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Fonderie Horne: que fera le prochain gouvernement?

Le courrier des lecteurs|Publié le 24 août 2022

Fonderie Horne: que fera le prochain gouvernement?

(Photo: 123RF)

Un texte d’André Gerges, B.B.A, MPA, Mini-MBA, Ph.D., coordonnateur scientifique et chercheur associé (York University), professionnel de recherche (Université Laval), consultant en management et gestion de projets


COURRIER DES LECTEURS. L’usine de Rouyn-Noranda, qui est en activité depuis 1927 et emploie environ 650 personnes, a suscité de vives inquiétudes dans la région après que des études scientifiques ont montré que les habitants de la ville présentaient des taux de cancer du poumon plus élevés que la moyenne provinciale.

Propriété de la société suisse Glencore, la fonderie est actuellement autorisée à émettre 100 nanogrammes d’arsenic par mètre cube d’air (100 ng/m3), soit trente-trois (33) fois la norme provinciale. La fonderie n’est pas la seule à bénéficier d’un droit de polluer au-delà des normes. Au total, le gouvernement du Québec a signé des ententes (autorisations ministérielles ou attestations d’assainissement) avec 89 entreprises, mais le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) prévoit que leur nombre pourrait s’élever à terme à 250.

On sait depuis longtemps — mais les gouvernements provinciaux et fédéraux successifs l’ont ignoré — que les procédés utilisés dans cette usine rejettent dans l’air des tonnes de métaux lourds à des niveaux dépassant de loin les normes environnementales établies. Cela en fait l’une des usines les plus polluantes au Québec, voire au Canada. La première étude sérieuse sur les matières toxiques qu’elle émet a été réalisée en 1975 et la communauté de Rouyn-Noranda s’est mobilisée à de nombreuses reprises pour exiger la fin de ces émissions incontrôlées. 

Les résidents de Rouyn-Noranda sont en colère parce que le gouvernement du Québec a déjà fait mention du fait qu’une exposition au-delà du 15 ng/m3 représentait un risque pour les femmes enceintes et pour les enfants à naître. Cinquante (50) médecins locaux ont signé une lettre ouverte demandant aux autorités sanitaires d’agir immédiatement pour diminuer les émissions d’arsenic et d’autres métaux lourds de la fonderie au niveau de la norme provinciale. 

Des études récentes menées par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ont estimé que si la concentration d’arsenic dans les émissions de la fonderie n’était pas réduite, entre un (1) et quatorze (14) résidents supplémentaires développeraient un cancer du poumon d’ici 2040. 

Les écarts substantiels enregistrés suggéraient que les émissions d’arsenic et d’autres métaux lourds (nickel, dioxyde de sulfure, lead et cadmium) de la fonderie Horne étaient responsables des graves problèmes de santé dont souffre la population de la ville. Les statistiques effrayantes, qui n’ont été rendues publiques qu’en mai 2022 après avoir été supprimées pendant plus de deux ans et demi, sont les suivantes: 

  • Un nombre largement plus élevé de naissances à faible poids;
  • Une espérance de vie nettement inférieure à la moyenne québécoise, jusqu’à cinq (5) ans de moins dans les quartiers proches de la fonderie;
  • 50 % de cas de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC);
  • Un taux de cancer du poumon de 140,3 cas pour 100 000 habitants entre 2013 et 2017, contre 107,7 pour l’ensemble de la province, alors que le taux de tabagisme est resté à peu près le même. 

Ce qui est le plus troublant dans cette affaire, c’est que selon la directrice générale du Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue (CREAT), il manque de transparence dans l’exercice de consultation publique mené par le gouvernement. La documentation était uniquement disponible à la bibliothèque municipale et il fallait la consulter sur place avec interdiction de faire des copies dans le but de décourager la participation à cette consultation. 

La contamination de Rouyn-Noranda par Glencore est l’un des nombreux exemples de la subordination des besoins sociaux fondamentaux au profit capitaliste, avec des conséquences dévastatrices pour l’environnement et la vie de millions de personnes. Pour ne citer que trois des exemples les plus notoires: 

  • En Ontario, la communauté Anishinabe de Grassy Narrows a été contaminée au mercure par Dryden Chemical, une entreprise de pâtes et papiers qui a déversé des tonnes de ce produit chimique toxique dans la rivière English-Wabigoon entre 1962 et 1970. Environ 90 % des membres de la communauté présentent des symptômes physiques d’empoisonnement au mercure. 
  • Au Japon, au moins 75 000 personnes ont développé des symptômes d’empoisonnement au méthylmercure après que le fabricant de produits chimiques Chisso a déversé des milliers de litres d’eau non traités dans la baie de Minamata entre 1951 et 1968. 
  • À Flint, dans le Michigan, le passage à une eau mal traitée provenant de la rivière polluée Flint en 2014 a entraîné une lixiviation du plomb dans l’eau potable de la ville, empoisonnant 80 000 habitants. Aucun des politiciens responsables de la catastrophe n’a été poursuivi. 

En marge des prochaines élections provinciales du 3 octobre, certains partis politiques promettent d’exiger à la fonderie une cible de 3 ng/m3 dans un délai de 4 ans avec comme cible intermédiaire 15 ng/m3 dès la première année. Face à cette réalité, plusieurs questions se posent. La CAQ ou n’importe quel parti politique porté au pouvoir sont-ils prêts à sacrifier les prochaines naissances et la santé publique des résidents de Rouyn-Noranda au nom des profits d’une multinationale étrangère multimilliardaire pour des considérations politiques notamment électorales? Au moment d’écrire ce texte, le sujet s’annonce incontournable dans cette circonscription.