(Photo: Gabrielle Henderson pour Unsplash)
BLOGUE INVITÉ. Beaucoup trop de fondateurs de PME oublient que le travail de leur avocat est principalement de les conseiller et aviser de différents risques — non pas de prendre les décisions à leur place.
Que ce soit lors d’une ronde de financement ou même d’un litige, si vous n’êtes pas en mesure de bien gérer vos avocats, il est fort possible que le processus dérape, que ce soit en matière d’honoraires ou même de la conclusion de l’affaire. Et vous savez quoi? La plupart du temps, ce qui vous coûte le plus cher, ce n’est pas les frais de justice ou le mauvais travail de votre avocat.
Selon mon expérience, ayant dépensé au-delà de 1 million de dollars en frais juridiques dans les dix dernières années, ce qui m’a coûté souvent très cher, trop cher, c’est que mes avocats faisaient souvent trop bien leur travail! Oui vous avez bien lu. Dans certains cas, trop bien effectuer son travail est le problème.
Bon, je m’explique. Voici un exemple concret lorsque mon avocat a fait un super travail pour défendre mes «droits», mais il a tué une transaction!
Après avoir vendu l’une de mes premières entreprises, j’ai eu la chance d’avoir un peu de capital et de pouvoir investir dans une entreprise à fort potentiel dans laquelle je croyais beaucoup et pour laquelle j’avais un intérêt afin de prendre la relève du fondateur. Celui-ci était un peu de la vieille école et il m’a mentionné que le plus important pour lui était que le processus soit simple. Il me raconta alors qu’il avait signé plusieurs de ses meilleures transactions «sur un menu papier de restaurant». Cela donne le ton!
J’ai alors embauché un jeune avocat ambitieux d’un bon cabinet qui a rédigé une lettre d’offre détaillée et l’a envoyée. L’offre principale était juste, mais mon avocat avait mis en place une foule de dispositions agressives et il a négocié fermement chaque demande mineure du propriétaire de l’entreprise. La réponse du fondateur fut claire: on laisse tomber, oublie ça!
Rien de ce que mon avocat a mis dans les documents n’était illégal ou même immoral, mais c’était considéré comme insultant pour le vendeur. Cela lui a donné l’impression que je ne lui faisais pas du tout confiance. Par conséquent, il a choisi un autre partenaire qui a fait une fortune dans les années suivantes.
Préserver la relation
Après réflexion et pour être extrêmement clair, cet avocat n’avait pas du tout saisi le contexte de la transaction et a tenté de m’obtenir le maximum, même si cela risquait de tuer la transaction. Le principal problème de son approche est qu’il avait rédigé les documents comme si cette entreprise était un rival en mauvaise position qui avait besoin de moi, au lieu de me montrer comme un partenaire potentiel.
Pour ma seule défense, j’étais dans la vingtaine et je n’avais pas réellement d’expérience en tant qu’investisseur. Je n’avais donc pas les capacités de bien encadrer la rédaction des documents. Par conséquent, j’ai laissé mon avocat diriger le processus, à mon détriment. J’avais une confiance inébranlable en son savoir et sa compétence, mais en oubliant aussi que dans toute négociation, au-delà du juridique et de l’argent, les mots et les sentiments jouent un rôle important. Nos avocats rédigent des contrats dans un langage juridique qui semble souvent avoir été écrit pour qu’on n’y comprenne rien.
Mon avocat a défendu mon avantage à chaque occasion, toujours aux dépens de ce partenaire potentiel. Honnêtement, je ne comprenais pas la valeur de toutes les demandes. Et avec raison, le fondateur fut offensé. J’ai appris à ce moment-là que c’était de la folie de suivre aveuglément tous les conseils de mes avocats. Ils ont écrit les documents, mais c’était à moi de faire passer le message et prendre les décisions. Pas eux!
Cet accord manqué a été une expérience formatrice et a façonné la façon dont je gère maintenant toutes mes transactions et relations juridiques. Aujourd’hui, je suis entouré d’excellents avocats dans toutes mes transactions, mais ce n’est pas eux qui décident en fin de compte. Ils sont là pour me conseiller et me guider. Dans 90% du temps, je les écoute. Mais lorsque ma voix intérieure de fondateur me dit qu’ils vont trop loin ou que ce n’est pas la bonne décision, je tranche.
