Fonds vert: une réforme de structure qui mène à l’arbitraire
Jean-Paul Gagné|Édition de Décembre 2019(Photo: 123RF)
CHRONIQUE. Beaucoup de travail attend le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette.
D’une part, il est maintenant acquis qu’il reportera en 2020 la présentation de son «plan détaillé» sur le recyclage du verre et la consigne élargie des contenants à usage unique. Le gouvernement Legault se bat contre une armée de lobbyistes qui défendent le statu quo. Pourtant, la consigne pêle-mêle, qui date de 1984, est inefficace.
L’autre défi du ministre Charette est la défense et l’adoption de son projet de loi 44 «visant la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l’électrification». Le mot «efficace» est étonnant dans cette dénomination, car la gouvernance proposée conduira plutôt à l’arbitraire politique dans l’utilisation et la distribution des sommes dirigées vers le Fonds vert, qui sera rebaptisé Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC).
Le Fonds vert a été créé en 2006 pour promouvoir le développement durable et lutter contre les changements climatiques. Malheureusement, il a aussi servi à financer plusieurs projets incompatibles avec sa mission, comme le remplacement d’un avion au bénéfice d’Air Inuit et l’installation d’ailettes sur des avions d’Air Canada. Sa mauvaise gestion a été dénoncée avec virulence par le Vérificateur général du Québec (VG) et le commissaire au développement durable.
Le gouvernement Couillard a voulu, en 2017, y mettre de l’ordre en créant deux organismes : le Conseil de gestion du Fonds vert (CGFV) et Transition énergétique Québec (TEQ), qui ont été dotés de leur propre CA.
En réalité, le CA du CGFV a peu à dire dans de nombreux projets que 13 ministères peuvent autoriser et faire financer par le Fonds vert, ce qui ouvre la porte à des décisions qui ne sont pas toujours cohérentes avec sa mission. De plus, le CGFV reconnaît l’existence de désaccords avec le ministère de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques (MELCC) sur leurs rôles et responsabilités respectives.
Le bilan de TEQ, qui gère plusieurs programmes de conversion et d’efficacité énergétiques, est positif. TEQ fait valoir que ses programmes ont généré «une réduction de GES équivalant à 60 % de l’effort du Québec dans le domaine, pour moins de 18,5 % du budget du Fonds vert».
Il est troublant que le Fonds vert n’ait pas été audité par le VG du Québec depuis deux ans. Selon le VG, le MELCC est incapable de produire les rapports comptables dont il dit avoir besoin pour faire son travail. Il n’est pas rassurant que le gouvernement veuille maintenant confier à ce ministère la gestion du FECC, alors qu’il s’est montré incapable de faire une véritable reddition de compte sur l’administration de l’actuel Fonds vert, qui aurait reçu plus de 4 milliards de dollars jusqu’à maintenant.
L’étonnante réforme proposée
La réforme proposée est plus une réforme de structure que de gouvernance. Le gouvernement donne un rôle accru au ministre Charette, qui aura à proposer une nouvelle «politique cadre sur les changements climatiques». De plus, le gouvernement confie au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) le mandat de préparer un «plan directeur de transition, innovation et efficacité énergétiques».
Une véritable réforme de la gouvernance, comme l’annonce le projet de loi, aurait consisté à clarifier les responsabilités du CGFV et à conserver TEQ, dont l’efficacité est reconnue. En confiant à deux ministres la gestion du FECC et les programmes de TEQ plutôt qu’à des entités dotées d’une gouvernance solide et aptes à gérer des programmes à distance du pouvoir politique, le gouvernement ouvre davantage la porte aux influences de toutes provenances. Par ailleurs, chaque ministre aura son comité-conseil, dont le rôle sera en réalité très limité. C’est un retour à la structure de 2006, qui a permis le dérapage que l’on sait et le financement de projets discutables.
Il est étonnant que la gestion des programmes de TEQ soit détachée du MELCC et confiée au MERN. Si on veut être cohérent sur le plan de la protection de l’environnement, du développement durable et de la lutte contre les changements climatiques, on devrait donner au MELCC une responsabilité véritablement transversale, qui se préoccupe aussi des impacts environnementaux de programmes de ministères sectoriels dans différents secteurs, tels que l’énergie, le transport, l’agriculture, la gestion des déchets, etc.
Le projet de loi 44 est très centralisateur. En faisant disparaître deux sociétés d’État qui seraient capables de gérer avec efficacité et à distance du pouvoir politique les programmes qui leur sont confiés si on leur en donne les moyens, ce projet de loi met davantage à risque les ministres qui seront responsables de l’application de la nouvelle loi. Les occasions de conflits d’intérêts seront plus grandes, ce qui risque de nuire à l’image d’intégrité et d’efficacité que tout gouvernement recherche pour assurer sa crédibilité et sa légitimité à long terme.
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