais aujourd’hui, en raison de la sophistication des marchés et de la compétition internationale, il faut être plus discipliné sur le plan de la commercialisation.
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