De nos jours, alors que conclure une ronde de financement est plus difficile que jamais, je voudrais vous prodiguer un conseil: surveillez de près vos avocats!
Trop souvent, les jeunes avocats essaieront également de se faire un nom et feront pression pour obtenir le maximum pour leurs clients.
De manière générale, cela semble la bonne approche et ce qu’on souhaite de son avocat! Mais rappelez-vous qu’en fin de compte, c’est vous qui possédez la relation. Les tactiques juridiques agressives se répercuteront finalement sur vous, pas sur votre avocat qui passera à un autre dossier une fois que celui-ci sera complété.
En fin de compte, l’important c’est de prendre les bonnes décisions pour vous-même, votre équipe et votre entreprise. Vous devez être ferme et vous battre pour ce que vous voulez.
Voici quelques conseils que je proposerais aux fondateurs qui gèrent pour la première fois un avocat et des négociations avec des enjeux élevés.
Ayez une entente claire
Vous avez reçu une lettre d’offre d’un investisseur qui comporte de multiples conditions et vous souhaitez mandater votre avocat pour tous les aspects juridiques de cette transaction? Montrez-lui votre lettre d’offre et demandez-lui une estimation des honoraires qu’il prévoit consacrer au dossier. Si le prix a du sens pour vous (idéalement, n’hésitez pas à mettre quelques avocats en compétition), avisez par écrit votre avocat que vous souhaitez être averti lorsqu’il atteindra la moitié des honoraires convenus. Cela pourra vous éviter des dérapages et une facture surprise!
Renseignez-vous
S’il y a un point dans vos documents que vous ne comprenez pas, demandez à votre avocat de l’expliquer. Ne soyez pas gêné de ne pas tout savoir. Cela vaut vraiment la peine, peu importe le taux horaire de l’avocat. Vous allez ainsi développer vos compétences juridiques et faire des économies dans une prochaine transaction en ayant bien cerné les différentes clauses. Une fois que vous avez mieux compris le point, essayez de comprendre l’impact de cette clause sur l’autre partie.
L’importance de l’empathie en négociation
L’empathie est un élément qui est souvent oublié par les avocats. Trop souvent, ils vont prendre une position ferme — dans le but de vous avantager. Mais en négociation, l’empathie est cruciale pour être en mesure de trouver un juste milieu où tous se sentent confortables.
Fermez les yeux et imaginez-vous dans la peau de l’autre partie. Si vous vous sentez inconfortable à propos d’un point juridique qui, selon vous, pourrait causer des problèmes, prenez le temps de discuter du potentiel problème avant que les avocats de votre investisseur ne le révisent.
Donnez du temps
Les partenaires qui travaillent de bonne foi peuvent surmonter la plupart des différends équitables si le temps est correctement géré. En revanche, rien de pire que des demandes anodines qui sont ajoutées à la toute fin d’un processus ou encore tenter de mettre trop de pression.
Restez alerte!
Si vous sentez que vous avez besoin d’un document juridique à toute épreuve avec toutes les éventualités énoncées et des couches et des couches de dispositions de protection, est-ce peut-être un signe que vous ne voudrez peut-être pas travailler avec cet investisseur? Parfois, les avocats tentent de vous prévenir d’une tempête de sable, au Québec, en plein hiver. Est-ce que cela pourrait un jour arriver? Peut-être… Mais voulez-vous vraiment avoir des clauses comme celle-ci dans votre négociation et payer le taux horaire pour la rédiger?
Bien s’entourer
Je ne veux en aucun cas minimiser l’importance des avocats. Au contraire. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être accompagné depuis plusieurs années par la même équipe juridique avec qui j’ai une grande complicité et confiance. Ils m’ont souvent fait épargner des centaines de milliers de dollars et plusieurs de leurs conseils m’ont permis d’éviter des litiges.
Les avocats jouent un rôle essentiel et aident à uniformiser les règles du jeu entre les fondateurs et les investisseurs. N’hésitez donc pas à trouver les meilleurs avocats que vous pouvez et ne craignez pas non plus de payer le prix pour être bien accompagné.
Cela dit, rappelez-vous qu’ils sont vos agents et que vous êtes maîtres de votre destinée. Trop se fier à son avocat durant les négociations avec comme résultat l’échec de la transaction peut nuire à votre réputation et vous coûter des sommes astronomiques. J’ai certainement appris cela à la dure.